Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales que nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture aura connu un parcours des plus tumultueux.
Cette proposition de loi de Valérie Létard reprend en effet une proposition de loi déposée par Michelle Gréaume au mois de février 2021. Je veux les remercier toutes deux, ainsi que notre rapporteure Jocelyne Guidez.
Face aux nombreuses insuffisances de l’action publique en matière de lutte contre les violences conjugales, le Gouvernement a déposé et fait adopter un amendement visant à réécrire intégralement l’article 1er.
Tout d’abord, nous saluons le fait que plusieurs amendements des élus du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR), nos homologues à l’Assemblée nationale, aient été adoptés pour enrichir le texte et supprimer la condition que le Gouvernement avait instaurée sur la régularité au séjour et sur les difficultés financières immédiates. Une aide universelle se doit de l’être, même si elle est modulée en fonction des besoins.
Que la présence d’enfants à charge ait été prise en compte et que ce soit l’État et non plus la Cnaf qui gère ces dépenses de l’aide sont également des mesures positives.
L’introduction de l’article 1er ter qui prévoit une loi de programmation pluriannuelle de lutte contre les violences faites aux femmes, en ciblant l’accompagnement psychologique et social, l’hébergement et la formation est extrêmement importante. Madame la ministre, même sans caractère normatif, pouvez-vous nous confirmer que, quand cette loi verra le jour, vous dégagerez les moyens nécessaires pour la mettre en œuvre, que ce soit pour le 3919, comme cela est d’ailleurs prévu, ou pour l’ensemble des associations qui nous alertent ?
De plus, le groupe Les Républicains et le groupe centriste de l’Assemblée nationale ont également enrichi cette proposition de loi.
Enfin, plusieurs amendements du groupe socialiste ont complété le texte, dont l’objet était notamment de préciser que l’accord de la victime était nécessaire avant l’information du président du conseil départemental.
Le texte est donc largement transpartisan.
Cette construction partagée s’explique en grande partie par la progression des violences conjugales dans notre pays. Selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, 213 000 femmes ont été victimes de violences physiques et sexuelles commises par leur partenaire ou ex-partenaire en 2019.
Le ministère de l’intérieur alerte sur l’augmentation de 20 % entre 2020 et 2021 du nombre des féminicides : 122 de nos sœurs, nos mères, nos cousines, nos voisines, nos filles ou nos amies sont décédées sous les coups d’un conjoint ou ex-conjoint, contre 102 en 2020.
Par conséquent, il est indispensable d’accompagner les victimes de violences conjugales pour les aider à sortir de l’emprise morale et économique exercée par le conjoint. L’instauration d’une aide financière d’urgence aux victimes permettra d’encourager cette démarche de départ salvatrice.
Nous ne pouvons que regretter, madame la ministre, si du moins vous me permettez de revenir sur le sujet, que la grande cause du quinquennat d’Emmanuel Macron ne bénéficie pas des 2 milliards d’euros qui sont demandés par les associations féministes afin d’engager une lutte véritablement efficace contre les violences, en agissant sur l’éducation et la prévention plutôt que d’attendre l’apparition des comportements violents.
J’en profite, madame la ministre, pour insister sur un point important : pour débarrasser notre société de ce fléau – je sais que c’est votre objectif –, je vous appelle à soumettre au Parlement, assez rapidement, un projet de loi-cadre sur les violences faites aux femmes, en vous appuyant sur le travail réalisé par les associations féministes, notamment le Collectif national pour les droits des femmes (CNDF).
Tel est notre souhait, que, je le crois, nous partageons tous.
En attendant, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste voteront en faveur de ce texte, en espérant une adoption conforme pour une entrée en vigueur la plus rapide possible.