Intervention de Fabien Gay

Réunion du 15 février 2023 à 15h00
Approvisionnement en produits de grande consommation — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en l’espace d’un an, l’inflation alimentaire a atteint des proportions sans précédent : 12 % de plus sur le panier de courses. Du jamais vu depuis les années 1980 !

Plusieurs facteurs expliquent cette inflation, à commencer par la situation internationale et les tensions qui la caractérisent : pandémie de covid-19, conséquences du réchauffement climatique sur les récoltes, agression de l’Ukraine par la Russie.

Pour la production agricole, les crises de grande ampleur s’enchaînent et affectent toute la chaîne de valeur. Le coût des intrants et des matières premières s’envole, les tensions pour l’approvisionnement sont grandes.

Du côté des entreprises agroalimentaires, la crise de l’énergie se répercute sur les coûts de production, dans un contexte où elles ne sont plus éligibles aux tarifs réglementés de vente.

Pour les consommateurs et les consommatrices, qui sont au bout de la chaîne, c’est l’asphyxie : +60 % sur une bouteille d’huile, +22 % pour la farine, +20 % sur le paquet de pâtes, +16 % sur la volaille. La vie est chère, le caddie a un coût de plus en plus élevé, mais les salaires et les pensions, eux, n’augmentent pas ! Quand on est mère ou père de famille, étudiante ou étudiant, retraité ou jeune actif, l’inflation est insupportable, et l’on redoute le passage en caisse.

Des produits plus chers, en moins grande quantité, ou tout simplement retirés du panier… Cette situation ne peut plus durer, et pas plus pour les consommateurs et les consommatrices que pour les agriculteurs et les agricultrices.

Mais il faut être honnête sur un point : il y a des intérêts inconciliables.

On ne peut pas, à la fois, faire baisser les prix pour les consommateurs, garantir des marges à la grande distribution, préserver des entreprises agroalimentaires intermédiaires, et assurer une juste rémunération aux producteurs et aux productrices. Aucun texte n’est capable de faire cela, parce que ce n’est pas possible !

L’intérêt des négociations commerciales – peu importe qui est autour de la table –, c’est d’avoir l’ascendant sur l’autre, de remporter l’avantage.

Il n’y a pas de consensus possible entre la grande distribution, qui cherche à maintenir ses profits, et des entreprises intermédiaires qui doivent amortir leurs coûts.

Il n’y a pas, dans ce système, de place pour le consommateur ou la consommatrice qui veut avoir accès à une alimentation de qualité à des prix raisonnables.

Il n’y a pas non plus de juste rémunération du producteur et de la productrice, parce que la grande distribution n’est pas là pour ça.

On peut souhaiter travailler sur un seuil de revente à perte, mais il faut alors en faire un outil concret, et conditionner son existence à une obligation de résultat et de transparence des marges.

Concrètement, il faut que ces 10 % fassent l’objet d’une évaluation, que l’on prouve qu’ils sont effectivement reversés aux producteurs et aux productrices. Si tel n’est pas le cas, si l’on établit que ces marges vont directement dans les poches de la grande distribution, alors ce mécanisme devra être supprimé. Telle est la condition claire que nous avons posée au travers d’un amendement à cette proposition de loi.

Il est important de comprendre ceci : nous ne faisons, avec ce texte, que corriger légèrement un système ne fonctionnant pas et ne pouvant pas fonctionner. Si nous avons l’objectif de mieux rémunérer nos agriculteurs et agricultrices, c’est une réforme en profondeur qu’il faut conduire.

J’aborderai, en premier lieu, la politique commerciale.

Quel est l’impact des traités de libre-échange sur nos producteurs et productrices ? J’entends souvent parler des exportations de la France prétendument permises par ces traités. Mais, concrètement, en termes de rémunération des filières françaises, sait-on mesurer la préférence du consommateur pour une viande moins chère venue de l’autre bout du monde ? Aucun bilan ne peut prouver que ces traités profitent aux producteurs et aux productrices ; pourtant, ils continuent d’être signés à tour de bras.

J’en viens, ensuite, à la commande publique.

Il y a eu quelques avancées dans la loi Égalim 2, notamment l’objectif de 50 % de produits durables et de qualité dans la restauration collective, dont 20 % de produits bio. Mais il nous faut aller plus loin : faisons des marchés publics le cœur d’une rémunération juste pour nos producteurs et productrices ; augmentons les seuils de la commande publique en circuits courts et en alimentation durable ; protégeons aussi nos agriculteurs et agricultrices des prédations de la grande distribution en imposant des prix planchers, avec un socle basé sur les coûts de production et un pourcentage en marge qui garantirait une rémunération minimale, quelle que soit la conjoncture.

Des solutions existent pour protéger les consommateurs et rémunérer justement nos agriculteurs, mais elles doivent passer par des politiques publiques qui encadrent fermement les négociations commerciales.

Cette proposition de loi ne permettant pas d’atteindre ces objectifs, mon groupe s’abstiendra.

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