Madame la rapporteure, vous avez bien rappelé les évolutions apportées au texte par la commission, notamment sur le SRP.
Sur les produits DPH, la position adoptée par le Gouvernement s’explique par le fait que 95 % d’entre eux sont fabriqués par des entreprises multinationales, pour lesquelles la marge n’est pas le sujet principal – contrairement aux PME ou aux ETI – et qui n’ont pas de problèmes particuliers dans le rapport de force, y compris avec la grande distribution.
Monsieur le sénateur Lemoyne, vous avez aussi évoqué les produits DPH et le SRP, et je vous en donne acte.
Monsieur le sénateur Mérillou, vous avez dit que ce texte se résumait à une goutte d’eau. Je ne crois pas que ce soit le cas. Nous devons être modestes sur les questions de rémunération, car cela fait très longtemps que le problème est sur la table – plusieurs quinquennats, au moins. Nous essayons de progresser au fur et à mesure, face à des pratiques nouvelles qui tentent de contourner les dispositions législatives. Nous avons donc besoin d’adaptations. Plusieurs sénateurs ont parlé de ruissellement, mais nous suivons une philosophie inverse : nous partons du coût de la matière première agricole pour construire le prix.
Monsieur le sénateur Gay, c’est bien l’honneur et le rôle des responsables politiques que nous sommes que d’essayer de conjuguer des intérêts qui paraissent irréconciliables. Nous avons besoin de trouver un équilibre entre la rémunération des producteurs, la protection des consommateurs contre l’inflation et les nécessités mises en avant par l’industrie agroalimentaire et la grande distribution. C’est bel et bien une question d’équilibre, plus que d’intérêts irréconciliables, à trouver au sein de rapports de force qui se sont construits au fil des années. Vous avez évoqué aussi la question de l’évaluation de la loi, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.
Je précise que nous n’avons jamais parlé de loi Égalim 3. Il ne s’agit que d’adaptations de la loi Égalim 2, prenant en compte les difficultés constatées. L’ambition reste de rééquilibrer les rapports de force. Nous respectons la philosophie de la loi Égalim 1, si l’on songe à son titre Ier : il s’agit de construire le prix à partir de celui de la matière première agricole. Ce texte est l’occasion d’approfondir un certain nombre de sujets, tels que les pénalités logistiques et les problèmes liés au contournement de la loi, mais en restant dans la même philosophie.
L’un des intervenants a dit qu’il pourrait y avoir cinquante textes sur le sujet. Là n’est pas la question ! Des textes sont proposés, qu’ils soient d’initiative parlementaire ou gouvernementale pour tenir compte des évaluations effectuées : on ne peut pas refuser d’en tirer les conséquences. Ce sujet étant complexe, il est politiquement juste de tenir compte des évaluations. Si quelqu’un avait la solution, cela se saurait ! La question des relations commerciales est compliquée, et je ne pense pas qu’il y ait une mauvaise volonté à ce sujet. Nous essayons donc modestement, mais avec détermination, d’ajuster les dispositifs. C’est un travail continu.
Je partage une partie de ce qu’a dit le sénateur Duplomb sur le titre II de la loi Égalim 1. Sur le titre Ier, il a été fondateur de poser la question de la rémunération des producteurs de matières premières agricoles d’une manière nouvelle. Il est fascinant de voir que c’est sur l’alimentaire que nous avons accepté depuis des décennies de dire : « Pour un paquet de pâtes, vous en avez deux ». Comme si c’était normal ! Pour quel autre produit voit-on de telles réclames ?
Nous avons collectivement construit l’idée qu’on peut brader l’alimentaire. Les lois Égalim 1 et 2 essaient de corriger cela, tout comme la présente proposition de loi qui apporte des ajustements. Certains pourraient nous reprocher de ne pas vouloir lutter contre l’inflation, mais là n’est pas la question : le prix doit permettre la juste rémunération des agriculteurs. On entend parfois à la télévision des représentants de certaines enseignes se targuer d’être au service des consommateurs.
Être au service des consommateurs, c’est aussi être au service d’une juste rémunération des producteurs. Car, à la fin, l’intérêt des consommateurs est que l’on continue, en France, à avoir une production agricole. C’était l’un des objectifs de la loi Égalim.
Ne versons pas – d’ailleurs, vous ne le faites pas aujourd’hui – dans l’opposition systématique entre rémunération et inflation : non, la rémunération ne produit pas nécessairement de l’inflation. Il se trouve que nous vivons un moment particulier et difficile, lié à la crise en Ukraine.
Nous devrions nous interroger collectivement sur le fait que, depuis le début, les seuls opposants au SRP+10, comme à la loi Égalim d’ailleurs, ce ne sont ni les producteurs ni les transformateurs, mais ce sont ceux qui se situent à l’étage du dessus…
Ces gens servant leurs intérêts – on peut les comprendre –, nous pouvons en déduire que ces évolutions ne vont pas dans le sens qu’ils souhaitent. Sur ce sujet, écoutons les producteurs et les transformateurs.
Monsieur le sénateur Cabanel, je redis clairement que le Gouvernement n’a pas l’intention de faire de ce texte une loi Égalim 3.
Ce n’est pas un sparadrap : c’est une étape, qui en appelle d’autres. Au travers de ce texte, je ne prétends pas résoudre tous les problèmes de l’agriculture française – vous avez raison sur ce point –, mais la question de la rémunération itérée est importante. C’est un des éléments qui permettra, en plus d’une vision globale, de retrouver des marges dans l’agriculture pour pouvoir investir.
Vous avez parlé d’un dialogue de raison et de conscience entre les industries agroalimentaires. Je ne saurais que trop vous dire que j’appelle ce dialogue de mes vœux. Il est de l’intérêt de tous que la rémunération soit juste. C’est évidemment l’intérêt des producteurs ; c’est aussi l’intérêt des transformateurs et des distributeurs.
La loi Égalim se justifie dans la mesure où certains opérateurs pensent – pour reprendre les termes utilisés par M. Gay, me semble-t-il – que, dans une négociation, le seul objectif doit être d’écraser l’autre.
Il ne peut en être ainsi. Certes, chacun essaie de tirer le meilleur parti de la négociation, mais l’objectif est que chacun assure la continuité de la chaîne alimentaire, qui est essentielle.
Ce n’est pas une utopie. Pour assister toutes les deux semaines à des réunions commerciales, je peux vous dire que les distributeurs sont bien obligés de constater la pénurie de certains produits. Cela ne concerne pas uniquement les très grands groupes.
Qu’il s’agisse de lait ou de viande, on trouve des producteurs qui refusent désormais de fournir les distributeurs aux tarifs qui sont proposés. Telle est la difficulté que l’on peut rencontrer.
Monsieur Gremillet, vous avez raison : la MPI est un des sujets que nous devrons traiter. Les rapports qui ont été produits récemment, notamment par les ministères de l’agriculture et de l’économie, montrent que nous avons des éléments de fragilité en matière d’industries agroalimentaires.
Il est vrai que ces dernières ne dégagent pas assez de marge. Nous avons pourtant besoin qu’elles se modernisent et effectuent les grandes transitions, en particulier celle de la décarbonation. Nous y travaillons avec nos collègues de Bercy et recherchons des solutions sur ce volet, qui n’a sans doute pas été assez exploré jusqu’à présent.
Permettez-moi de dire un mot sur le lait, un secteur auquel vous êtes très attaché et que vous connaissez bien.
Ce que vous avez dit est exact sur l’année 2022, mais désormais les prix baissent en Allemagne et montent en France. Le problème, c’est que nous étions désynchronisés.