Intervention de Olivier Becht

Réunion du 7 février 2023 à 14h30
Soutien du sénat à l'ukraine — Adoption d'une proposition de résolution

Olivier Becht :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de résolution porte sur un enjeu particulièrement important pour la France et pour l’avenir du continent européen.

Avec l’agression russe de l’Ukraine, déclenchée le 24 février dernier, après près de huit ans de conflit larvé et d’ingérences militaires russes en Ukraine, nous assistons au retour de la guerre interétatique de haute intensité en Europe, impliquant un État doté de l’arme nucléaire.

Par cet acte d’une extrême gravité, la Russie a franchi toutes les limites et violé les règles régissant les relations internationales depuis 1945, notamment les principes fondateurs de la Charte des Nations unies que sont la souveraineté des États et le respect de leur intégrité territoriale.

Cette invasion, les objectifs mis en avant par Moscou pour justifier sa prétendue « opération militaire spéciale » et l’annexion illégale de quatre régions ukrainiennes à l’issue de simulacres de référendums démontrent, si besoin était, la volonté russe de nier l’existence de l’Ukraine en tant que nation indépendante et libre de choisir son destin.

Alors que nous approchons du premier anniversaire de cette agression barbare, injustifiée et injustifiable, force est de constater que la Russie n’a en rien abandonné ses objectifs et qu’elle cherche à soumettre la nation ukrainienne par la force militaire.

Malgré les revers sérieux qu’elle a connus – retrait de la région de Kiev au printemps dernier, contre-offensive ukrainienne réussie dans la région de Kharkiv en septembre, abandon de Kherson, seule capitale régionale qu’elle avait conquise et prétendait avoir annexée, en novembre – la Russie poursuit son agression avec une violence sans limites.

Elle exerce aujourd’hui une pression extrême dans le Donbass, où elle a réussi à progresser dans le secteur de Bakhmout, sans la moindre considération pour ses propres soldats qu’elle utilise comme de la chair à canon.

Seule la Russie est responsable de la poursuite des hostilités, alors que l’Ukraine a montré sa disponibilité à travailler à une paix juste et durable au travers du plan de paix en dix points présenté par le président Zelensky et que la France soutient.

La Russie poursuit par ailleurs sa stratégie lâche et cynique de destruction des infrastructures essentielles de l’Ukraine dans le but de mettre le pays à genoux. Depuis le début du mois d’octobre, des salves successives de missiles et de drones visent les infrastructures électriques, gazières ou de distribution d’eau, nécessaires à la survie de la population civile pendant l’hiver.

La dernière salve a eu lieu le 26 janvier dernier, soit le jour où la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Mme Catherine Colonna, visitait la ville d’Odessa, qui a été touchée. L’objectif russe est clair : désorganiser l’arrière ukrainien et semer la terreur dans la population pour infléchir la résistance de l’Ukraine à l’agression. Cette prise pour cible systématique de la population civile, Mme la Ministre l’a rappelé, cela ne veut pas dire faire la guerre, mais commettre des crimes de guerre.

Dans ces circonstances, la résistance dont font preuve depuis près d’une année l’armée et la population ukrainiennes force notre admiration. En conjuguant la bravoure et la détermination de ses soldats aux équipements sophistiqués que nous lui avons livrés, l’Ukraine a montré qu’elle était capable de résister et de repousser l’envahisseur russe.

Nous le redisons : la Russie ne parviendra pas à briser la résistance du peuple ukrainien, qui se bat pour sa liberté. Et dans cette lutte, l’Ukraine n’est pas seule : nous nous tenons à ses côtés et continuerons de le faire pour l’aider à recouvrer son intégrité territoriale et sa souveraineté. C’est ce message de soutien indéfectible qu’a porté aux autorités ukrainiennes la ministre de l’Europe et des affaires étrangères lors de sa visite à Odessa.

