Intervention de Pierre Ouzoulias

Réunion du 8 février 2023 à 15h00
Reconnaissance du génocide des assyro-chaldéens de 1915-1918 — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Pierre OuzouliasPierre Ouzoulias :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Walter Benjamin disait que le progrès humain ne peut se réaliser tant que la justice n’est pas rendue aux victimes des persécutions. Nous devons aux morts du génocide arménien, à leurs souffrances et à leur mémoire qu’une instance juridique internationale établisse les faits et les culpabilités.

Comme les Juifs de la Shoah, les Bosniaques de Srebrenica et les Tutsis du Rwanda, les victimes du génocide, des déportations et des spoliations perpétrés par l’Empire ottoman en 1915, qu’elles soient arméniennes, grecques pontiques ou assyro-chaldéennes, doivent être reconnues par un tribunal pénal international sous mandat de l’Organisation des Nations unies.

La recherche historique a montré depuis longtemps que le génocide arménien de 1915 est non pas un accident, mais la phase paroxysmique d’une administration de plus en plus criminelle des minorités religieuses et ethniques par l’Empire ottoman. Pour bien en mesurer l’importance, il faut rappeler que les Arméniens, Grecs, Juifs, Syriaques, Assyriens et Chaldéens représentaient plus de 19 % de la population ottomane en 1914, contre 0, 2 % aujourd’hui.

La construction de l’État turc moderne s’est nourrie de la persécution des minorités religieuses et ethniques. Les minorités chrétiennes ont été éliminées les premières. Puis vint le tour de celles qui furent considérées comme incompatibles avec l’identité nationale fondée sur le sunnisme et la turcité.

Ainsi, une violente campagne antisémite aboutit à l’expulsion des Juifs de Thrace en 1934. Progressivement, les minorités religieuses issues de l’islam subirent elles aussi la persécution : chiites, alaouites et alévis. N’oublions pas les massacres commis contre les communautés alévis de Sivas en juillet 1993 et de plusieurs quartiers d’Istanbul en mars 1995.

Enfin, comment oublier le destin funeste du peuple kurde, auquel le traité de Sèvres promettait un territoire autonome au sein duquel seraient reconnus des droits pour la minorité assyro-chaldéenne ? Son article 62 prévoyait en effet que sa mise en œuvre devait « comporter des garanties complètes pour la protection des Assyro-Chaldéens et autres minorités ethniques ou religieuses dans l’intérieur de ces régions ».

On sait ce qu’il advint de ce traité, que la France et le Royaume-Uni s’empressèrent de remplacer par celui de Lausanne, signé en 1923, qui organisa leur tutelle sur les possessions ottomanes au Proche-Orient et abandonna l’Arménie et les Kurdes à leur triste sort.

Pis, ce traité permit la réalisation de ce que la partie turque qualifia de « stabilisation de l’homogénéité ethno-religieuse » et qui se traduisit dans les faits par l’expulsion d’un million et demi de Grecs de Turquie. Un tiers d’entre eux moururent avant d’atteindre les côtes grecques. Ce génocide des Grecs de Turquie ne doit pas non plus être oublié.

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