Intervention de Pascal Allizard

Réunion du 7 février 2023 à 14h30
Soutien du sénat à l'ukraine — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

Nos sanctions et nos moyens militaires contingentés, même s’ils sont technologiquement supérieurs, suffiront-ils à changer la donne ? Jusqu’où sommes-nous prêts à aller face à une puissance dotée ? Nous sommes désormais sur un terrain glissant. Les opinions publiques commencent à s’interroger, y compris aux États-Unis. La question du contrôle des armes livrées et du bon usage des aides est aussi un sujet majeur.

Par ailleurs, cette situation fait malheureusement le jeu de la Chine et des États-Unis. Je constate aujourd’hui combien il est judicieux pour les Chinois d’avoir mis en place des outils financiers alternatifs permettant d’échapper aux sanctions occidentales et qui peuvent être proposés à leurs alliés comme la Russie.

De plus, les entreprises russes se tournent vers le yuan pour leurs contrats, pratique qui pourrait durablement s’ancrer. En janvier 2023, la Russie a annoncé que la relance du marché des changes allait lui permettre de privilégier le yuan pour se « dédollariser ».

Les rapprochements russo-chinois dans de nombreux domaines doivent donc nous interpeller. L’Europe pourrait se trouver « cornérisée » entre deux grands axes : Chine-Russie, d’une part ; États-Unis et leurs alliés anglo-saxons, d’autre part.

La Chine se garde bien de soutenir ouvertement l’invasion russe, sans pour autant la désavouer. Et déjà, au travers de ce conflit et de la politique de sanctions qui en découle, la division du monde prend corps entre le camp occidental et le reste du monde, autour d’un pôle russo-chinois, tandis que l’ONU est de plus en plus marginalisée.

En raison des sanctions, les difficultés financières de la Russie et ses besoins en biens d’équipements de haute technologie la rapprochent encore de la Chine. Quant aux États-Unis, après une période « Trump » assez désastreuse pour leur image internationale et l’évacuation difficile et non concertée de Kaboul, ils ont amorcé un réengagement en Europe, malgré la primauté accordée à la zone indo-pacifique. À la faveur de la guerre en Ukraine, dans toute l’Europe, les achats sur étagère de matériel américain se multiplient. À terme, c’est l’avenir de la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne et française qui est en jeu.

Si les Européens, à juste titre, ont montré une certaine unité et une vraie fermeté face à la Russie, je ne suis pas sûr qu’ils aient gagné en crédibilité dans la mesure où la plupart d’entre eux considèrent que seuls l’Otan et les États-Unis sont en capacité de les protéger. L’Europe-puissance est encore loin et Washington n’a aucun intérêt à une trop grande autonomie politique et militaire européenne.

Pour la France, le chemin de crête est étroit : tout en gardant ouverts les canaux de dialogue, il semble important de tenir une ligne de fermeté vis-à-vis de l’agresseur russe, de poursuivre le soutien au peuple ukrainien, mais également de porter une attention plus soutenue aux actions indirectes menées par la Russie en Afrique francophone et dont nous sommes la cible.

Le moment venu, il faudra aussi, en lien avec nos partenaires, aider à la reconstruction de l’Ukraine et aux réformes nécessaires, notamment en matière d’État de droit, de lutte contre la corruption et d’économie.

Nous voterons cette proposition de résolution.

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