C’est ce même message que le Président de la République a transmis au président de la Rada et au ministre ukrainien de la défense, la semaine dernière. Dès le début de cette agression, que nous avons cherché à éviter jusqu’aux dernières heures, la France s’est placée du côté du respect du droit et de la liberté en apportant son plein soutien à l’Ukraine dans l’exercice de sa légitime défense.

Ce conflit, nous le savons, ne se réglera pas intégralement par les armes. Il faudra, à un moment, se mettre autour de la table et négocier. Mais ce moment n’est pas venu et ce sera à l’Ukraine, et à l’Ukraine seule, de décider quand et à quelles conditions elle souhaitera le faire.

Nous avons donc consenti un effort considérable de livraison d’équipements militaires et nous continuerons de le faire afin de mettre l’Ukraine en position de force pour recouvrer son intégrité territoriale. Ainsi, la décision du Président de la République, début janvier, de livrer des chars légers a entraîné une dynamique positive parmi nos partenaires et a ouvert la voie à la livraison de matériels cruciaux pour les forces armées ukrainiennes. De nouvelles annonces ont été faites par le Président de la République et le ministre des armées à l’occasion de la venue du ministre ukrainien de la défense à Paris, le 31 janvier dernier.

Nous allons fournir à l’Ukraine douze canons Caesar, qui s’ajouteront aux dix-huit déjà livrés. Nous allons poursuivre notre soutien dans le domaine antiaérien, avec l’envoi d’une batterie SAMP/T, conjointement avec l’Italie, d’un radar GM200 et de missiles pour les batteries antiaériennes Crotale. C’est essentiel pour protéger la population civile ukrainienne des frappes russes.

Nous travaillons également à des solutions pour fournir à l’Ukraine des munitions, de nouveaux véhicules blindés et du carburant ainsi que pour assurer le maintien en condition opérationnelle des équipements livrés et assurer le ravitaillement en carburant.

Nous avons participé au lancement de la mission d’assistance militaire de l’Union européenne en soutien à l’Ukraine (Eumam) et le ministre Sébastien Lecornu a annoncé que nous formerions 2 000 soldats ukrainiens sur le territoire français d’ici à l’été, tandis que 150 militaires français se rendront à la fin du mois en Pologne pour former jusqu’à 600 soldats ukrainiens par mois.

Nous sommes également l’un des plus importants contributeurs à la facilité européenne pour la paix, qui apporte un soutien en équipement militaire létal inédit au niveau européen.

Enfin, nous avons mis en place un fonds bilatéral, que vous avez porté à 200 millions d’euros, pour que l’Ukraine puisse se fournir en matériels auprès de notre base industrielle et de technologie de défense.

La France est donc, comme les Ukrainiens le disent eux-mêmes, un soutien de premier plan à la fois par l’ampleur des montants mobilisés, par la fiabilité du matériel qu’elle fournit et par la rapidité avec laquelle elle parvient à répondre aux besoins exprimés par Kiev.

Cependant, notre aide ne se limite évidemment pas au domaine militaire. Nous consacrons au total plus de 2 milliards d’euros à l’aide civile à l’Ukraine.

Ainsi, face aux conséquences humanitaires dramatiques des frappes russes contre les infrastructures ukrainiennes, nous avons organisé, le 13 décembre dernier, à Paris, la conférence internationale « Solidaires du peuple ukrainien », afin d’aider l’Ukraine à passer l’hiver. Pas moins de quarante-sept États et vingt-quatre organisations internationales ont répondu présents et ont promis plus de 1 milliard d’euros d’aide d’urgence, qu’il s’agisse de dons matériels ou de financements, dans les domaines de l’énergie, de l’eau, de la santé, de l’alimentation et des transports.

La France, pour sa part, a annoncé un effort total de 125 millions d’euros sur les seuls mois de l’hiver. L’intégralité de cette somme aura été engagée au 15 février, ce qui correspond, rapporté à la fenêtre calendaire, à l’effort humanitaire le plus important jamais déployé par notre pays.

