Je suis accompagné de Philippe Lutz, directeur central du recrutement et de la formation de la police nationale, qui sera en mesure d'apporter toutes précisions utiles à mon propos.
L'ambition de la police nationale dans le domaine de la formation est une ambition forte, puisque le Parlement l'a dotée de moyens humains supplémentaires, ce qui implique un effort de recrutement et de formation.
Nous observons une progression quantitative assez marquée de nos recrutements. Pour 2023, notre schéma d'emplois prévoit le recrutement et la formation de 4 180 gardiens de la paix et de 3 570 policiers adjoints. C'est un véritable défi ! Nous parviendrons à y faire face grâce à la montée en puissance de nos capacités d'accueil et de notre réseau de formateurs et à la mutualisation de bonnes pratiques.
Il y a aura aussi un choc dans le recrutement des officiers, vu l'importance des départs en retraite. Nous avons recruté l'an dernier environ 400 officiers de police. Cette année, nous en recruterons 460, soit une hausse de 12 %. Même défi pour les commissaires de police, puisqu'il faudra en recruter et en former 94 cette année, soit 30 % de plus que l'an passé. Cette hausse s'explique notamment par l'importance des personnels détachés.
Dernier champ important de recrutement pour nous : à l'instar de ce que fait la gendarmerie depuis plusieurs décennies, la police nationale se lance dans un recrutement important de réservistes opérationnels. Nous en avons formé 1 150 en 2022, et notre plan de charge prévoit d'en former désormais 2 500 chaque année.
Le cyber est aussi un vrai sujet pour le recrutement et la formation dans la police nationale. Cette année, le service commun à la police et à la gendarmerie dans le domaine du numérique va changer d'échelle, puisque le service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure deviendra l'Agence nationale des forces de sécurité intérieure. Cette évolution exige que nous formions avant l'été 150 policiers sur les sujets du numérique.
Une forte progression quantitative de nos recrutements est donc en cours.
L'amélioration qualitative du recrutement et de la formation passe par l'allongement de huit à douze mois de la formation des gardiens de la paix. L'objectif, entre autres, est de mieux les former à la mission de police judiciaire. Les premiers résultats observés dans les écoles de police sont bons et témoignent d'une bonne appétence pour le judiciaire. Nous devrions arriver à ce qu'en sortie d'école, des gardiens de la paix puissent devenir officiers de police judiciaire, comme le souhaite le ministre.
La formation initiale des policiers adjoints s'allonge aussi puisqu'elle passe de trois à quatre mois.
Certaines formations initiales très spécifiques sont aussi adaptées pour tenir compte de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Ainsi, les assistants d'enquête bénéficieront d'une formation améliorée d'au moins cinq semaines, commune à la police et à la gendarmerie, pour qu'ils puissent apporter aux enquêteurs toute l'aide nécessaire sur des tâches matérielles qui ne sont pas strictement des tâches d'enquête.
De même, le ministre nous a demandé de substituer aux policiers déployés dans les aubettes des personnels contractuels et administratifs. Nous prévoyons pour les effectifs concernés deux semaines de formation à ces nouvelles missions. Cette évolution leur procure de nouveaux débouchés, ce qui est toujours intéressant.
Enfin, le ministre nous a demandé de faire progresser de 50 % la formation continue. Il s'agit d'un programme ambitieux, auquel s'ajoutent les formations qui seront dès cette année obligatoires pour obtenir les grades de brigadier-chef et de major.
Nous développons aussi des formations conjointes avec la gendarmerie, dans tous les secteurs spécialisés de la police judiciaire, mais aussi dans le domaine du cyber, où nous avons une forte ambition commune. La gendarmerie a ouvert une école du cyber à Lille, dans laquelle elle a proposé à la police nationale, qui l'a bien évidemment accepté, de suivre des formations communes.
Général de corps d'armée Bruno Arviset, directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale. - La gendarmerie nationale fait face à trois enjeux majeurs en matière de formation. Le premier est de renforcer la militarité des gendarmes, leur robustesse et leur polyvalence, vu la complexité et la dangerosité des interventions. Le deuxième est de les former au numérique, ou au moins de les y sensibiliser. Le troisième, face aux augmentations d'effectifs que nous prévoyons avec joie pour les années à venir, est de développer la capacité de nos écoles : nous allons recruter comme nous ne l'avons jamais fait depuis au moins trente ans !
