Intervention de Daphné Ract-Madoux

Réunion du 7 février 2023 à 14h30
Commerce extérieur : l'urgence d'une stratégie publique pour nos entreprises — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la délégation sénatoriale aux entreprises

Photo de Daphné Ract-MadouxDaphné Ract-Madoux :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, face au retour en force dans le monde d’un protectionnisme classique, couplé à un réarmement commercial inédit, il est plus que jamais nécessaire de bâtir une stratégie commerciale résolument ambitieuse, afin de garantir la compétitivité de nos entreprises à l’international.

Le travail prospectif mené par la délégation sénatoriale aux entreprises et ses rapporteurs est salutaire et permet d’inscrire ce sujet à l’agenda du débat public. Je souhaite donc féliciter Florence Blatrix Contat, Vincent Segouin et Jean Hingray de la qualité de leurs travaux et de leurs recommandations. C’est un travail d’autant plus important que, en matière commerciale, la sonnette d’alarme devrait être tirée depuis longtemps.

Ainsi, le déficit de la balance commerciale française s’est fortement aggravé en 2022, passant de 85 milliards d’euros à près de 164 milliards d’euros. Au-delà d’un phénomène structurel connu de longue date, le renchérissement de la facture énergétique, associé à la forte dépréciation de l’euro face au dollar, a fait plonger notre balance commerciale. Mes chers collègues, nous le savons, notre dépendance aux importations est problématique et remet en cause notre souveraineté.

Si l’on met de côté la question préoccupante de l’énergie, notre déficit structurel s’est creusé dans des proportions inquiétantes. Fleuron français, l’aéronautique voit sa balance excédentaire passer de 31 milliards d’euros à 20 milliards d’euros entre 2019 et 2022, soit une chute de 35 % sur trois ans…

Ces chiffres symptomatiques d’une politique commerciale touchée par un mal profond sont aggravés par une concurrence internationale acharnée.

Avec la fin des restrictions sanitaires, Pékin renoue avec sa politique commerciale offensive, en misant sur sa main-d’œuvre peu qualifiée et ses géants industriels ultra-compétitifs.

Washington a récemment adopté l’Inflation Reduction Act, doté de 370 milliards d’euros, visant à soutenir les entreprises américaines produisant éoliennes, panneaux solaires et véhicules électriques.

Avec nos partenaires européens, nous devons agir rapidement pour permettre à nos entreprises de continuer à trouver des débouchés sur les marchés internationaux en restant compétitives.

Je salue à ce titre l’action du Gouvernement ayant conduit, au niveau européen, à la mise en œuvre d’un plan industriel communautaire pour un Pacte vert, présenté par la Commission mercredi dernier. La création d’un fonds européen de souveraineté à destination de nos acteurs économiques est ainsi un signal fort envoyé par la Commission.

En complément, à l’échelon national, nous devons mieux accompagner à l’international nos TPE, PME et ETI. La mise en œuvre de la Team France Export, dans la lignée de la stratégie de Roubaix de février 2018, est par exemple un véritable succès. C’est désormais un outil clé, qui a accompagné plus de 10 500 PME et ETI françaises en 2021.

Si nous ne pouvons que nous féliciter de ces réformes et de ces avancées, il reste tant à faire, mes chers collègues ! Trois recommandations du rapport me semblent devoir être soutenues à cet égard.

Tout d’abord, nous devons continuer d’investir dans la formation dans le secondaire et le supérieur, afin de doter nos entreprises de professionnels agiles et à l’aise à l’international pouvant faciliter l’insertion de nos entreprises sur les marchés extérieurs.

Ensuite, nous devons mieux identifier les vulnérabilités d’approvisionnement, en utilisant les données douanières européennes. C’est une condition impérative pour garantir notre souveraineté commerciale.

Enfin, il est urgent de définir une vision stratégique à horizon de 2040, voire de 2035, en matière de commerce extérieur, afin de nous attaquer aux racines structurelles de notre déficit.

Cette vision doit s’appuyer sur deux piliers principaux : d’une part, une meilleure synergie entre les nombreux et différents dispositifs existants, pour une politique plus efficiente ; d’autre part, l’inscription dans une loi de programmation des objectifs précis de réduction du déficit, afin de bâtir une trajectoire lisible et cohérente pour l’ensemble des acteurs.

Mes chers collègues, nous le savons, le chantier est immense.

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