Intervention de Serge Babary

Réunion du 7 février 2023 à 14h30
Commerce extérieur : l'urgence d'une stratégie publique pour nos entreprises — Conclusion du débat

Photo de Serge BabarySerge Babary :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie chacun d’avoir participé à ce débat intéressant et utile.

Le Sénat a multiplié les alertes, depuis plusieurs années, pour faire prendre conscience de notre dépendance aux importations, notamment celles qui proviennent d’Asie.

Mon collègue Vincent Segouin évoquait les ruptures d’approvisionnement de médicaments ; vous avez répondu à sa question, monsieur le ministre. Je rappelle que la commission des affaires économiques, dès 2018, puis dans son rapport présentant cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique, soulignait déjà cette dépendance. En effet, l’approvisionnement de la France en ingrédients pharmaceutiques actifs provient à plus de 80 % de Chine et d’Inde.

J’ai évoqué dans un débat précédent, aujourd’hui même, le sujet des véhicules électriques, et le même constat de dépendance aux importations asiatiques peut être dressé pour ce qui est des semi-conducteurs ; vous avez également répondu à cette question, monsieur le ministre.

Or les travaux de mes collègues de la délégation aux entreprises montrent clairement que les études sur la vulnérabilité des approvisionnements de la France minimisent les risques encourus.

Qu’il s’agisse des publications de la direction générale du Trésor ou de celles du Conseil d’analyse économique, elles s’appuient sur des données qui ne permettent pas de distinguer les différents intrants de la chaîne de valeur des biens importés. Par exemple, un bien importé d’Allemagne n’est pas jugé risqué, car il est identifié comme provenant de l’Union européenne, même s’il dépend de composants importés exclusivement de Chine.

Il me semble, monsieur le ministre, que nous ne pouvons plus nous contenter d’une analyse qui minimise autant les risques, alors que les récentes crises ont montré aux Français les conséquences des délocalisations massives de nos sites de production.

Il faut mobiliser la Commission européenne, pour que les données des États membres permettent d’appréhender collectivement la réelle dépendance de nos économies européennes. Comme souvent, il existe un décalage entre la perception de l’administration de l’État et la réalité économique vécue sur le terrain par les entreprises et les citoyens.

Cette même déconnexion est ressentie par les entreprises face à la complexité des normes qui leur sont applicables. Celles-ci ne cessent de se multiplier, au point de détourner les dirigeants de leur cœur de métier et de plomber notre compétitivité.

En matière de commerce extérieur – nous l’avons vu en Italie et en Allemagne –, les ETI constituent un véritable atout. Pourtant, en France, comme le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire le rappelait récemment devant notre délégation, 700 nouvelles normes s’imposent aux ETI chaque année, en plus du stock des 400 000 normes existantes, ce qui représente un coût total de 28 milliards d’euros pour ces entreprises.

La simplification des normes est un enjeu central pour le commerce extérieur, et je ne doute pas que vous suivrez avec attention les conclusions de la mission d’information dont les travaux sont en cours sur le sujet au sein de notre délégation : nous vous ferons part de ses conclusions.

Le redressement du commerce extérieur dépendra des efforts déployés par chaque ministère et chaque acteur public ou privé de l’écosystème. Les grandes entreprises devront apprendre à chasser en meute avec les PME. Les acheteurs publics devront prendre exemple sur nos voisins européens et dépasser le critère du moindre coût, pour ne plus défavoriser les TPE et PME françaises. Bref, nous avons tous un rôle à jouer.

La désindustrialisation a produit un cercle vicieux, car nous n’avons pas su, ou pas voulu, en mesurer les conséquences dans tous les domaines ayant un impact sur notre compétitivité : chômage endémique et affaiblissement des compétences et de l’innovation, comme nos collègues l’ont rappelé. Il nous faut désormais nous doter d’une structure capable de piloter efficacement notre stratégie : c’est ce que nous proposons avec la rénovation du conseil stratégique de l’export.

Le Gouvernement doit enfin entendre l’appel du législateur, qui réclame depuis longtemps de véritables études d’impact en amont des projets de loi, prenant en compte tous les effets des politiques publiques, qu’il s’agisse de formation, de fiscalité ou de normes environnementales.

Il est temps de permettre aux entreprises de développer leurs talents, non seulement à l’étranger, mais aussi dans nos territoires, en leur offrant enfin un écosystème favorable.

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