Intervention de Valérie Boyer

Réunion du 16 février 2023 à 10h30
Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Valérie BoyerValérie Boyer :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, elles avaient 19, 30, 51 ou 90 ans. La plupart étaient des mères de famille. Dans certains cas, leurs enfants ont été témoins de cette barbarie, voire ont été tués à leur tour. Certaines étaient enceintes. Parfois, elles ont été brûlées vives, poignardées, étranglées ou abattues d’un coup de fusil.

Ces meurtres ont été perpétrés sur tout le territoire français, essentiellement par des hommes, qui étaient parfois, et même souvent, déjà connus des services de police et de la justice pour des faits de violences conjugales. Ainsi, en 2022, 147 femmes ont été tuées par leur conjoint ou par leur ex-conjoint. Je souligne que 18 hommes ont également été tués par leur conjoint ou par leur conjointe. Un enfant est tué par l’un de ses parents tous les cinq jours en moyenne, d’après l’Unicef, et près de 400 000 enfants en France vivent dans un foyer où des violences intrafamiliales sévissent.

Derrière ces chiffres, il y a une réalité, celle d’une souffrance insupportable et inacceptable. Plus que jamais, nous avons besoin de l’implication de tous.

C’est pourquoi, le 20 octobre dernier, le Sénat a adopté, à l’unanimité, la proposition de loi créant une aide d’urgence en faveur des victimes de violences conjugales, déposée par notre collègue Valérie Létard. Je la remercie de son travail : enfin une mesure tangible ! Enfin une mesure tangible qui allie Sénat, proximité et conseils départementaux. C’est ce que nous attendons de la Haute Assemblée et c’est ce que les femmes attendent aussi : quelque chose de concret, de rapide et d’efficace.

Moins de quatre mois plus tard, le texte nous revient après avoir recueilli le vote, là aussi unanime, de l’Assemblée nationale.

La lutte contre ces violences, notamment faites aux femmes, est un combat universel, qui concerne toute la société. Ce combat me tient particulièrement à cœur, comme à vous tous, mes chers collègues, ici présents. En effet, en tant que parlementaire, je me suis engagée pour les victimes il y a maintenant près de dix ans, notamment aux côtés de l’avocate Nathalie Tomasini et du juge Édouard Durand, que je veux saluer.

Je sais qu’un certain nombre d’entre vous tentent aussi de faire évoluer notre législation. Je pense notamment à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, avec sa dynamique présidente Annick Billon, que je salue pour son investissement et pour l’énergie qu’elle consacre à cette cause.

Malheureusement, ce combat n’avance jamais assez vite. Cela fait longtemps que nous demandons une grande loi sur les violences conjugales, plutôt que d’examiner les choses de façon tronçonnée ; or voilà plusieurs années que nous devons nous contenter d’une succession de propositions de loi, et ce malgré le Grenelle des violences conjugales de 2019.

Comment ne pas évoquer la grande loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, à l’examen de laquelle Valérie Létard et moi-même avions d’ailleurs participé ? Cette proposition de loi, coécrite par Guy Geoffroy, qui en était aussi le rapporteur, a notamment créé l’ordonnance de protection, l’expérimentation du bracelet électronique et le téléphone grave danger. Je pense aussi aux lois du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, qui comprennent en particulier des mesures pour améliorer l’accès au logement des victimes de violences conjugales et modifient le régime de l’ordonnance de protection prise par le juge aux affaires familiales, sans oublier les dispositions qui facilitent la suspension et le retrait de l’autorité parentale du parent violent.

Ce sont autant de mesures que je réclame depuis des années et qui ont été systématiquement rejetées par les différents gouvernements sous Hollande et Macron, madame la ministre, avant d’être inscrites quelques années plus tard. D’ailleurs, dans quelques semaines, nous aurons de nouveau à examiner un texte sur ce sujet.

Je crois, madame la ministre, que ces grandes causes méritent que nous dépassions définitivement nos clivages politiques. Il serait temps !

De plus, rappelons-le, l’analyse des appels au 3919 révèle une aggravation, ces dernières années, des viols conjugaux, des menaces de mort et des tentatives de féminicide. En 2019, plus de 2 100 auteurs de violences s’en étaient déjà rendus coupables par le passé.

Aussi le texte de notre collègue Valérie Létard crée-t-il une aide financière d’urgence aux victimes de violences conjugales. Elle peut être versée sous forme d’un prêt sans intérêt, comme le prévoyait le texte issu des travaux du Sénat, mais aussi être un don. Le dispositif responsabilise le conjoint auteur de violences, car il sera chargé du remboursement de l’aide à l’issue des procédures. Cette avancée considérable est primordiale, puisqu’elle rend concrète la culpabilisation.

Bien sûr, ce texte ne résorbera pas toutes les failles, mais il institue un pas important. Je rappelle qu’un rapport de 2019 de l’inspection générale de la justice (IGJ) sur les homicides conjugaux indique que, si 41 % des victimes avaient alerté les forces de sécurité, 82 % des mains courantes et des procès-verbaux de renseignement judiciaire – à l’époque, c’est différent désormais – n’avaient donné lieu à aucune investigation, tandis que 80 % des plaintes avaient abouti à un classement sans suite. C’est pourquoi il importe d’observer, dans chaque commissariat et lieu d’accueil, comment les choses évoluent.

Ainsi, nous ne le disons pas assez, avant d’envisager d’autres réformes, il est nécessaire et vital d’appliquer les lois existantes et d’en vérifier l’effectivité. Je prendrai un seul exemple : la loi de 2019 sur les violences conjugales a permis la mise en place d’un comité de pilotage chargé de suivre le déroulement des différentes expérimentations. Ce comité, dont je suis membre et qui comprend deux députés et deux sénateurs, ne s’est réuni que deux fois en quatre ans.

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