Par une extension de sens, cela revient à sous-entendre que les musulmans sont toujours les coupables. Cet amalgame renforce tous les sentiments négatifs qui existent à l’égard de la religion musulmane.
Il est dommage qu’un sujet historique d’une telle complexité soit passé au travers d’un filtre déformant et simplificateur. Pour l’opinion publique, l’enjeu est simple : reconnaître un fait. Pourtant, la réalité est plus complexe : précautions sémantiques sur la définition du génocide, agendas politiques, concurrence mémorielle, relations diplomatiques multilatérales… Nous ne sommes pas face à un nœud gordien qu’il faudrait trancher avant de repartir examiner un autre texte, le cœur serein.
La politique mémorielle passe aussi par des actions qui peuvent avoir un caractère symbolique très fort, telles que des discours de chefs d’État. Le Président de la République Emmanuel Macron a déclaré : « La France, c’est d’abord et avant tout ce pays qui sait regarder l’histoire en face, qui dénonça parmi les premiers la traque assassine du peuple arménien. »
En réalité, le problème est ailleurs. Le président de l’Union des Assyro-Chaldéens de France (UACF) le fait comprendre clairement : les Assyro-Chaldéens se sentent oubliés. C’est une question d’égalité dans la reconnaissance, au-delà de celle de la vérité historique.
Au cours des années 1990, avant les premières recherches universitaires sur le Sayfo, les groupes de la diaspora assyrienne ont commencé à communiquer auprès de différents gouvernements. En décembre 2007, l’Association internationale des chercheurs sur le génocide a adopté une résolution reconnaissant le génocide assyrien. Le parlement suédois en 2010, puis les parlements arménien et néerlandais en 2015 et le parlement allemand en 2016 ont suivi.
Toutefois, très peu d’États se sont engagés dans cette voie. On ne peut donc pas dire que la majorité des États ait accepté cette démarche ni qu’elle fasse consensus, puisque Israël et le Royaume-Uni ont refusé de voter une disposition similaire à celle que nous examinons aujourd’hui.
Néanmoins, nous sommes depuis longtemps les soutiens et les amis des chrétiens d’Orient. En tant que vice-présidente du groupe de liaison, de réflexion, de vigilance et de solidarité avec les chrétiens d’Orient et vice-présidente du groupe interparlementaire d’amitié France-Turquie, j’ai fait de nombreux déplacements sur les territoires nationaux correspondant à l’ancien Empire ottoman. J’ai par ailleurs déjà eu l’occasion d’échanger avec la communauté turque de mon département de l’Eure. Ces personnes n’ignorent pas le sujet assyro-chaldéen et elles y sont évidemment très sensibles.
Il faut le dire : la France s’est toujours montrée solidaire des minorités opprimées du Moyen-Orient, que ce soit par la voix des membres du clergé, comme l’abbé Eugène Griselle ou l’archevêque de Paris, ou par celle d’élus, à l’instar de Denys Cochin, député de Paris et membre de l’Académie française. Depuis le XVIe siècle, la France entretient un réseau diplomatique dense au Moyen-Orient. Elle a été attentive au sujet des Assyro-Chaldéens lors de la Conférence de la paix de Paris en 1919-1920.
Plus récemment, devant des défenseurs des chrétiens d’Orient, le mardi 31 janvier dernier, à l’Élysée, le Président de la République a annoncé le doublement des fonds destinés à soutenir les écoles chrétiennes au Moyen-Orient. Créé en 1920, ce fonds avait déjà soutenu 174 écoles l’année dernière. « Soutenir les chrétiens d’Orient est une mission historique » et un « engagement séculaire de la France » a dit le Président de la République.
Nous considérons que ce texte, dont l’exposé des motifs comporte des raccourcis et des parallèles plus que discutables, ne contribue pas utilement à la relation si importante et singulière entre la France et les chrétiens d’Orient.
Pour ces raisons et parce que le sujet relève d’une appréciation individuelle, dans leur ensemble, les membres du groupe RDPI s’abstiendront sur cette proposition de résolution, chacun restant libre de son vote.