Si les déficits de l’État et de la sécurité sociale ont bientôt un demi-siècle, en matière commerciale, la France était restée exportatrice nette de biens jusqu’au début des années 2000.
À l’époque du gouvernement Jospin et de la gauche plurielle, notre pays était encore une grande puissance commerciale en Europe et dans le monde. Depuis lors, notre balance commerciale n’a cessé de se dégrader. Un cap supplémentaire a été franchi depuis la crise sanitaire, avec un déficit commercial qui a dépassé 80 milliards d’euros en 2021 et qui aurait explosé à plus de 150 milliards d’euros en 2022, en particulier, il est vrai, à cause de la crise énergétique entraînée par la guerre en Ukraine.
Comment expliquer ce phénomène désormais structurel ? Il faut mettre au crédit de la délégation sénatoriale aux entreprises de s’être penchée sur cette question épineuse, mais si importante pour l’avenir de notre pays.
Au sein d’une Union européenne qui équilibre à peu près ses comptes extérieurs, la France apparaît à la remorque de l’Allemagne, et même de l’Italie, deux pays qui ont su conserver une balance commerciale positive.
Il y aurait des choses à dire sur le bien-fondé d’un commerce allemand aussi fortement excédentaire, revers d’une consommation intérieure atone et symbole d’une politique qui se fait parfois au détriment de ses partenaires européens. Ces questions sont débattues depuis des années, avec les crises qui ont secoué la zone euro.
Toutefois, cela ne doit pas nous empêcher de regarder certaines réalités en face et de trouver des solutions aux faiblesses structurelles de l’économie française. Le Brexit a probablement renforcé ces difficultés, car c’est avec le Royaume-Uni que nous avions notre plus important excédent commercial. Au passage, je rappelle tout de même que le coût principal du Brexit est pour le Royaume-Uni lui-même.
Le déficit commercial de la France n’est pas dû seulement à la facture énergétique. Cette dernière représente une part, certes importante, mais les pertes de parts de marché à l’exportation se sont accumulées dans de nombreux secteurs sur le long terme.
Cet affaiblissement touche aujourd’hui non seulement l’industrie, mais aussi le secteur agroalimentaire. En outre, le rapport a mis en lumière les risques qui pèsent sur les services avec le phénomène de « télémigration », qui a commencé par la généralisation du télétravail. Mesure-t-on encore bien son ampleur ?
Le secteur des services est pourtant un domaine où la France reste exportatrice : si l’on prend la balance courante, et plus seulement la balance du commerce de biens, le déficit en 2021 est ramené à une vingtaine de milliards d’euros « seulement ». C’est une nuance intéressante face aux discours souvent alarmistes. Malgré tout, notre position extérieure nette n’a cessé de se dégrader sur une longue période.
Les faiblesses de nos PME à l’export ne sont pas nouvelles. La France continue de manquer de grosses PME exportatrices comme il y en a en Allemagne et en Italie.
Certains ont voulu incriminer la monnaie unique et l’absence de zone monétaire optimale, mais les difficultés similaires rencontrées par le Royaume-Uni, qui n’a jamais été dans la zone euro, montrent que cette question est plus complexe.
Face à tous ces défis, que faire ? J’identifierai trois axes d’action.
Tout d’abord, il nous faut accompagner la remontée en gamme de notre production. Nous devons impérativement améliorer la qualité moyenne de nos produits dans de nombreux secteurs. Hormis quelques domaines d’excellence, l’économie française se situe trop souvent dans la moyenne gamme, ce qui la handicape. Cela nécessite d’importants investissements, tant publics que privés.
Ensuite, nous devons aménager notre cadre réglementaire et fiscal. Un amendement proposé par mon groupe lors de la discussion de la dernière loi de finances visait ainsi à préserver la souveraineté économique dans le secteur des services numériques face aux risques de prise de contrôle hostile. Il faut également se pencher sur les modalités de transposition des directives européennes. Dans ce domaine, le Sénat pourrait lui-même lutter contre sa propre tendance à la surtransposition.
Enfin, et surtout, la réindustrialisation doit aujourd’hui être le levier de la transition écologique. À cet égard, les pouvoirs publics, État et collectivités territoriales, ont un rôle crucial à jouer.
Voilà les quelques remarques que je souhaitais formuler au nom du groupe RDSE et qui sont loin d’épuiser ce vaste sujet.