Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous examinons une proposition de résolution relative à la reconnaissance par le Gouvernement du génocide des Assyro-Chaldéens, permettez-moi de dire quelques mots sur le tremblement de terre qui a ces dernières heures frappé la Turquie et la Syrie.
En effet, ce 6 février, ce sont bien deux séismes, à neuf heures d’intervalle, d’une magnitude de 7, 8 sur l’échelle de Richter pour le premier et de 7, 5 pour le second, avec comme épicentre la ville de Gaziantep, qui ont durement frappé les populations. À l’heure où nous parlons, plus de 11 000 morts sont d’ores et déjà recensés. Le nombre de blessés sera beaucoup plus important, vous l’imaginez bien.
Une course contre la montre est engagée pour tenter de retrouver les survivants, pris au piège des débris et lourdement affectés par des températures glaciales. À jamais, ces femmes, ces hommes et ces enfants seront marqués et touchés dans leur chair et dans leur âme par ces événements.
Je veux, au nom de mon groupe, leur dire tout notre soutien et leur adresser nos sincères condoléances. Nos pensées sont tournées vers eux. La France est aux côtés des peuples turc et syrien, qui souffrent.
J’associe bien évidemment nos concitoyens qui, de par leur histoire familiale, vivent en France, leur pays, qui sont angoissés par la situation et attendent des nouvelles.
Enfin, je souhaite souligner la formidable solidarité internationale, qui a su se mobiliser pour agir. La France y prend toute sa part. Nous ne pouvons que remercier le Président de la République et saluer son action.
Mes chers collègues, ce mercredi 8 février 2023 est un moment attendu, pour ne pas dire espéré, et ce depuis bien longtemps – trop longtemps – par la communauté assyro-chaldéenne. Je parle là de nos concitoyens pleinement français et j’y associe les membres de la communauté, qu’ils résident en Turquie, en Irak ou ailleurs, et qui, en cet instant, observent le Sénat.
Oui, en ce mercredi 8 février 2023, il nous revient par nos votes de reconnaître leur histoire, douloureusement marquée par ce génocide.
En cet instant, je souhaite dire quelques mots à celles et ceux qui s’interrogent sur le sens même du vote de cette proposition de résolution. Je pourrais leur répondre que l’histoire de France est aussi celle d’un pays qui a toujours pris ses responsabilités pour protéger les chrétiens d’Orient. Je ne vais pas ici revenir sur l’ensemble de cette histoire commune, car le temps me manquerait, mais il faut le rappeler.
Je souhaite également saluer l’action des présidents de la République, MM. François Hollande et Emmanuel Macron, qui, ces dernières années, ont eu à agir en accueillant des réfugiés assyro-chaldéens menacés de mort par Daech. Ils ont été à la hauteur de leur mission : nous devons les en remercier.
Je pourrais également leur dire que la France a toujours fait le choix de protéger les minorités, ainsi que leur culture et leur histoire, sans distinction religieuse, que ces peuples soient de confession chrétienne, musulmane ou juive.
Je pourrais enfin ajouter que, il y a plus de deux siècles, la France a fait le choix de devenir la patrie des droits de l’homme et de faire de l’universalisme son champ de réflexion et d’action permanent.
Je me dois aussi de leur dire que la position de mon groupe n’est pas de peser au travers de cette proposition de résolution sur les relations diplomatiques avec la Turquie, la Syrie ou tout autre État du Moyen-Orient.
Notre position ne s’inscrit pas non plus dans une quelconque logique de guerre de civilisation ou de matrice civilisationnelle, car l’une comme l’autre sont infondées et mortifères.
Mes chers collègues, il ne s’agit pas pour le Sénat d’écrire l’histoire. C’est le rôle et la mission des historiens : laissons-les travailler. Néanmoins, le rôle du Sénat est bien de prendre acte de l’histoire et ici l’histoire est claire : le génocide assyro-chaldéen par la puissance ottomane est avéré.
Près de la moitié des 500 000 Assyro-Chaldéens ont été pourchassés, tués, massacrés ou supprimés par la puissance ottomane. Leurs maisons et leurs églises furent détruites et leurs biens confisqués. Ce génocide est bien le premier du XXe siècle. Il s’agit bien d’un génocide, tel qu’il a été défini dans la convention de l’Organisation des Nations unies du 9 décembre 1948, au sens où ont été mis en œuvre des actes « dans l’intention de détruire, intégralement ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».
Les écrits sur le génocide de 1915 existent et sont parvenus jusqu’à nous : ils émanent tant d’observateurs que des bourreaux eux-mêmes. La presse française racontait et dénonçait d’ailleurs, à l’époque, les atrocités de ce génocide. Les témoignages des victimes existent et se lèguent en héritage.
Cette mémoire du génocide se transmet et voyage. Elle se transmet de génération en génération, comme j’ai pu le constater. Elle voyage au gré de l’exil, des villages montagneux à la nouvelle capitale des Assyro-Chaldéens qu’est devenue Sarcelles, dans mon département du Val-d’Oise.
Quarante ans après les premières arrivées d’Assyro-Chaldéens dans notre pays, devenu aujourd’hui le leur, nous pouvons saluer leur amour de la patrie, leur volonté farouche de faire grandir la République sans jamais oublier leur histoire, leur culture, leur langue, ainsi que leurs frères et sœurs qui sont encore là-bas.