Intervention de Pierre Laurent

Réunion du 7 février 2023 à 14h30
Soutien du sénat à l'ukraine — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Pierre LaurentPierre Laurent :

La présente proposition de résolution arrive à un moment crucial pour l’avenir du conflit et pour celui de la paix mondiale. Hier, le secrétaire général de l’ONU s’est alarmé que le monde se dirige « les yeux grands ouverts » vers une « guerre plus grande encore », mettant en garde contre « les risques d’une nouvelle escalade ». Allons-nous entendre, chers collègues, cette mise en garde ?

Voilà un an, l’agression militaire déclenchée par Vladimir Poutine a plongé dans l’horreur le peuple ukrainien et signé le retour d’une guerre inhumaine au cœur de l’Europe. Le bilan est d’ores et déjà effroyable : probablement plus de 300 000 victimes, tuées ou blessées, un pays durablement meurtri, des millions de réfugiés et de déplacés internes.

Vladimir Poutine croyait gagner la guerre en un éclair. La résistance de l’Ukraine, aidée par la France et l’Otan, a changé la donne. Face à cette résistance qu’il n’attendait pas, Vladimir Poutine a choisi le pire : toujours plus de guerre, de crimes, de destructions, de violations des droits humains et d’enrôlements forcés de jeunes Russes, sans compter le chantage plusieurs fois brandi de la menace nucléaire. Ce choix du pire a provoqué en riposte un armement massif de l’Ukraine.

Un an plus tard, malgré cet effrayant bilan, des moyens colossaux engagés de part et d’autre et une ligne de front globalement figée depuis des mois, la guerre ne s’apaise pas. Au contraire, elle semble à l’aube d’une nouvelle escalade, en dépit du constat dressé par le général Mark Milley, chef d’état-major des armées des États-Unis, le 9 novembre 2022, selon lequel « il doit y avoir une reconnaissance mutuelle que la victoire militaire n’est probablement pas, au sens propre du terme, réalisable par des moyens militaires, et qu’il faut donc se tourner vers d’autres moyens ».

J’entends aussitôt la critique : admettre ce constat, ce serait être indifférent au drame ukrainien ou, pis encore, se montrer complice de Vladimir Poutine. Le Président de la République lui-même, Emmanuel Macron, a été confronté à cette accusation larvée, quand il a tenté de maintenir ouverte la porte d’une négociation, et sommé alors de rentrer dans le rang des partisans de l’escalade guerrière.

Chers collègues, affirmer notre soutien à l’Ukraine contre l’agression militaire de la Fédération de Russie, dénoncer les crimes de Vladimir Poutine, exiger le retrait des troupes russes et le respect de la souveraineté de l’Ukraine, aider militairement et humanitairement l’Ukraine à se défendre et à protéger sa population est indispensable, comme nous le disons depuis le premier jour de la guerre. Mais cela doit aller de pair avec l’impératif de prévenir une guerre généralisée et avec une mobilisation internationale de tous les instants pour stopper le conflit et explorer toutes les voies capables de remettre les belligérants à la table des négociations en vue du retour à la paix et à la sécurité mutuelle.

Abandonner l’objectif de la paix au seul profit de l’escalade militaire, c’est abdiquer devant la perspective d’une guerre longue et durable, toujours plus destructrice, une guerre aux limites inconnues, chaque jour plus proche d’un basculement aux conséquences incalculables.

Ce travail est urgentissime. Ne voyons-nous pas s’accumuler les vents mauvais d’une guerre toujours plus large ? La Russie ne recule devant rien pour envoyer la jeunesse russe à la boucherie. Face à cela, le surarmement des pays de l’Otan s’accélère dans des proportions inédites. Les ventes d’armes à l’international des États-Unis ont dépassé la barre des 200 milliards de dollars, inondant l’Europe d’armes toujours plus sophistiquées.

Les dirigeants polonais, qui ne sont pas à proprement parler des figures de la démocratie, ont porté leur budget militaire de 9 milliards d’euros en 2015 à 97 milliards d’euros en 2023, à grands coups d’équipements américains.

Les surenchères nationalistes et les réécritures de l’histoire se propagent partout et en tous sens, excitant les haines des peuples. Ne voyons-nous rien de tout cela ni des périls encourus ? Européens ayant traversé deux guerres mondiales, avons-nous perdu la mémoire ?

Voilà pourquoi, chers collègues, nous ne voterons pas la proposition de résolution qui nous est proposée.

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