Intervention de Vanina Paoli-Gagin

Réunion du 7 février 2023 à 14h30
Commerce extérieur : l'urgence d'une stratégie publique pour nos entreprises — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la délégation sénatoriale aux entreprises

Photo de Vanina Paoli-GaginVanina Paoli-Gagin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le creusement progressif de notre déficit commercial dure depuis tant d’années que certains s’y sont presque habitués, allant jusqu’à le qualifier de « structurel » !

Chaque année, ce déficit s’enlise, et il devient urgent de redresser la barre ; chaque année, les mauvais choix des trois dernières décennies en matière de politique industrielle se rappellent à nous.

Pourtant, les alertes se sont multipliées, à l’instar du rapport déposé en 2018 par mon collègue Jean-Pierre Decool sur la pénurie de médicaments, qui demeure malheureusement d’actualité.

La crise de la covid-19 a braqué les projecteurs sur notre décrochage industriel et sur la perte de compétitivité de nos entreprises ; elle a posé une lumière crue sur le vieillissement de notre appareil productif, sur les délocalisations de nos emplois, sur la fuite ininterrompue de nombre de nos talents et sur l’inadéquation de notre positionnement de milieu de gamme.

Alors que nous sommes confrontés de plein fouet aux pénuries, au renchérissement du coût de l’énergie et à notre dépendance aux importations, les manquements de notre politique commerciale nous obligent. S’accorder sur un même constat est un premier pas ; à ce titre, l’état des lieux des 900 postes et produits affichant un déficit supérieur à 50 millions d’euros, préparé par le Haut-Commissariat au plan, est utile. Désormais, nous devons agir, et vite.

L’étude de notre balance commerciale pose aussi la question de notre politique dédiée à la recherche. « Oublier Lisbonne et mourir », c’est un peu ce que nous avons fait, hélas, monsieur le ministre. Je vous le rappelle, l’Europe devait alors devenir « l’économie […] la plus compétitive du monde en 2010 » et nous devions consacrer 3 % de notre PIB à la recherche et développement (R&D). La France est malheureusement encore loin du compte !

Pourtant, les chiffres montrent que les entreprises actives en R&D exportent plus : en France, celles-ci doivent 31 % de leur chiffre d’affaires à l’export, contre 23 % pour l’ensemble des entreprises. Cette tendance est plus flagrante encore concernant les PME : celles qui sont actives en R&D réalisent 29 % de leur chiffre d’affaires à l’export, contre seulement 10 % pour l’ensemble de la catégorie.

Même si des lourdeurs bureaucratiques freinent toujours son déploiement, je place mes espoirs dans le plan France 2030, lequel met l’accent sur la formation et sur la recherche, à l’instar de la loi de programmation de la recherche (LPR), dans des domaines stratégiques. Parmi ceux-ci, le spatial, la décarbonation de l’industrie et la santé sont autant de secteurs dans lesquels la France doit rapidement se positionner.

Développer une stratégie française en faveur de la recherche répond à un enjeu de souveraineté majeur. Pour autant, nous avons de bonnes raisons d’espérer : dans certains domaines, la France est même très bien positionnée, comme dans le luxe, dans l’agroalimentaire ou dans d’autres secteurs encore, qui représentent fièrement notre pays à l’international.

Parmi ceux-ci, je voudrais saluer la filière du jouet et du jeu de société. Il s’agit de tout un écosystème de talentueux professionnels dont on parle peu et qui s’emploient à soutenir la dynamique de cette florissante industrie partant à la conquête des marchés internationaux. J’ai ainsi à l’esprit l’entreprise Ferriot Cric, à Mussy-sur-Seine, dans l’Aube.

Le Festival international des jeux (FIJ) se tiendra à Cannes à la fin du mois ; sa précédente édition avait réuni 80 000 passionnés du monde entier. Cette réussite du made in France souligne l’urgence de rapatrier certaines productions, comme les éléments magnétiques ou les puces électroniques.

Si ces exemples nous donnent de l’espoir, ils ne peuvent malheureusement faire oublier la gravité de la situation. Le statu quo n’est plus permis.

Le rapport d’information Transformer l ’ essai de l ’ innovation : un impératif pour réindustrialiser la France, dont j’étais le rapporteur, dénonce le saupoudrage d’aides publiques, mais aussi les délais d’autorisation de mise sur le marché (AMM), incompatibles avec le développement rapide de secteurs technologiques innovants.

En matière de biocontrôles – ces substituts aux pesticides –, domaine dans lequel la France est innovante, il faut ainsi sept à dix mois et 7 000 dollars pour homologuer un produit aux États-Unis, grâce à la procédure fast track, quand dix-huit mois au moins, et plus souvent trente-six mois, sont nécessaires pour le faire auprès de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA), à des coûts bien supérieurs. Encore faut-il alors passer par la Belgique, car notre propre agence, l’Anses (Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), est saturée.

Cette situation pose vraiment un problème indirect à notre commerce extérieur, car elle coûte à nos entreprises, qui subissent des décalages dans leur plan d’affaires et qui perdent leur avance compétitive. Je forme le vœu que l’Inflation Reduction Act européen apporte les améliorations nécessaires pour arrêter l’hémorragie.

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