Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a deux semaines, en première lecture, nous adoptions ici même le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. Le même jour, nous parvenions à un compromis avec nos collègues députés sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce texte ont été adoptées hier.
Il y a une semaine, lors du salon HyVolution 2023, que j’ai eu plaisir à visiter, la ministre de la transition énergétique dévoilait les nouveaux lauréats de l’appel à projets « Écosystèmes territoriaux hydrogène ».
Depuis vendredi, les élus locaux peuvent demander le financement de leurs projets durables dans le cadre du fonds vert, plus de 3 milliards d’euros de crédits et de prêts étant mobilisés à cet effet.
Chers collègues, ces trois actions françaises témoignent de notre volonté d’aller plus loin, et encore plus vite, pour atteindre les objectifs fixés pour 2030 en matière de réduction d’émissions carbone.
En Europe, le cap est également fixé : zéro émission nette de gaz à effet de serre en 2050. C’est demain ! Pour atteindre cet objectif, plusieurs leviers ont été proposés par nos instances européennes : la feuille de route « Ajustement à l’objectif 55 » ; un plan pour aider à réparer les dommages économiques et sociaux immédiats causés par la pandémie, Next Generation EU, doté de 725 milliards d’euros, dont 40 % pour la transition écologique ; enfin, RePowerEU, un plan de bataille de l’Union européenne pour gagner en indépendance énergétique, qui permettra notamment de développer les filières de recyclage des énergies renouvelables. Ce sont autant de leviers pour guérir, prévenir, anticiper, refonder, innover.
À l’heure où nous parlons, le Conseil européen discute d’un nouveau plan industriel, un Pacte vert pour l’Europe, visant à renforcer la compétitivité de l’industrie européenne à zéro émission nette et à soutenir une transition rapide vers la neutralité climatique. Il a été présenté la semaine dernière par la présidente von der Leyen. À l’issue de ces échanges, une proposition juridique devrait aboutir d’ici à la mi-mars et pour le temps long.
Nous abusons parfois de l’hyperbole, mais le fait est que nous sommes véritablement à un tournant historique.
Notre ambition, rappelée par Bruno Le Maire, est grande : nous voulons que l’Europe soit l’une des trois grandes puissances de l’industrie verte au XXIe siècle. Mais cette volonté s’exprime dans un contexte de compétition internationale rude et accrue. Le Congrès américain a en effet adopté l’été dernier la loi sur la réduction de l’inflation, qui prévoit 370 milliards de dollars sur dix ans, et ce dans un contexte où les prix de l’énergie sont plus bas que chez nous.
La politique environnementale des États-Unis risque notamment d’avoir des conséquences sur le développement de notre tissu industriel vert. Les entreprises utilisant des produits américains ou produisant aux États-Unis se verront en effet accorder des subventions et des crédits d’impôt.
Si nous nous réjouissons que les grandes économies intensifient leurs investissements dans l’industrie à zéro émission nette, cela ne peut se faire au détriment d’une concurrence équitable et transparente. Alors que nous cherchons un cadre réglementaire européen approprié pour nos industries, plus simple, plus efficace et prévisible, nous ne pouvons pas tolérer d’éventuelles distorsions de concurrence.
C’est pourquoi les ministres de l’économie français et allemand se sont déplacés hier auprès de leurs homologues américains. Nous devons défendre notre industrie verte européenne et lever les freins.
Cela passe par le volet réglementaire, par la simplification et l’accélération de la procédure des projets importants d’intérêt européen commun (Piiec) ; l’adaptation des règles en matière d’aides d’État pour autoriser le soutien ciblé à certains secteurs clés de la transition verte, tels que le photovoltaïque, l’éolien, l’hydrogène ou les pompes à chaleur. Cela passe également par une réflexion sur les marchés publics et les concessions pour stimuler davantage et à grande échelle la demande de produits à zéro émission nette – il s’agit d’un des leviers fondamentaux, sur lequel j’ai rendu un rapport au Premier ministre l’an dernier.
La question du financement se pose également. C’est à nous qu’il reviendra d’utiliser et de réorienter les possibilités offertes par RePowerEU, InvestEU ou le Fonds pour l’innovation, orienté en faveur des technologies propres. À titre d’exemple, avec RePowerEU, 250 milliards d’euros pourraient être utilisés à cet effet.
Enfin, en tant qu’Européens, nous devons mettre un point d’honneur à former et à recruter davantage dans les métiers de demain. Je pense aux ingénieurs, techniciens, soudeurs dans le secteur des énergies renouvelables, du nucléaire ou de la fabrication des composants électroniques, dont nos industries manquent cruellement.
En plus de ces réponses européennes, il nous faut poursuivre les négociations avec nos partenaires, notamment les États-Unis. Nous devons obtenir des exemptions pour les entreprises européennes dans le cadre des enceintes consacrées à ces questions et rétablir des conditions de concurrence équitables.
Madame la secrétaire d’État, chers collègues, il n’y a pas de doutes possibles : dans ce contexte, l’Europe est évidemment l’échelon pertinent d’intervention. Nous avons su rester soudés pendant la crise de la covid et face à l’agression russe en Ukraine. Nous avons réussi à coordonner nos réponses pour ne plus être dépendants du gaz russe. Nous saurons élaborer des réponses coordonnées pour faire face à ces nouveaux défis !