Cette proposition de loi dont nous débattons à présent permettra à d’autres Gisèle, Solange ou Leïla de relever la tête et de recouvrer la dignité dont leur bourreau les a spoliées.
Chaque cas est unique et il nous faut apporter une solution, même aux cas les plus complexes.
Lorsqu’elle sera votée, cette proposition de loi viendra donc compléter et renforcer nombre de mesures que nous avons déjà mises en place, comme le « pack nouveau départ », que j’ai proposé à la Première ministre et qu’elle a annoncé au début du mois de septembre dernier. Ce dispositif vise à proposer aux victimes un parcours coordonné afin d’assurer le déblocage rapide de toutes les aides auxquelles elles peuvent prétendre. Le Président de la République a réaffirmé son caractère prioritaire le 25 novembre dernier.
Je pense également au Grenelle des violences conjugales, auquel j’ai activement participé lorsque j’étais au ministère de la justice et dont la quasi-totalité des mesures ont été mises en œuvre.
Grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous irons encore plus loin.
Selon sa situation, une femme victime de violences peut faire face à une multitude d’obstacles qui constituent autant de freins à son départ. Lorsque ces obstacles peuvent être levés par des politiques publiques, il est essentiel que nous soyons au rendez-vous.
Car c’est aussi dans ce moment charnière que les victimes sont les plus faibles, dans cette zone grise qu’elles ne connaissent que trop bien, dans ce moment où tout peut encore basculer et où l’emprise trouve toute la place de s’exercer. Nous pouvons alors, en faisant cesser cette situation de dépendance matérielle et économique, mettre fin à l’emprise et rompre le cycle de la violence. Tout non-départ, tout retour en arrière peut être fatal.
C’est pour cette raison que j’ai voulu que le prêt initialement prévu puisse aussi prendre la forme d’un don. Il est tout simplement impensable que la victime se retrouve en position de débiteur face à qui que ce soit du fait des actions qu’elle engage pour se protéger, parce que le déséquilibre provoqué par un départ peut faire vaciller une décision déjà difficile à prendre et donc fragile. Or nous voulons à tout prix éviter un faux départ.
Ce que nous proposons, c’est de poser le principe d’une aide financière d’urgence aux victimes de violences conjugales. Cette aide sera financée par l’État et prendra la forme d’un don ou d’un prêt, qui, le cas échéant, devra être remboursé par l’auteur condamné.
Ce dispositif émancipateur, lorsqu’il est attribué sous forme de prêt, aura le mérite de mettre l’auteur des violences face à sa responsabilité financière : celui-ci pourra, dans le cadre de la procédure pénale, se voir réclamer le recouvrement de l’aide accordée à la victime.
Nous faisons reposer notre proposition sur un triptyque alliant la souplesse, la rapidité et l’universalité : la souplesse, parce qu’il nous faut répondre aux besoins de chaque victime ; la rapidité, parce que notre réponse doit prendre en compte le fait que chaque seconde que la victime passe en compagnie de son bourreau est une seconde de trop ; l’universalité, parce que nous voulons que nos dispositifs soient accessibles, sans conditions de ressources, aux victimes qui en ont besoin.
Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que j’appelle de mes vœux devant vous, aujourd’hui, c’est que nous admettions ensemble que protéger nos concitoyennes du danger qui les guette dépasse les clivages partisans.
En votant ce texte, vous permettrez son application rapide. En votant ce texte, vous soulagerez les souffrances de celles qui veulent s’extraire des griffes de leur bourreau, vous leur donnerez le souffle pour partir et vous sauverez leur peau.
Quelle que soit notre appartenance politique, nous devons vaille que vaille protéger ces femmes.
À l’issue de cette séance, nous aurons la possibilité de sauver des vies. Nous aurons l’occasion de faire un pas de plus dans la lutte contre les violences faites aux femmes : saisissons-la !