Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la richesse de ce débat sur la réponse européenne aux mesures protectionnistes américaines. Il intervient à point nommé, puisque cette question sera au cœur des discussions des chefs d’État et de gouvernement, qui se réunissent demain et après-demain à Bruxelles.
Cette question est majeure dans la mesure où ce qui est en jeu, c’est précisément la capacité de l’Union européenne à s’assumer comme une puissance industrielle et commerciale à part entière. Cette ambition est au cœur de l’action du Président de la République en vue d’une Europe plus forte, plus résiliente et plus souveraine.
Non seulement nous sommes à un tournant majeur, mais encore nous faisons face à un triple défi, d’une ampleur exceptionnelle : il nous faut nous adapter rapidement aux transitions écologique et numérique, réduire nos dépendances stratégiques et, enfin, bénéficier de conditions de concurrence équitables.
Comme nombre d’entre vous l’ont rappelé, ces conditions sont loin d’être réunies, tant les pratiques « distorsives » de nos partenaires font peser sur l’Europe des risques réels sur les plans économique et industriel. Tel était, bien évidemment, l’objet de la visite du président Macron, puis de celle de Bruno Le Maire et de son homologue allemand, hier, aux États-Unis.
Si nous entendons poursuivre les discussions avec les Américains au sujet d’éventuelles exemptions, le ressort est à chercher davantage chez nous, au sein de l’Union européenne.
La question est donc : qu’allons-nous faire en Europe ?
Nous voulons d’abord mettre sur pied un plan d’urgence pour envoyer un signal très clair aux entreprises européennes et leur donner de la visibilité. Tel est bien l’objet du projet de plan industriel vert, qui sera présenté par la Commission aux chefs d’État et de gouvernement lors du Conseil européen de demain et après-demain.
Nous soutenons ce plan, parce que nous y trouvons beaucoup d’éléments nécessaires à nos yeux pour préserver et même accroître la compétitivité de l’industrie européenne.
À cet effet, nous devons d’abord sélectionner des secteurs stratégiques. Après le règlement sur les composants électroniques – le Chips Act –, nous devons à présent adopter deux autres textes majeurs : une nouvelle législation destinée à assurer à l’Europe un approvisionnement en matières premières critiques – le Critical Raw Materials Act – et un nouveau cadre réglementaire pour l’industrie à zéro émission – le Net-Zero Industry Act –, qui doit fixer des objectifs capacitaires – vous demandiez un plan, mesdames messieurs les sénateurs ! – d’ici à 2030.
Nous devons également – c’est le deuxième volet de notre stratégie – simplifier drastiquement notre environnement réglementaire. Cela signifie non pas abandonner les régulations, mais les rendre claires, simples et faciles à mettre en œuvre.
Nous appelons donc à un choc de modernisation et de simplification des aides d’État, à une réduction à quatre mois des délais d’instruction des projets importants d’intérêt économique commun et à une réforme du marché de l’électricité.
Enfin, nous devons envisager l’adaptation de la commande publique européenne aux enjeux de notre politique industrielle.
Le troisième volet de notre stratégie consiste à mobiliser les investissements nécessaires. Nous aurons bien sûr besoin de capitaux privés, mais aussi de capitaux publics européens.
À cet égard, il est important de distinguer deux horizons. À court terme, nous avons besoin d’un redéploiement des fonds et, à moyen terme, d’une réponse structurelle au travers de la mise en place d’un fonds de souveraineté.
La politique commerciale, enfin, constitue le dernier volet de cette stratégie. Elle implique la mobilisation d’instruments autonomes et de défense commerciale qui soient à la fois protecteurs, dissuasifs et, j’ajouterai, assertifs : finie la naïveté, nous allons être offensifs ! Je pense en particulier à la protection du marché intérieur contre les subventions massives et les pratiques commerciales déloyales des États-Unis ou de la Chine.
Autant le dire sans ambiguïté et avec beaucoup de clarté : la préparation du Conseil européen a fait apparaître des clivages parmi les États membres, mais, comme vous le savez, le Conseil a précisément pour objet de favoriser le dialogue, les discussions et les négociations, en vue d’arriver à une position commune. C’est ce que nous ferons demain.
J’ajoute que personne ne veut d’une guerre commerciale, surtout dans le contexte actuel du conflit en Ukraine. En revanche, il ne faut pas que l’Union européenne soit une variable d’ajustement ; nous continuerons donc de nous battre contre cela et contre ce plan américain.
Ce paquet ambitieux combinera des flexibilités raisonnables en matière d’aides d’État, une accélération ainsi qu’une simplification de la politique industrielle et des négociations avec les États-Unis. Vous pouvez compter sur nous pour faire avancer une politique industrielle européenne digne de ce nom.