Nous sommes heureux d'accueillir ce matin un hôte de choix en la personne de l'ambassadeur Hans-Dieter Lucas, qui représente depuis septembre 2020 la République fédérale d'Allemagne en France.
Monsieur l'ambassadeur, vous savez le prix que la France attache à sa relation bilatérale avec l'Allemagne et notre commission souhaite relancer ses échanges avec les parlementaires allemands. Je rappelle que l'Assemblée parlementaire franco-allemande, créée par le traité d'Aix-la-Chapelle, a été conçue en excluant le Sénat, ce qui est tout à fait choquant et préjudiciable à la qualité de nos relations interparlementaires. Le Sénat avait attiré à plusieurs reprises l'attention de l'exécutif sur ce point, sans succès.
Notre commission sera particulièrement heureuse de vous entendre au sujet des plus récents développements concernant l'aide militaire à l'Ukraine. L'ensemble des pays membres de l'Union européenne ont démontré leur détermination et leur unité en armant les forces ukrainiennes depuis l'agression russe du 24 février 2022. Le 25 janvier dernier, le chancelier fédéral Olaf Scholz a annoncé devant le Bundestag sa décision de livrer à l'Ukraine une compagnie de 14 chars lourds Leopard 2 de modèle A26. En plus de ces véhicules prélevés sur les équipements de l'armée allemande, cette décision ouvre la voie à la livraison des chars Leopard détenus par plusieurs autres pays occidentaux, dont notamment la Finlande et l'Espagne. La Pologne a ainsi annoncé la livraison à Kiev de 14 chars Leopard 2 de fabrication allemande. Cet engagement exemplaire de l'Allemagne est intervenu en concertation avec ses partenaires européens et avec les États-Unis, qui ont annoncé simultanément la livraison à l'Ukraine de 31 chars d'assaut de la catégorie Abrams.
Alors que la guerre d'agression menée par la Russie en Ukraine depuis février 2022 dure depuis près d'un an, vous nous donnerez l'analyse du gouvernement allemand sur les priorités de l'Union européenne pour soutenir la résistance ukrainienne. L'Ukraine doit gagner cette guerre, et l'Allemagne porte, comme la France, une responsabilité historique pour être à la hauteur des défis soulevés par la dégradation actuelle de la sécurité sur notre continent.
Monsieur l'ambassadeur, vous êtes vous-même un des meilleurs connaisseurs de la Russie. Nous sommes donc particulièrement intéressés par votre analyse sur les raisons pour lesquelles nos pays ont échoué à comprendre les projets de Vladimir Poutine et sa volonté de lancer cette guerre aussi brutale qu'insensée. Comme à l'époque de la Guerre froide, le décryptage des arcanes du pouvoir russe est difficile, mais nous sommes également preneurs de votre analyse sur ce que pourrait être la suite des événements en Russie.
Plus largement, notre commission a suivi avec attention les nombreuses annonces faites par votre gouvernement dans le domaine de la sécurité et de la défense depuis un an. Dans un important discours prononcé trois jours après le déclenchement de la guerre, le chancelier Scholz a annoncé un « Zeitenwende », c'est à un dire un « changement d'époque », pour la politique extérieure allemande. Dans le même discours, il a annoncé la création d'un fonds spécial de 100 milliards d'euros pour moderniser la Bundeswehr. Avec le recul relatif dont nous disposons, vous nous direz quelles réformes et quelles réorientations ont été engagées dans les forces allemandes depuis ces annonces structurantes.
En deuxième lieu, nous serons également heureux d'évoquer avec vous les nombreux sujets relatifs à la coopération bilatérale entre nos deux pays.
Le mois dernier, les nombreuses manifestations organisées pour célébrer le soixantième anniversaire du traité de l'Élysée, signé le 22 janvier 1963 entre le général de Gaulle et le chancelier Adenauer, ont témoigné de la vitalité de notre amitié.
Pour ce qui concerne la défense et les affaires étrangères, l'Allemagne est un partenaire stratégique essentiel de nos forces armées et la poursuite de cette coopération est une condition majeure à l'établissement de l'autonomie stratégique de notre continent.
Nous serons également heureux d'entendre votre analyse au sujet des principales coopérations entre nos deux pays dans le domaine capacitaire. Notre commission s'est publiquement félicitée de l'avancée réalisée au mois de décembre dernier par le lancement de la phase du démonstrateur pour le projet de système de combat aérien du futur (SCAF).
Parallèlement, vous nous direz quelles sont les perspectives d'avancement pour le second projet structurant de notre coopération bilatérale : le « char du futur », que l'on désigne sous le nom technique de système de combat terrestre principal (SCTP, MGCS en anglais).
Enfin, avant de vous céder la parole, je souhaite évoquer d'un mot les perspectives d'évolution institutionnelle de l'Union européenne. En effet, le tandem franco-allemand joue depuis l'origine un rôle moteur pour façonner le périmètre de compétence et les règles de fonctionnement de notre Union. À cet égard, je me félicite de la désignation récente d'un groupe binational d'experts qui permettra de formuler des propositions communes pour adapter les institutions de l'Union aux enjeux du monde actuel.
Monsieur l'ambassadeur, je vous cède la parole.