Sur la question des achats d'armes américaines, il faut savoir qu'il y a une contrainte énorme pour l'Allemagne : il faut combler à court terme les lacunes considérables de notre équipement et de nos systèmes d'armes. D'où la nécessité d'acheter « sur étagère » ce qui est disponible. Or, souvent, faute de solution européenne, il s'agit de systèmes américains. Nous devons remplacer dans les années à venir le Tornado par un avion pouvant participer à la dissuasion nucléaire de l'Otan : les F-35 peuvent remplir cette fonction ; pratiquement, il n'y a pas d'alternative.
Pour le reste, le chancelier l'a dit, les projets franco-allemands de défense sont une priorité stratégique absolue pour nous. Ces projets ne sont pas faciles, il y a beaucoup de questions à régler, d'intérêts industriels à réconcilier, mais l'Allemagne reste engagée dans ces projets car le chancelier veut créer une Europe géopolitique, capable d'agir militairement. Nous misons sur ces projets européens, qui sont structurants à long terme, mais qui exigent de la patience. Je ne vois pas de contradiction entre la nécessité de combler les lacunes à court terme - il est d'ailleurs dans l'intérêt de l'Europe d'avoir une Allemagne capable d'agir vite - et le renforcement pas à pas des capacités européennes.
L'initiative de bouclier aérien est issue d'une leçon tirée de la guerre en Ukraine. La défense aérienne est centrale. L'Allemagne, comme la plupart des pays européens de l'Otan, a des lacunes énormes dans ce domaine. Il faut agir vite, d'où cette proposition du chancelier. Tout le monde peut y participer. La France, qui était représentée lors des deux premières réunions organisées, a fait le choix de ne pas participer au programme, ce qui est une décision qui lui revient. Il reste beaucoup de questions à discuter et cette initiative reste ouverte à tous les membres européens de l'Otan. C'est une proposition pertinente, relative à un problème central pour la sécurité de tous les Européens.
Sur l'électricité et le gaz, nous sommes confrontés à la nécessité de la refonte du marché de l'électricité. Dans le communiqué sur le conseil des ministres franco-allemand, la France et l'Allemagne ont souligné la nécessité de travailler ensemble à ce sujet. La première étape doit consister à optimiser le marché de l'électricité existant ; ensuite, la Commission proposera des propositions pour adapter ce marché à long terme. Pour cela, il faut du temps. L'Allemagne a lancé une concertation avec tous les acteurs pour évoquer le futur de ce marché. Selon nous, malgré des prix élevés liés à une crise de l'approvisionnement, le marché a fonctionné, puisque la quantité d'électricité était suffisante. En outre, le principe du « merit order » a joué son rôle. Nous verrons comment mener cette discussion au cours de cette année.
La coopération franco-allemande en matière d'énergies renouvelables est très importante, je suis d'accord. Il y a un désaccord claie sur le nucléaire, on n'y changera rien, les Français ne seront pas convaincus d'abandonner le nucléaire et les Allemands ne seront pas convaincus d'y revenir. Il faut vivre avec cette différence, qui n'empêche pas, par ailleurs, de travailler sur le développement des énergies renouvelables. Pour cela, il faut soutenir les industries. C'est l'enjeu de la réponse européenne à l'Inflation Reduction Act : assouplir le système des aides d'État en utilisant par exemple le fonds du plan de relance européen ou la Banque européenne d'investissement. Il existe un dispositif de soutien aux énergies renouvelables et la France et l'Allemagne sont d'accord sur ce point. Il y a aussi des projets concrets, comme celui qui réunit AirLiquide et Siemens en Normandie dans le domaine de l'hydrogène.
Sur le spatial, enjeu très important, les discussions sont parfois difficiles, mais il y a un accord clair pour affirmer qu'il s'agit d'un enjeu de souveraineté européenne. Pour l'Allemagne, l'accès indépendant de l'Europe à l'espace est crucial. L'Allemagne soutient et finance donc sans ambiguïté le projet Ariane 6, qui souffre malheureusement de retard, et elle soutient la préférence européenne concernant l'usage des lanceurs. Cela n'exclut pas de soutenir aussi le développement des micro-lanceurs, qui seront nécessaires à l'avenir. Nous partageons cette analyse avec la France, comme le communiqué du 22 janvier l'indique. Je ne vois pas de désaccord sur cette question. Il faut néanmoins discuter de la façon de gérer efficacement le programme Ariane 6.
Sur la réintroduction du service militaire en Allemagne, je ne vois pas de discussion sérieuse sur la question en ce moment.
La Chine est un partenaire important en matière d'économie et de changement climatique, mais c'est aussi un rival systémique, un concurrent. Ce pays a changé, il faut donc adapter notre politique à son égard. Il y a un dialogue avec la France pour façonner notre politique vis-à-vis de la Chine. L'idée d'un découplage vis-à-vis de la Chine ne nous paraît pas réaliste, car elle est un partenaire important, mais il faut diversifier nos relations commerciales et économiques, travailler davantage avec des partenaires qui partagent nos valeurs. Le chancelier s'est donc rendu au Vietnam et en Amérique latine pour diversifier nos relations commerciales et économiques. Il y a un accord en Europe sur ce point.