Intervention de Vincent Segouin

Réunion du 7 février 2023 à 14h30
Commerce extérieur : l'urgence d'une stratégie publique pour nos entreprises — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la délégation sénatoriale aux entreprises

Photo de Vincent SegouinVincent Segouin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes heureux que ce débat sur le commerce extérieur puisse avoir lieu, car il nous paraît essentiel de ne pas répéter les erreurs du passé. La plus importante d’entre elles fut le choix de la désindustrialisation, pourtant assumée par les gouvernements successifs depuis des décennies. Personne n’a anticipé les conséquences de ce choix désastreux, qui est à l’origine du déficit abyssal de notre balance commerciale.

Pour de nombreux commentateurs, nous avons « touché le fond », ou plutôt l’abysse, en dépassant la barre des 164 milliards d’euros de déficit en 2022 ! Bien évidemment, les dernières crises ont encore creusé davantage le solde des échanges de biens, notamment avec la hausse du déficit énergétique. Mais cette dégradation conjoncturelle ne fait que renforcer une tendance structurelle, observée depuis vingt ans.

La situation est grave, parce que nous nous sentons impuissants face à la détérioration conjoncturelle du commerce extérieur de la France, n’ayant plus de « réserves » pour faire preuve de résilience. Elle est grave, car notre premier partenaire commercial, l’Allemagne, peut au contraire résister à la crise actuelle. En effet, en 2021, elle affichait, d’après Eurostat, un solde positif de 178, 4 milliards d’euros. Nous n’avons pas su tirer les leçons des choix économiques ayant placé nos deux pays sur des trajectoires diamétralement opposées, depuis les années 1990, en termes de compétitivité. Nous sommes aujourd’hui les derniers de l’Union européenne, derrière l’Espagne, la Roumanie et même la Grèce.

Monsieur le ministre, nous espérons que nous partageons le même constat et les mêmes objectifs sur trois points prioritaires.

Premier point, la Team France Export, née de la stratégie dite de Roubaix de 2018, constitue un indéniable progrès. Toutefois, elle ne peut à elle seule résoudre le problème du commerce extérieur de la France. Car nous ne pouvons pas changer la donne en nous focalisant uniquement sur l’export. Aujourd’hui, l’ensemble des témoignages recueillis par notre mission convergent autour du constat d’une carence de vision globale, stratégique, intégrant des objectifs en matière d’importations.

Deuxième point, la réflexion sur une stratégie en matière d’importations et de relocalisations implique de s’interroger sur deux éléments : ce que nous sommes capables de produire en restant compétitifs et ce qui contribue à notre souveraineté. Les Français ont découvert les conséquences des délocalisations de production avec la pénurie de masques pendant la crise du covid-19. Ils vivent aujourd’hui avec l’angoisse d’une rupture d’approvisionnement de médicaments, notamment pédiatriques. On recense près de 320 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur en forte tension, conséquence des délocalisations massives de production.

Nous ne pouvons plus attendre les prochaines crises pour réfléchir aux relocalisations. Nous devons impérativement nous demander aujourd’hui quelles sont les dépendances qui peuvent porter atteinte à notre souveraineté et en tirer les conséquences en matière de relocalisations.

Cette stratégie, éminemment politique, devrait faire l’objet d’une loi d’orientation économique pour la France.

Troisième point, qu’il s’agisse de relocalisations ou de « réindustrialisation verte », nous ne pouvons plus nous voiler la face. Rien ne sera possible sans accompagner ces projets d’une stratégie fiscale adéquate. La force de frappe, ce sont les entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui ne peuvent pas se développer en France, notamment en raison d’une fiscalité de la transmission bien moins favorable qu’en Allemagne. Nous le répétons depuis des années !

Résultat, nous ne comptons que 5 400 ETI, contre 12 500 chez nos voisins. Tous les économistes l’ont reconnu, le poids de la fiscalité et de la complexité administrative a conduit les entreprises françaises à créer des filiales à l’étranger plutôt qu’à exporter. Or les importations des 46 488 filiales françaises pèsent aujourd’hui sur notre balance commerciale. C’est à cette logique, à cette spirale infernale, que nous devons enfin mettre un terme.

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