Intervention de Évelyne Renaud-Garabedian

Réunion du 7 février 2023 à 14h30
Commerce extérieur : l'urgence d'une stratégie publique pour nos entreprises — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la délégation sénatoriale aux entreprises

Photo de Évelyne Renaud-GarabedianÉvelyne Renaud-Garabedian :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les chiffres relatifs au commerce extérieur sont catastrophiques. Je ne les reprendrai pas ici, puisque mes collègues les ont déjà évoqués.

Face à cela, les plans des gouvernements successifs et les rapports parlementaires – je tiens à saluer la qualité de celui de la délégation – n’ont absolument pas inversé la tendance, pour une part parce que nous n’avons pas appliqué les recommandations, pour une autre parce que nous dépendons des mouvements internationaux, et pour une troisième part parce que nous n’avons pas la culture de l’export, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre. C’est en réalité ce dernier point qui, à mon sens, prend le dessus sur tout le reste.

Je ne reviendrai pas sur les variables macro- et microéconomiques de notre commerce extérieur : les auteurs du rapport le font très bien. Je voudrais insister sur un seul aspect : notre façon d’envisager le commerce extérieur, qui passe en premier lieu par l’étranger.

Nous avons de grandes entreprises françaises qui exportent sans l’aide de l’État : elles connaissent les pays, leurs dirigeants et les chefs d’entreprise. Elles se font leur propre réseau. Nous n’avons jamais compté autant d’exportateurs français depuis vingt ans : ils sont près de 140 000.

Les traditionnelles locomotives, Airbus ou LVMH, et les grandes entreprises ne constituent de manière étonnante que 0, 5 % des exportateurs ; pourtant, elles pèsent pour 52 % de la valeur. Les PME, PMI et TPE, qui, je le rappelle, constituent la majorité du tissu économique français, représentent plus de 99 % des troupes à l’export, mais – malheureusement ! – seulement 48 % de la valeur.

Bien que très nombreuses à l’export et performantes dans leurs secteurs respectifs, qui sont souvent des marchés de niche, les petites entreprises n’exportent que de façon très ponctuelle, faute pour elles de maîtriser les règles de l’export : elles ne sont pas anglophones, elles ne se déplacent pas, elles ne communiquent pas à l’international et elles n’ont pas de stratégie globale à l’export ! Elles sont pourtant la vitrine de la France.

Ce sont elles qui ont besoin de nous pour augmenter leur chiffre d’affaires à l’export. Notre objectif doit donc être d’aider nos PME et PMI à généraliser l’exportation.

Pour y parvenir, il faut développer une réelle culture de l’export, auprès des étudiants et des futurs chefs d’entreprise, avec des formations spécifiques.

Il faut que les PME-PMI considèrent que l’international est une clé de leur développement, au même titre que le marché intérieur.

Nous devons faire la promotion des outils d’accompagnement à l’export et renforcer la coordination des acteurs : Bpifrance, Business France et les régions. Je rappelle que la Cour des comptes, dans son rapport publié en octobre 2022, a constaté que ces acteurs se trouvaient malheureusement entre eux dans une situation de concurrence, et non de coopération.

Il faut davantage s’appuyer sur une diplomatie économique parallèle, que nous n’exploitons absolument pas : les entrepreneurs français installés à l’étranger. Je ne parle pas des entreprises françaises établies à l’étranger, mais bien des entrepreneurs qui ont créé une entreprise de droit local.

Nous avons dans tous les pays du monde des entrepreneurs français. Ils sont français, importent des produits et des services français dans leur pays de résidence. Ils connaissent l’économie locale comme personne, les marchés qu’il faut exploiter et ceux qu’il vaut mieux éviter. Ce sont eux qui ont créé une entreprise, ce sont eux qui ont construit et établi des connexions avec les acteurs économiques locaux.

Pour ma part, je suis chef d’entreprise et sénateur des Français de l’étranger, en contact permanent avec ces entrepreneurs français qui participent au rayonnement de notre pays et qui peuvent être de puissants relais de croissance à double égard : d’une part, en facilitant l’export des entreprises – je viens d’en parler longuement ; d’autre part, en important massivement des produits et services français dans leur pays de résidence. Nous devons soutenir ces entrepreneurs.

Pour eux, la France est une marque qu’ils vendent, ce que les géants du luxe ont très bien compris. Il n’y a pas un pays au monde où vous ne trouverez pas une référence à Paris ou une reproduction de la tour Eiffel, d’une baguette ou d’un camembert. C’est la raison pour laquelle je voudrais évoquer le label made by France, déjà évoqué par l’un de mes collègues, pour les entrepreneurs qui vendent à l’étranger des produits et services français.

Ce label vise à valoriser la fabrication ou la conception française des produits et services, leur qualité, leur origine, le savoir-faire français artisanal et industriel, le respect de normes et le terroir : en un mot, l’excellence française !

Ces entrepreneurs constituent le réseau des chambres de commerce et d’industrie France International : quelque 123 chambres dans 94 pays, sans aucune aide publique. Nous ne les valorisons pas suffisamment. Or le réseau, c’est la base de tout projet entrepreneurial : seuls, nous ne faisons rien. Ces chambres devraient être une partie essentielle de toute démarche visant à améliorer notre balance commerciale.

Je soutiens l’ensemble des recommandations du rapport de mes collègues, en insistant sur le rôle que pourraient avoir, au sein d’une stratégie de commerce extérieur efficace, les entrepreneurs français à l’étranger. D’autres pays l’ont compris, qui valorisent bien plus que nous le potentiel économique de leur diaspora : je veux parler de la Chine.

Je présenterai dans quelques semaines une proposition de loi visant à valoriser nos entrepreneurs français. Cela n’est pas seulement dans leur intérêt. C’est dans l’intérêt de notre commerce extérieur. C’est dans l’intérêt de la France, la bataille de l’export se gagnant d’abord, selon moi, à l’étranger.

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