Intervention de Isabelle Rome

Réunion du 16 février 2023 à 10h30
Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Isabelle Rome :

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous tenons entre nos mains un objet précieux, l’un de ces objets législatifs particuliers qui, dès la seconde même où ses dispositions seront appliquées, changera immédiatement des vies.

Parce qu’en cas de violences conjugales il est toujours difficile de tourner définitivement le dos à son bourreau, nous devons faire en sorte que, lorsqu’une femme décide de recouvrer une liberté qu’elle n’aurait jamais dû perdre, rien ne puisse freiner son courage.

Le drame de celles qui subissent au quotidien la violence de leur conjoint connaîtra, grâce à cette proposition de loi, un facteur contraignant en moins.

Bien sûr, si je le pouvais, si nous le pouvions, nous aiderions chaque victime de violence, physique ou psychologique, et nous ferions disparaître cette emprise mortifère par laquelle les hommes violents détruisent à petit feu leurs compagnes. Si je le pouvais, si nous le pouvions, nous aiderions chacune de ces victimes à boucler sa valise.

Ce que nous pouvons faire, en revanche, c’est agir en acteurs responsables des politiques publiques. C’est ce que fait le Gouvernement via le « pack nouveau départ », annoncé par la Première ministre dès le mois de septembre 2022. C’est ce qu’a fait la sénatrice Valérie Létard – merci, madame la sénatrice – en déposant cette proposition de loi. C’est ce qu’ont fait l’Assemblée nationale et le Sénat en l’adoptant à l’unanimité en première lecture.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincue que le texte que vous examinez aujourd’hui en seconde lecture fera de nouveau l’objet d’un vote favorable et transpartisan. Je m’en réjouis de tout cœur : face à ce fléau, seule l’union fait la force.

C’est pour que le dispositif convienne à toutes et s’adapte à chacune, quels que soient son parcours, son âge, son orientation sexuelle, son lieu d’habitation, son statut social ou sa profession, que le Gouvernement a souhaité modifier l’article 1er.

Les principes énoncés dans cette proposition de loi sont ceux qui sont portés haut dans notre République, ceux dont vous, mesdames, messieurs les sénateurs, représentants du pouvoir législatif, êtes les gardiens. Ainsi, nous l’avons élaborée de manière qu’elle ne contienne rien d’autre que des solutions pratiques, qui permettent aux femmes une aide concrète au départ.

Tout au long de ma carrière de magistrate, j’ai croisé des femmes qui n’étaient plus que l’ombre d’elles-mêmes. J’ai écouté leurs souffrances, des heures durant. J’ai dû juger, arbitrer, apporter une réponse pénale à leur calvaire.

Je me souviens de Giselle, séquestrée, violée pendant des mois chez elle par son conjoint, qui un jour, avec la complicité d’une amie, parvint à prendre la fuite. Je me souviens de Solange, qui réussit à partir, à 75 ans, après des années d’humiliations et de violences.

J’aurais voulu leur offrir bien plus, mais ce n’était pas mon rôle. Alors j’ai gardé leurs mots en mémoire, et je n’oublierai jamais non plus les visages de celles que je n’ai vues que sur photo, parce que c’était trop tard : comme Leïla, massacrée toute la nuit par son conjoint, devant ses trois enfants. J’aurais voulu aider Leïla à partir.

Ces femmes m’accompagnent chaque jour, particulièrement aujourd’hui.

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