Intervention de Sebastien Pla

Réunion du 15 février 2023 à 15h00
Approvisionnement en produits de grande consommation — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Sebastien PlaSebastien Pla :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons prétend apporter des réponses à l’industrie agroalimentaire contre les pratiques de la grande distribution, et plus particulièrement de la poignée de grands acheteurs qui se partagent actuellement le marché.

En somme, nous assistons à un combat de géants contre des titans de l’alimentation – fournisseurs contre distributeurs – avec une concurrence féroce entre distributeurs, dont l’argument maître demeure l’accès aux prix les plus bas, et des fournisseurs qui se plaignent de l’explosion des coûts de l’énergie, des emballages, du transport, et de la matière première agricole. Ne soyons pas dupes, ce combat les conduit à bâtir leurs propres marges sur le dos des consommateurs et des agriculteurs : d’un bout à l’autre de la chaîne alimentaire, tous ces intermédiaires font un maximum de profits !

L’organisation de pénuries de produits alimentaires dans un but spéculatif a pourtant bien été pointée, ici même, par notre commission des affaires économiques, qui a d’ailleurs réintroduit le mécanisme de relèvement du SRP pour éviter de replonger nos exploitants dans une nouvelle guerre des prix. Quelle sage décision de la majorité sénatoriale ! Celle-ci jurait pourtant, la semaine dernière encore en commission, que cette disposition était inutile et inefficace. Parfois, des miracles se produisent… surtout à l’approche du salon de l’agriculture ! Cela dit, le groupe socialiste avait prévu de défendre un amendement visant à réintroduire le SRP+10 et à maintenir l’exclusion de la filière des fruits et légumes de ce dispositif, réclamée par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs.

Au fond, sous prétexte d’arbitrer la bagarre entre distributeurs et fournisseurs, ce texte fait encore l’impasse sur les revenus des paysans. On prétend faussement qu’il s’agit d’une loi Égalim 3, mais ceux qui sont en amont de la chaîne alimentaire ne ressentent toujours pas le « ruissellement » espéré.

Dans un contexte chahuté par les aléas climatiques, la grippe aviaire, la guerre en Ukraine, la pénurie d’intrants et de matière de conditionnement, la production agricole française a certes progressé, selon l’Insee, de 17 % en valeur l’année dernière, mais, derrière cette hausse, se cache surtout l’envolée du coût de l’énergie et des matières premières, qui pèse sur nos exploitants, et non la hausse de la production agricole, limitée en volume, puisqu’elle ne fut que de 0, 8 %.

L’agriculture française croule sous les chocs successifs, et demeure victime d’un rapport de force totalement inégal face aux mastodontes de l’agroalimentaire et de la grande distribution. Et le Gouvernement, qui soutient ce texte, d’annoncer, en même temps – enfin ! – une grande loi agricole pour le printemps…

La sécurité des approvisionnements de certains produits, qui manquent déjà dans les rayons des grandes surfaces, n’est pas près de se rétablir. Prenons garde, donc, à ce que cette loi ne permette pas aux industriels de l’agroalimentaire la répercussion de hausses qui pourraient avoisiner 20 %. Favoriser des hausses de prix pour gonfler la marge d’entreprises multinationales qui ne fabriquent pas en France, et qui iront verser des dividendes ailleurs, est inconcevable. Je doute que cette proposition de loi améliore notre souveraineté alimentaire, ni même qu’elle favorise la compétitivité de la ferme France.

Alors que l’insécurité alimentaire gagne du terrain, que les ménages font face à une nouvelle poussée de l’inflation et, bientôt, à une nouvelle hausse des prix de l’énergie, que leur budget alimentaire est de plus en plus contraint, nous observons une descente en gamme dans le choix des produits. Nous espérions, à l’inverse, que vous exigeriez des grands industriels comme des distributeurs qu’ils compriment les hausses de prix et les amortissent afin de protéger le pouvoir d’achat des Français.

Monsieur le ministre, après Égalim 1 et 2, après cette fausse annonce d’une loi Égalim 3, vous pourriez proposer cinquante nouvelles versions d’Égalim sans que les paysans voient leurs revenus progresser ni que les consommateurs puissent accéder à des produits de qualité à des prix raisonnables. C’est un problème de méthode. Nous avons besoin d’une grande loi d’orientation agricole plutôt que de petits textes épars, comme le rappelait notre collègue Henri Cabanel.

Ce n’est pas l’industrie agroalimentaire qui souffre, pas plus que la grande distribution, mais c’est bien la ferme France, comme le signale bien le rapport d’information de MM. Duplomb, Louault et Mérillou. Celle-ci est en danger face aux crises successives et, avec elle, c’est la capacité de notre nation à rémunérer dignement ceux qui la nourrissent qui est en péril. Cessons de brader les intérêts des consommateurs ! La hausse des prix à laquelle ils feront face demain nous donnera, hélas ! raison, et n’aura d’autre intérêt que de faire la part belle à la malbouffe.

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