Cette aide aura un impact concret sur la vie de milliers d’Ukrainiens victimes de la stratégie russe visant à faire de l’hiver une arme de guerre. Pour vous donner des exemples concrets, 63 générateurs haute puissance sont en train d’être fournis à l’Ukraine, en plus des 100 déjà livrés début décembre, ainsi que 5 millions d’ampoules LED qui permettront de réaliser d’importantes économies d’énergie.

L’effort total dans le secteur humanitaire s’élève à 200 millions d’euros en faveur de l’Ukraine et des pays limitrophes. Notre centre de crise et de soutien a mené plus de quarante opérations pour un total de 2 700 tonnes d’aide acheminées.

Nous avons également apporté un soutien précieux aux juridictions ukrainiennes et internationales en matière de lutte contre l’impunité. C’est l’une de nos priorités, car il n’y aura pas de paix durable en Ukraine sans justice.

Nous avons ainsi appuyé les enquêtes ukrainiennes de la Cour pénale internationale (CPI) et d’Eurojust, afin de contribuer à la collecte des preuves de crime de guerre. Nous avons aussi envoyé deux équipes de médecins légistes et de gendarmes de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) à Boutcha, en avril dernier, et dans la région de Kharkiv, fin septembre, et fait don de deux laboratoires d’analyse ADN. Nous participons aux réflexions sur la poursuite, engagée par l’Ukraine, du crime d’agression, dans le cadre du core group, qui s’est réuni à Prague les 26 et 27 janvier derniers. Nous accueillerons la prochaine réunion de ce groupe à Strasbourg, fin mars.

Nous sommes aussi mobilisés pour apporter une aide financière à l’Ukraine, à titre bilatéral et au niveau européen, et pour participer à l’effort de reconstruction à plus long terme, qui se structure sous l’égide de la plateforme de coordination des donateurs, mise en place à Bruxelles par le G7.

Parmi nos deux milliards d’euros d’aide, nous avons octroyé un prêt budgétaire direct de 400 millions d’euros via l’Agence française de développement (AFD) et fléché 1, 2 milliard d’euros vers des garanties à l’export, qui bénéficient à un large spectre de projets économiques essentiels à la reconstruction de l’Ukraine. Un exemple concret est celui de la plateforme numérique de modélisation de la reconstruction de l’oblast de Tchernihiv, portée par trois entreprises françaises.

Enfin, nous poursuivrons nos efforts visant à accroître les difficultés de la Russie à financer sa guerre d’agression par l’adoption de nouvelles sanctions. Celles-ci sont une preuve de l’unité européenne : les États membres ont réagi avec une rapidité sans précédent en adoptant les premières mesures quarante-huit heures après l’invasion russe.

Nous avons, depuis lors, adopté neuf paquets de sanctions, sectorielles comme individuelles, au niveau européen, mais aussi bâti des coalitions avec nos partenaires du G7 et l’Australie afin de plafonner le prix du pétrole russe.

Ces sanctions, ciblées et proportionnées, portent leurs fruits, comme en atteste la baisse du prix du pétrole brut russe depuis la mise en œuvre de ce dispositif de plafonnement.

Dans la perspective de l’adoption d’un dixième paquet de sanctions dans les prochaines semaines, la France prépare de nouvelles initiatives visant à entraver le fonctionnement de l’économie de guerre russe et à sanctionner ses responsables.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, le soutien de la France est total. Il engage l’ensemble de l’État français, mais il mobilise aussi, au-delà, les collectivités, les ONG, les entreprises et, je le sais parfaitement, votre Haute Assemblée.

Le soutien que nous apportons à l’Ukraine, c’est notre devoir, notre honneur et nos valeurs, celles d’une République qui s’est bâtie sur la défense du droit et des libertés. Le vote de la présente proposition de résolution le confirmera, j’en suis persuadé.

Ensemble, nous nous tenons debout, sans faiblir, aux côtés de l’Ukraine, et nous continuerons aussi longtemps qu’il le faudra.

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