Intervention de Fabien Gay

Réunion du 7 février 2023 à 14h30
Production d'énergies renouvelables — Vote sur l'ensemble, amendement 16

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après le débat sur les énergies renouvelables au début du mois de novembre, puis celui sur l’énergie nucléaire au début du mois de janvier, nous discutons de nouveau des EnR, à la suite de la commission mixte paritaire.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste défend – nous l’avons dit – un mix énergétique équilibré, avec une part de nucléaire et une part d’énergies renouvelables.

Pourtant, nous vous le répétons, il y a un problème de méthode. Une commission mixte paritaire suivie de dix-huit amendements à examiner en séance, j’ai rarement vu ça ! Ces amendements ne sont pas tous de simple coordination ; j’invite chacune et chacun à lire l’amendement n° 16 avant de se prononcer.

Il aurait fallu privilégier une discussion globale pour que nous puissions justement traiter de cette question du mix énergétique dans son ensemble.

Tout cela est fait dans le désordre. J’en veux pour preuve le fait que nous allons, au bout d’un long chemin législatif, discuter de la programmation pluriannuelle de l’énergie au travers d’une loi qui doit être adoptée avant le 1er juillet prochain.

Cette segmentation des débats a, au moins, une cohérence d’ensemble, madame la ministre : vous n’agissez en aucun cas pour que l’énergie sorte d’une logique de marché ou qu’elle soit vendue à des tarifs accessibles à toutes et tous.

Nous voyons bien où cela nous mène : l’électricité et le gaz ont augmenté de 15 % le 1er février dernier, et les tarifs réglementés du gaz disparaîtront au mois de juin prochain. D’ailleurs, vous ne dites toujours pas un mot sur cette extinction ! En pleine crise énergétique, êtes-vous prête à livrer aux appétits financiers les 5 millions de foyers qui dépendent des tarifs réglementés du gaz ? Il faudra un jour nous donner votre position.

Pire encore, je ne sais pas si cette loi permettra l’accélération de la production d’énergies renouvelables, mais elle accélérera sans aucun doute la libéralisation du marché de l’énergie, au travers de l’utilisation des ventes directes d’électricité, les PPA (Power Purchase Agreement), ou du partage de la valeur, qui vont se généraliser dans de nombreuses communes et intercommunalités.

Tout cela est en opposition totale avec le service public de l’énergie que nous soutenons.

Ensuite, pas un mot ne précise qui développera ces énergies renouvelables. Le public ou le privé ? Si nous voulons accélérer, encore faut-il des travailleuses et travailleurs formés, des filières de formation, mais aussi des filières industrielles pour construire, entretenir et démanteler les panneaux photovoltaïques et les pales des éoliennes ! Ou concevez-vous cette accélération comme une énième dépendance face aux entreprises chinoises et à leur savoir-faire ? Là encore, pas un mot !

Nous notons tout de même quelques avancées, et nous voulons les souligner. Vous avez entendu le besoin d’associer les communes à la définition de zones prioritaires et propices à l’installation de sites de production d’énergies renouvelables. Par ailleurs, plusieurs surfaces déjà artificialisées, comme les parkings, permettront l’installation de milliers de mètres carrés de panneaux photovoltaïques. Ce sera aussi le cas sur les toits de bâtiments non résidentiels. Au total, nous pouvons supposer que nous doublerons nos capacités de production d’ici à dix ans.

Toutes ces mesures seront pourtant mises en œuvre au prix d’un contournement du code de l’urbanisme, du code de l’environnement, et en contradiction avec les démarches de concertation promues pour tous les projets urbains que nous connaissons dans nos communes.

Sous prétexte de rattraper un retard accumulé depuis des années, vous faites une croix sur des dispositions essentielles, protectrices et utiles. C’est notamment contre ces régressions que nous nous sommes mobilisés avec mes collègues lors des débats en séance.

Il est paradoxal de promouvoir des énergies dites renouvelables, censées être plus respectueuses de l’environnement, en les imposant au détriment des espaces naturels, forestiers et littoraux. Le fait de limiter le dialogue et les recours possibles autour de ces projets n’offrira plus les garanties suffisantes pour mener un débat public utile et serein. Nous craignons ainsi qu’en voulant gagner quelques mois au détriment de la concertation, vous ne perdiez finalement plusieurs années avec des oppositions cristallisées.

Enfin, il y a un enjeu global. L’urgence climatique et l’absence de réponse pour laquelle la France est régulièrement condamnée ne se résoudront pas seulement par l’accroissement de la production d’énergies renouvelables. Il faudra aussi passer par la réduction de la consommation d’énergies fossiles, un enjeu que ce projet de loi ne nous a pas permis d’aborder.

C’est pourtant une aspiration majeure de notre groupe. Cela doit passer par la lutte contre les passoires thermiques, par la promotion du transport ferroviaire et des mobilités douces ou encore par l’accompagnement de notre agriculture.

Ces considérations sont pourtant absentes du texte, tout comme la question d’une maîtrise publique de l’énergie. En filigrane, ce qu’il faut comprendre, c’est plutôt que vous souhaitez accélérer la libéralisation du secteur, à l’heure où la crise que nous vivons nous prouve que celle-ci est un échec cuisant. Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.

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