Intervention de Jean-Pierre Grand

Réunion du 7 février 2023 à 14h30
Soutien du sénat à l'ukraine — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Jean-Pierre GrandJean-Pierre Grand :

Madame la présidente monsieur le ministre, mes chers collègues, sidérés par la brutalité des événements d’Ukraine depuis le 24 février dernier, nous nous devons de garder la mémoire du temps long pour en saisir le sens et la portée.

Sachons ne pas oublier la longue période de dictature et d’oppression du régime communiste dans l’URSS d’alors et l’enfermement de ce régime dans une confrontation toujours plus acharnée. Sachons ne pas oublier ce qu’ont signifié la chute du mur de Berlin et la partition de son empire, source de nostalgie et de ressentiment parmi ses dirigeants et ses forces armées.

Vladimir Poutine n’a jamais fait mystère de ses sentiments sur cette page d’histoire, qu’il a appelée en 2005 « la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle ». Remodeler les frontières de la Russie, s’inscrire dans l’histoire comme le dirigeant qui lavera les affronts de l’histoire contemporaine de son pays, c’est son obsession. En 2008, Vladimir Poutine a jeté son dévolu sur l’Ossétie et l’Abkhazie en Géorgie, puis, six ans plus tard, sur le Donbass et la Crimée.

Le 24 février 2022, l’emballement de l’histoire nous rappela que la Russie n’avait pas renoncé à conquérir l’Ukraine. Dans l’esprit des nationalistes russes, une victoire militaire en quelques semaines contre l’Ukraine se serait traduite par le triomphe de Vladimir Poutine.

Poutine tente aujourd’hui de réhabiliter Staline pour remotiver un nationalisme russe confronté au doute que lui inspirent les revers de l’armée russe. La réalité est bien là : la Russie est loin d’avoir pu conquérir l’Ukraine et remplacer le gouvernement de Kiev !

Vladimir Poutine a sous-estimé la réaction occidentale, en particulier la capacité de l’Union européenne d’organiser son unité pour porter secours à une nation voisine envahie.

Les États-Unis, par leur envoi massif d’équipements militaires, leur aide financière, affichent leur soutien moral et politique à l’Ukraine.

Vladimir Poutine et ses généraux ont également sous-estimé la force du patriotisme de l’Ukraine, ses capacités militaires, tactiques, mécaniques et, bien sûr, le courage, la force politique du Président Zelenski, qui a su mobiliser son peuple et obtenir le soutien d’un grand nombre de démocraties.

Mes chers collègues, l’indicible de cette guerre, ses crimes, sa barbarie, ses milliers et milliers de morts, la déportation de citoyens, voire d’enfants : tout cela, l’histoire ne l’oubliera pas !

Tôt ou tard, les dirigeants russes devront rendre des comptes, mais aujourd’hui, chaque Français voudrait voir cesser cette guerre qui a désormais des conséquences sur leur vie quotidienne. Monsieur le ministre, beaucoup s’interrogent sur le rôle de la France.

Ici, au Sénat, nous savons que la France, plus qu’aucun autre pays, a conscience que son soutien sans réserve à l’Ukraine ne la dispense pas de poursuivre une action diplomatique ambitieuse. Au contraire, elle se doit de le faire, tout comme elle doit dans le même temps livrer de l’armement aux Ukrainiens et sécuriser sa présence sur tous les continents.

La France, dont l’engagement pour la paix n’est plus à démontrer, seul État de l’Union européenne à disposer d’un siège au Conseil de sécurité de l’ONU, se doit de développer une diplomatie de temps de guerre. C’est sa ligne politique depuis toujours.

La France, voix de la paix, sait anticiper les cataclysmes. Souvenons-nous, il y a vingt ans, presque jour pour jour, de la position de Jacques Chirac et du discours de Dominique de Villepin à l’ONU, contre la guerre en Irak. Le message de la supériorité du droit sur la force reste plus que jamais d’actualité.

Aujourd’hui, qui peut imaginer que le Président de la République, sa ministre des affaires étrangères et notre diplomatie ne sont pas dans la même stratégie de lucidité pour aider à jeter les bases d’une paix durable en Ukraine, sans renier ou affaiblir le soutien occidental à cette nation martyre et encore moins l’amener à renoncer à ses frontières reconnues par les Nations unies ?

Cette sale guerre, menée par la Russie, s’étend aussi dans un même temps dans les pays émergents dont les peuples, qui vivent dans la pauvreté, sont une proie facile pour Vladimir Poutine et sa milice Wagner.

Les récents coups d’État militaires en Afrique facilitent le retournement contre la France des populations abusées. Une déstabilisation de l’Afrique conduira mécaniquement à l’exode de ses populations vers le continent européen. Voilà une arme redoutable imaginée par le Kremlin pour déstabiliser l’Europe. Déstabiliser l’Afrique pour déstabiliser l’Europe, c’est aussi cela la guerre que nous mène Vladimir Poutine !

Enfin, la guerre en Ukraine et la stratégie russe ont une autre conséquence, que la France doit gérer avec ses partenaires, dans sa diversité et sa complexité, à savoir le risque du retour d’un sentiment politique contre l’Occident, lequel ne manquera pas, là aussi, de créer de multiples problèmes de tous ordres aux quatre coins du monde. Des alliances improbables, il y a encore quelques mois, pourraient devenir une réalité dès lors qu’elles serviraient les intérêts de nations continents.

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