Intervention de Max Brisson

Réunion du 16 février 2023 à 10h30
Aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Max BrissonMax Brisson :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2019, le Sénat a débattu de plusieurs textes majeurs sur les violences conjugales. Accélération de la délivrance des ordonnances de protection, renforcement du déploiement des bracelets anti-rapprochement et du téléphone grave danger, levée du secret médical et attribution facilitée de logements d’urgence : autant de mesures désormais gravées dans la loi et dont la mise en œuvre, parfois trop frileuse, a commencé.

L’accélération de la cadence des travaux du Parlement atteste, dans tous les cas, une prise de conscience profonde de l’urgence à agir. Ces diverses mesures ont été autant de tentatives de compenser quelque peu le retard que nous avons pris sur ce sujet ô combien majeur – et quel retard quand l’on se souvient que, dans notre pays, la première étude statistique sur les violences conjugales ne date que de 2006 ! Cependant, malgré un volontarisme politique récent et des moyens supplémentaires, la croissance du nombre de violences conjugales demeure, les difficultés inhérentes à leur prise en charge persistent, les crimes violents continuent de briser des vies et des familles.

Nous devons continuer les efforts et intensifier encore la lutte contre le fléau des violences conjugales. Dans ce contexte, cette proposition de loi instaurant une aide d’urgence – avance sans intérêt ou aide aisée de mise en place –, que Valérie Létard a justement voulue universelle, est la bienvenue. Il s’agit d’une aide pour aider les femmes à quitter une personne violente et à s’en éloigner dans la durée.

Mes chers collègues, plus encore que bienvenue, cette aide sonne comme une évidence. Elle est primordiale.

Primordiale, elle l’est parce qu’elle envoie un message fort dans un moment particulièrement éprouvant pour la victime. Nous le savons, s’extraire de l’enfermement que l’on subit d’un compagnon violent est un saut dans l’inconnu. Ce moment-là, celui de la rupture, est souvent le plus dangereux. C’est là que tout peut basculer vers le drame et c’est précisément pour ces raisons que de nombreuses victimes préfèrent le statu quo, aussi insupportable soit-il. L’aide universelle d’urgence permettra donc de lever une partie de cet inconnu et de soutenir les victimes dans cet acte de courage.

Primordiale, l’aide l’est aussi parce qu’elle ne répondra pas seulement à des besoins matériels essentiels : elle donnera le signal d’un soutien de la société à la victime dans une situation de crise. Elle clamera la compréhension de leurs difficultés. Elle apportera une réponse aux questions matérielles qui retardent ou, pis encore, empêchent la victime de violences conjugales de briser l’emprise.

Dans un moment de crise, elle suscitera la confiance et fournira un appui. En quelques mots, cette aide universelle d’urgence permettra à la victime d’entrevoir un après.

Je me réjouis donc de cette avancée majeure qui nous rassemble et qui permet de faire progresser l’aide aux victimes de violences conjugales.

Je salue tout particulièrement notre collègue Valérie Létard, qui a défendu cette proposition de loi issue d’un travail de terrain collectif et qui a contribué à imaginer ce système d’avances indispensable pour que les victimes sortent de la dépendance matérielle que leur impose leur conjoint violent.

Au-delà du dispositif créé, la méthodologie suivie pour aboutir à l’instauration de cette aide est exemplaire. Elle se fonde sur l’écoute de l’ensemble des acteurs intervenant dans les domaines du médico-social, du soutien psychologique, de l’aide juridique, du logement et de l’insertion professionnelle.

La manière dont a été pensé ce dispositif nous rappelle qu’en matière de violences conjugales seule une approche multidimensionnelle, avec le concours notamment des collectivités locales, des associations, des travailleurs sociaux, des services de gendarmerie et de police, des procureurs de la République et des caisses d’allocations familiales, permet d’aboutir à des solutions pertinentes.

À l’aube du démarrage du chantier majeur qu’est celui de la création d’une juridiction spécialisée, que j’appelle de mes vœux, en particulier au regard de ce que je peux observer en Espagne, pays voisin de mon département, je souhaite que nous nous souvenions de la pertinence de cette méthode, qui vaut d’ailleurs pour tous les autres chantiers recensés fort justement par Laurence Rossignol dans son intervention.

Souvenons-nous qu’il y a urgence à agir, mais aussi que le consensus est nécessaire si l’on veut réellement intensifier la lutte menée contre les violences conjugales. Celle-ci implique en effet une meilleure coordination entre les acteurs et la suppression de ces terribles trous dans la raquette, dans lesquels s’engouffrent malheureusement encore trop souvent leurs auteurs.

Dans l’attente d’une grande loi de lutte contre les violences conjugales, madame la ministre, le groupe Les Républicains votera bien entendu cette proposition de loi attendue et utile. Encore merci, chère Valérie Létard !

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