Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons adopté en première lecture ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne voilà tout juste deux mois.
Il s’agit d’un texte hétéroclite, qui a mobilisé nombre de commissions et de rapporteurs, au contenu difficile à maîtriser dans son ensemble. Il n’était pas simple de réaliser notre travail parlementaire en toute connaissance de cause.
À la suite des modifications apportées par nos collègues de l’Assemblée nationale et des ajustements réalisés en commission mixte paritaire, les membres de mon groupe estiment pouvoir de nouveau voter ce texte.
Bien évidemment, nous aurions pu aller plus loin. Nous regrettons que ces transpositions soient parfois insuffisamment ambitieuses : les directives et les règlements dont il est question auraient mérité d’être soutenus par une volonté plus forte afin d’assurer l’adaptation la plus pertinente possible dans notre droit.
En effet, si ce texte très disparate est d’une grande technicité, il aura néanmoins des effets concrets pour les Françaises et les Français dans des domaines aussi variés que le droit du travail pour les congés de paternité, l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap, la santé, les transports, l’agriculture ou la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.
Je regrette que ce texte ne traite pas des évolutions nécessaires dans deux domaines, sur lesquels je concentrerai mon intervention.
En ce qui concerne les affaires sociales, nous saluons certaines avancées – meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des proches aidants, renforcement de la coopération entre pays européens en matière de services d’aide sociale à l’enfance, exigences d’accessibilité à certains produits et services en ligne pour les personnes en situation de handicap –, mais nous regrettons que cet ensemble ne s’inscrive pas dans une stratégie nationale sur l’accessibilité, qui s’avère réellement nécessaire. Il s’agissait d’une demande de l’association Collectif handicaps, qui avait regretté de ne pas avoir été associée aux travaux de transposition de cette directive. Elle a été en partie entendue au travers de l’intégration au texte d’un de ses amendements, qui a notamment été défendu par notre groupe.
Si ce texte comprend des avancées intéressantes quant au congé de paternité, nous considérons qu’il faut aller plus loin. À l’instar des Espagnols, pourquoi ne pas accorder un congé de seize semaines non transférables pour chacun des deux parents et rémunéré à 100 % ?
Dans le domaine des transports, cette adaptation de la directive Eurovignette, dans sa version actualisée, est l’occasion de prendre pleinement conscience de la situation atypique en Europe d’une France ne disposant que de ses péages autoroutiers pour alimenter les entreprises concessionnaires, leurs taux de rentabilité très élevés et leurs actionnaires, puisqu’elle a renoncé à instaurer une redevance pollueur-payeur et à installer des portiques sur son réseau principal comme le font la plupart de nos voisins européens.
L’adaptation de la directive Eurovignette se limite donc à un service minimum, entraînant des conséquences sur les seuls péages des hypothétiques futures concessions autoroutières : « minimum », car les redevances facultatives ayant trait à la congestion ou à la pollution sonore et atmosphérique sont renvoyées à plus tard et les grands véhicules utilitaires légers sont épargnés ; « hypothétiques », puisque le choix du futur modèle d’exploitation des réseaux, dont les concessions se termineront dans huit à treize ans, n’est pas encore fait.
Mise en régie, poursuite des concessions et selon quelle durée, autre forme de partenariat public-privé… Quel que soit le choix qui sera arrêté, les péages actuels seront remis en question. Le président du Conseil d’orientation des infrastructures nous alerte sur le risque réel d’une réduction des recettes – jusqu’à 70 % par rapport à leur niveau actuel – sous l’effet des règles européennes en vigueur. Ce serait un encouragement singulier au mode de transport routier et un frein puissant aux politiques publiques de report modal.
Par conséquent, la question majeure du rééquilibrage de la compétitivité des modes de transport durables par rapport à celle du transport routier doit être reprise dès aujourd’hui.
Demain, si la Collectivité européenne d’Alsace réussit à mettre en place sa taxe sur le transport routier de marchandises, elle montrera qu’il est possible d’agir sans provoquer de catastrophe économique pour les transporteurs, comme l’attestent tous les exemples européens. La région Grand Est devra également agir sur le sillon lorrain afin d’éviter les dégâts que pourraient entraîner d’éventuels reports.
Ces perspectives d’avancées ouvrent assurément une voie que le réseau routier principal du pays devra emprunter. C’est ainsi que nous parviendrons à plus de cohérence européenne en la matière.