… en oubliant de dire, à l’inverse, qu’il n’existe aucune preuve que cette suspension ne provoquerait pas elle-même des effets néfastes. C’est en tout cas ce que disent de nombreux rapports.
Quoi qu’il en soit, nous devons reconnaître qu’un contexte nouveau s’est installé depuis plusieurs années, et que ce dispositif expérimental y a, de toute évidence, largement contribué.
Suspendre pendant deux ans cette expérimentation serait revenu à l’enterrer. Cette proposition portait donc en elle le risque de relancer la guerre des prix et la destruction de la valeur.
J’ajoute, mesdames, messieurs les sénateurs – c’est une conviction que j’aimerais vous faire partager –, qu’il serait sans doute mortifère de glisser doucement vers un débat qui opposerait revenu des agriculteurs et protection du pouvoir d’achat des ménages, en particulier les plus modestes, comme si l’un ne pouvait s’améliorer qu’au détriment de l’autre. Nous devons mener de front ces deux combats, et c’est ce à quoi s’emploie le Gouvernement, avec, d’une part, Égalim, d’autre part, toutes les mesures que nous mettons en œuvre pour protéger les Français de l’inflation, notamment celle qui touche l’alimentaire. Ne tombons pas dans le piège qui consisterait à opposer les difficultés des uns à celles des autres. C’est malheureusement ce que certains essaient de faire.
Assumons ensemble un discours public clair sur le prix du travail des agriculteurs, qui est non pas le prix le plus bas, mais le juste prix, celui qui rémunère le producteur.
Enfin, il faut bien se rendre compte que l’évaluation de cette expérimentation a été rendue difficile par la crise sanitaire, à laquelle a succédé le choc inflationniste. Cela doit nous pousser à relativiser les critiques que l’on a pu entendre ici ou là.
L’évaluation économique d’une telle expérimentation est complexe, et en modifier les paramètres revient à sacrifier toute ambition d’avoir à terme une évaluation fiable. Or nous en avons besoin.
Au demeurant, et malgré certaines critiques, des enseignements sont quand même à tirer des deux rapports d’évaluation remis au Parlement, qui démontrent que l’effet inflationniste attribuable à ces mesures a été plus que marginal. Je suis persuadé que les dispositifs de contrôle et d’évaluation seront de nature à nous éclairer encore sur ce dispositif SRP+10. Telle est, sans doute, la logique que nous devons privilégier : mieux évaluer, avec le Parlement, plutôt que suspendre ce dispositif et prendre le risque d’affaiblir la portée des lois Égalim.
Je crois, madame la rapporteure, madame la présidente de la commission, que vous avez su être à l’écoute des inquiétudes qui ont pu être exprimées. Je salue les premières évolutions que vous avez proposées. L’amendement que vous défendrez en séance publique vise finalement à maintenir l’expérimentation du SRP+10, un objectif que nous partageons.
Je reste néanmoins réservé sur plusieurs points de la rédaction que vous proposez : le fait de déconnecter les dates pour le SRP et pour l’encadrement des promotions, d’une part, et l’exclusion des fruits et légumes du dispositif, d’autre part. Nous en reparlerons tout à l’heure.
Concernant le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions, une autre proposition, figurant à l’article 2 ter B, interroge le Gouvernement. Il s’agit de l’élargissement de l’encadrement des promotions aux produits de la droguerie, parfumerie, hygiène (DPH). Vous souhaitez ainsi élargir ce dispositif, pourtant conçu pour répondre aux spécificités de la chaîne agroalimentaire, à des produits de consommation et à des acteurs économiques en tout point différents.
C’est l’occasion pour moi de rappeler avec force que produire pour nourrir n’est pas une activité comme une autre. Cette singularité, c’est un élément de fierté pour nos agriculteurs, mais aussi pour nous, qui avons conscience que l’agriculture est une part de notre histoire, qu’elle participe à la place de la France dans le monde, à la vitalité et au dynamisme économique des territoires. Pour toutes ces raisons, il me semble que le fruit du travail agricole doit être mis à part, sans occulter les constats que vous faites par ailleurs sur les autres secteurs, qui peuvent avoir leur propre spécificité.
Il est donc important pour moi de revenir à l’essentiel : donnons-nous trois années supplémentaires pour évaluer correctement l’expérimentation, prolongée à périmètre constant, en lien étroit avec le Parlement. Ce sera d’ailleurs l’esprit des évolutions que le Gouvernement proposera, en écho aux amendements déposés par plusieurs groupes.
J’en terminerai en soulignant les nombreuses avancées permises par cette proposition de loi, que le Sénat a contribué à améliorer après son examen à l’Assemblée nationale. Il me semble que le reste du texte poursuit la volonté du rédacteur de la proposition de loi initiale, Frédéric Descrozaille, à savoir un meilleur encadrement des pénalités logistiques, avec des obligations plus précises et des sanctions alourdies.
Nous nous approchons par ailleurs d’un plus juste équilibre, cher à mon collègue ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur l’article 3, qui vise à mieux encadrer les cas où un accord n’a pu être conclu entre distributeurs et fournisseurs au 1er mars. Je tiens à cet égard à souligner le travail extrêmement précis et pointu réalisé par la rapporteure et votre commission.
Plus globalement, je veux saluer la qualité des travaux menés par Mme la rapporteure et Mme la présidente de la commission. Je les remercie des améliorations qu’elles ont contribué à apporter au texte. Elles témoignent de leur engagement et de leur vigilance, depuis longtemps, sur ces questions. Mesdames, sachez que nous sommes à vos côtés.
Ce texte, dans sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale, a été adopté à l’unanimité. Je sais pouvoir aussi compter sur le Sénat pour que nous puissions avoir des débats approfondis, et que la sagesse proverbiale des sénateurs permette, en définitive, que nous œuvrions ensemble au service de ces sujets d’intérêt national que sont notre agriculture et notre souveraineté alimentaire.