Dans la formation initiale, nous continuons d'insister sur la formation militaire générale et sur la robustesse, mentale ou physique, tactique ou individuelle. Nous travaillons donc beaucoup en lien avec les armées et nous continuons de développer des partenariats avec elles pour que chaque élève gendarme puisse être formé à des programmes de robustesse et de manoeuvre tactique à l'échelon du groupe. De fait, lors de certaines interventions, nous sommes confrontés à de véritables scènes de guerre. Ce sont ainsi 80 formations, initiales ou continues, que la gendarmerie suit en abonnement auprès des armées.
Nous insistons aussi beaucoup sur le concept du gendarme polyvalent. L'éparpillement des unités de gendarmerie, spécifique à notre métier, fait que le même gendarme, au cours d'un même service ou d'une même journée, peut être confronté à des situations très différentes. Nous renforçons donc la formation pour aider le gendarme primo-engagé qui, par définition, sur tout événement, est seul pendant les quinze premières minutes. Quelles que soient les dominantes choisies par nos élèves, ceux-ci reçoivent donc tous une formation au maintien de l'ordre, à la sécurité routière, à la police judiciaire. C'est sur ce socle partagé que se greffent ensuite les formations spécialisées. Former nos gendarmes aux métiers de police de demain, c'est continuer à développer l'intervention professionnelle. Chacun sait que, face à la dangerosité des interventions, face aussi à leur médiatisation, il faut que les gestes professionnels soient parfaitement maîtrisés, dans l'intérêt de tous - du délinquant comme du militaire - et avec le souci de la sécurité et du juste emploi de la force.
Nous avons aussi développé, au cours des deux dernières années, la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et les discriminations.
Conformément au souhait du Président de la République, nous renforçons notre formation en police judiciaire : depuis le mois de septembre dernier, tous les élèves gendarmes entrant en école font un mois de scolarité en plus, consacré au renforcement de la formation d'officier de police judiciaire. Le total est donc désormais de douze mois : neuf en école et trois en stage. La partie théorique de la formation à l'examen d'officier de police judiciaire est désormais enseignée pendant la formation initiale. C'est au cours des deux années suivantes, passées en unité, que les gendarmes acquièrent la partie plus pratique de la formation nécessaire pour être habilités officiers de police judiciaire.
Nous avons un programme ambitieux de sensibilisation au numérique, grâce auquel tout élève gendarme entrant en école reçoit une formation en la matière. Ce domaine représente à peu près 15 % du volume de formation d'un élève gendarme. Nous développons aussi ce que nous appelons des e-compagnies, constituées d'élèves gendarmes volontaires qui, ayant déjà une appétence pour ce domaine, bénéficient d'une formation allongée dans le domaine du numérique.
Nous avons beaucoup développé l'enseignement à distance. Nos unités sont en effet éparpillées partout dans le monde. Nous proposons 787 formations sur notre intranet, représentant 2 700 modules pédagogiques. Beaucoup de formations, en fait, comportent une partie faite à distance, en amont d'une partie faite en présentiel dans les écoles.
Nous avons mieux distingué, depuis un an, ce qui relève de la direction des personnels et ce qui dépend des écoles. Nous avons mis en place un opérateur de recrutement et de formation au sein du commandement des écoles et nous continuons à développer la formation initiale et continue. Nous avons créé des centres régionaux d'instruction dans chacune des treize régions de France et dans chacune des collectivités d'outre-mer. Une grosse partie de la formation continue est désormais dévolue aux échelons régionaux ou assimilés, en complément de nos 25 centres et écoles.
Enfin, nous avons un défi capacitaire à relever puisque, en 2023-2024, pas moins de 11 000 à 12 000 élèves passeront dans nos écoles. Pour y répondre, nous comptons doter l'ensemble de nos écoles de douze compagnies d'élèves supplémentaires.
Pour rappel, au cours des vingt dernières années, nous avions dû fermer quatre écoles. Nous avons fait le choix de ne pas ouvrir de nouvelles écoles ex nihilo, mais de développer les écoles existantes, en particulier celle de Dijon, qui comptera six compagnies supplémentaires.