Intervention de Marta de Cidrac

Réunion du 7 février 2023 à 14h30
Commerce extérieur : l'urgence d'une stratégie publique pour nos entreprises — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la délégation sénatoriale aux entreprises

Photo de Marta de CidracMarta de Cidrac :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le lent déclin de notre balance commerciale porte en lui nombre des maux qui affectent l’économie française depuis plusieurs décennies : désindustrialisation, fiscalité écrasante sur la production et la transmission d’entreprises, manque d’intermédiaires entre petites ou moyennes entreprises et entreprises du CAC 40, lourdeurs et complexités administratives.

Bref, nous traînons ces fers aux pieds depuis bien trop longtemps, et je me réjouis que nos collègues de la délégation aux entreprises se soient penchés sur ce problème.

Je salue ainsi le travail des rapporteurs, qui a pu aboutir à des propositions concrètes, lesquelles, je l’espère, seront entendues et encouragées, car le constat est sévère, mais hélas réaliste : la France n’exporte pas assez ! Les chiffres, particulièrement mauvais ces dernières années, parlent d’eux-mêmes.

Le déficit commercial, de 84 milliards d’euros en 2021, atteindra le chiffre record de 160 milliards d’euros en 2022. Dans la période pré-covid, il était solidement ancré autour des 60 milliards d’euros, avec un plongeon significatif de 15 milliards d’euros de déficit supplémentaire entre 2016 et 2017.

À la racine de ce mal français, il y a la faible part de l’industrie dans le produit intérieur brut. Et elle n’a cessé de plonger : aujourd’hui, elle n’est que de 13, 5 %, quand la moyenne européenne se situe autour de 15 %. Pour rappel, ce ratio est de 24, 2 % en Allemagne, de 19, 6 % en Italie et de 15, 8 % en Espagne. Vous trouverez tous ces chiffres dans l’excellent rapport de mes collègues Florence Blatrix Contat, Jean Hingray et Vincent Segouin.

Revenons quelques années en arrière, lorsque certains théoriciens de l’économie prédisaient que « ce monde qui vient » serait celui des services et non plus celui de l’industrie, avec cette idée folle, relayée par les mêmes auteurs, que les pays développés devaient délocaliser leurs productions à l’étranger pour ne garder que les services.

Malheureusement, chacun a pu constater l’hémorragie qui a suivi. Notre industrie a payé un lourd tribut à ces idées mortifères, perdant 10 points dans la part du PIB qu’elle occupait. Pour mémoire, mes chers collègues, le déficit commercial de la France était jusqu’alors inférieur à celui de l’Allemagne.

Exemple symptomatique, comment expliquer que, aujourd’hui, les constructeurs automobiles français, parmi les plus importants au monde, pèsent si peu dans les exportations nationales ?

Notre industrie automobile s’est délocalisée depuis vingt ans, attirée par le coût attractif de la main-d’œuvre étrangère. Dans le même temps, l’industrie automobile allemande s’est appuyée sur les anciens pays d’Europe centrale et orientale, devenus leur « arrière-boutique », tout en conservant un assemblage final en Allemagne. C’est donc du Made in Germany.

Résultat, notre balance commerciale automobile n’a plus été excédentaire depuis 2004 et – comble de l’ironie – certains constructeurs français sont devenus importateurs sur le marché national. Nous devons être interpellés par ces exemples, que l’on pourrait multiplier dans bien des domaines pour les dernières décennies.

De ce triste constat, un autre découle : les productions étrangères affluent maintenant en quantité sur le territoire national ; nous sommes devenus un pays d’importation de denrées et de produits du bout du monde, dans des emballages du bout du monde.

Notre déficit commercial n’évalue pas cette donnée, mais nous importons les déchets de demain, ceux-là mêmes qui n’ont créé ni emplois, ni richesse, ni savoir-faire dans notre pays.

Monsieur le ministre, je plaide pour que nos politiques publiques prennent conscience de ce fait d’importance et soutiennent la création d’une puissante filière industrielle française compétitive et innovante de traitement des déchets.

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