J'ai fait partie du groupe de travail et j'ai également assisté à certaines auditions.
J'ai trouvé le rapport très intéressant, mais j'aurais souhaité disposer du projet de rapport avant sa présentation. D'autres commissions et délégations procèdent différemment.
Néanmoins, le travail qui a été fait est très riche et intéressant. Il faut bien reconnaître que nous avons été aveuglés.
Ce n'est pas seulement un problème de renseignement à court terme ou d'analyse du renseignement. On parle ici beaucoup de tactique, de logistique, de stratégie : pour reprendre la taxinomie du général André Beaufre, nous avons failli stratégiquement !
Le 24 février 2022, Vladimir Poutine ne s'est pas réveillé en se disant qu'il allait envahir l'Ukraine. Les guerres caucasiennes, les interventions en Syrie, le rôle de juge joué par la Russie en Libye, le poids mis sur Chypre avec l'accès des navires militaires russes, les « alliances » avec la République d'Arménie et ce qui se passe en Géorgie constituent autant de pions que pousse la Russie. Comment les analyse-t-on ? Quels sont les objectifs réels ?
J'ai posé la question lors de l'audition du directeur général de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques (FMES), la semaine passée : la Méditerranée orientale, qui est à la croisée des flux, constitue un enjeu primordial. Tous les pions avancés par Vladimir Poutine depuis quinze ans, d'un point de vue militaire et stratégique, auraient dû nous le laisser prévoir.
Comment allons-nous réviser nos erreurs de jugement stratégique ? Ce n'est pas simplement un défaut d'analyse du renseignement. C'est peut-être une erreur des différents ministères et gouvernements, passés et présents, mais cela vient aussi de notre fait, en tant que parlementaires. On nous a longtemps expliqué qu'on ne parlait pas assez avec Vladimir Poutine. Lorsqu'on évoquait ses exactions, on disait que tout devait s'arranger. Tout s'est-il arrangé ? Où allons-nous ? Quels sont les objectifs réels ou supposés de Vladimir Poutine ou, plus généralement, du Kremlin ?
C'est un aspect sur lequel il faudrait compléter le rapport. Le retour d'expérience sur l'Ukraine consiste d'abord à comprendre nos propres erreurs collectives, stratégiques. Le déni n'aide pas à comprendre l'avenir.