Intervention de Amel Gacquerre

Réunion du 15 février 2023 à 15h00
Approvisionnement en produits de grande consommation — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Amel GacquerreAmel Gacquerre :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2018 puis en 2021, nous avions posé les fondations de relations commerciales plus équilibrées entre producteurs, distributeurs et industriels afin que n’aient plus cours les pratiques de prédation de certains distributeurs au détriment de nos agriculteurs et de nos petites entreprises.

Les lois Égalim étaient fondées sur des principes initiaux salvateurs. Je reviens rapidement sur certains d’entre eux.

Égalim, c’est une meilleure répartition de la valeur entre les acteurs du secteur, une plus juste rémunération de nos agriculteurs et, enfin, l’annonce de la fin des relations particulièrement conflictuelles entre acteurs de la distribution et fournisseurs lors de l’exercice redouté des négociations commerciales.

La non-négociabilité des matières premières agricoles, le plafonnement des promotions sur les produits agricoles et l’encadrement de l’application des pénalités logistiques ont ainsi permis de façonner un dispositif robuste et prometteur, dans l’optique de rémunérer au juste prix agriculteurs et producteurs.

La généralisation des contrats écrits et pluriannuels a permis d’opter pour une plus grande transparence en matière de négociation contractuelle et de construction des prix. Parallèlement, l’introduction dans les contrats d’une clause de renégociation, librement déterminée par les parties, activable en fonction de l’évolution du coût des matières premières agricoles et du coût de l’énergie, a démontré toute sa pertinence.

Malgré notre insistance, nous n’avions cependant pas été écoutés sur des sujets cruciaux. Nous avions tiré la sonnette d’alarme au sujet du phénomène d’évasion juridique et alerté à propos de l’encadrement déficient des marques de distributeurs. Le Gouvernement ne peut le nier aujourd’hui.

C’est donc bien une loi Égalim 3 que nous examinons aujourd’hui, mes chers collègues. Il est en effet nécessaire de tirer les enseignements des dispositions législatives votées et de faire en sorte qu’elles s’appuient sur des fondations durables et pérennes.

Le présent texte permet de mettre en lumière les défauts du droit en vigueur, tout en apportant les nécessaires éléments de réponse aux problématiques rencontrées par les acteurs sur le terrain. Ce sont des changements majeurs qui sont opérés, tant pour les consommateurs que pour les producteurs et les distributeurs.

Les pratiques d’évasion juridique des grandes enseignes seront désormais plus durement sanctionnées.

L’efficace plafonnement des promotions en valeur et volume a été prolongé et étendu aux produits de droguerie, parfumerie et hygiène. C’est un signal fort envoyé à l’ensemble de nos PME et de nos entreprises de taille intermédiaire (ETI).

La période de renégociation contractuelle annuelle a été redessinée afin d’éviter toute asymétrie dans la relation commerciale.

L’exclusion des fruits et légumes frais du dispositif SRP+10 était demandée par la profession ; nous l’avons prévue.

Sur la disposition de majoration SRP+10, un débat s’est engagé, à juste titre, non pas sur la remise en question du dispositif final ni sur ses objectifs, mais sur son effet. Comme je l’ai précisé en amont, il est de notre devoir d’évaluer les dispositions législatives engagées pour mieux les conforter ou, si nécessaire, les adapter.

Les producteurs ont-ils bénéficié de cette majoration ? La question mérite d’être posée. En tout cas, je le redis, il ne s’agit pas aujourd’hui de revenir sur cette disposition.

Enfin, l’application des pénalités logistiques, cette arme ultime permettant à certains distributeurs mal intentionnés de réaliser des marges au détriment des producteurs, a été plus strictement encadrée et les sanctions en cas de pénalités frauduleuses ont été fortement durcies.

Au travers de l’examen de ce texte, le Sénat s’affirme plus que jamais comme la chambre de l’agriculture française et des agriculteurs. Cependant, je crois qu’il nous faut être prudents.

Prudents, d’abord, face à la prolifération des normes, source d’une instabilité juridique pénalisant l’ensemble des acteurs du secteur.

Prudents, ensuite, face à l’empilement de dispositifs juridiques qui peuvent manquer de cohérence et de lisibilité. En nous appuyant sur les travaux du groupe sénatorial de suivi des États généraux de l’alimentation, nous devons poursuivre notre tâche avec vigilance et exigence.

Prudents, enfin, quant à la tentation de modifier trop rapidement le droit sans avoir le recul nécessaire pour le faire. Il nous faut éviter de confondre vitesse et précipitation et, par là, œuvrer méthodiquement.

Je propose donc que, en matière de relations entre distributeurs et fournisseurs, nous nous fixions un principe très clair : l’adoption de toute nouvelle norme doit être motivée par l’existence d’un dysfonctionnement clair des dispositifs déjà en place ou par un impératif d’intérêt général. En cas de dysfonctionnement, celui-ci doit faire l’objet de discussions avec les acteurs concernés.

C’est en ayant à l’esprit cette exigence d’efficacité que la majorité des membres de mon groupe votera en faveur de la présente proposition de loi, car ce texte rétablit un juste équilibre entre fournisseurs et distributeurs.

Nous voterons en faveur de cette proposition de loi, car elle pose les fondations d’une relation commerciale plus saine, à l’heure de l’inflation galopante ainsi que de l’envolée des prix des matières premières et de l’énergie, qui mettent à mal nos petites entreprises et nos agriculteurs.

Nous voterons en faveur de cette proposition de loi, enfin, car elle permet de perfectionner le dispositif Égalim dans le cadre de notre volonté initiale : mieux rémunérer nos agriculteurs, nos producteurs et nos petites entreprises.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion