La loi donne désormais aux policiers et aux gendarmes davantage de possibilités de faire usage de leur arme pour se défendre légitimement dans des situations très difficiles de violences ou d'agression.
Certes, la question de l'entraînement au tir est très importante. C'est d'ailleurs un sujet que nous évoquons avec les élus s'agissant des polices municipales : il n'est pas sérieux d'armer des policiers sans de longues et régulières séances de formation. Pour ce qui est de la gendarmerie et de la police nationales, vous nous avez dit y veiller particulièrement.
Au-delà des séances de tirs, comment formez-vous les policiers et les gendarmes à la situation précise de stress absolu où il faut prendre une décision en une seconde ? Il est facile de critiquer, mais de telles situations demandent une maîtrise psychologique très forte, pour laquelle j'éprouve une certaine admiration.
Général Bruno Arviset. - J'ai beaucoup entendu parler de formateurs extérieurs, d'autres profils pour former nos gendarmes... Nous sommes convaincus de la nécessité de ce partenariat.
Pour ce qui concerne la gendarmerie, ce n'est pas tant sur la formation initiale que sur les formations continues et techniques que nous développons des partenariats. Nous avons noué de nombreuses conventions avec des universités, de sorte que beaucoup de formations internes à la gendarmerie - et, parfois, partagées avec la police nationale - ont des blocs qui se font en faculté. On se raccroche à des cours de BTS ou d'autres formations, selon le niveau.
En outre, des intervenants extérieurs sont à nos côtés sur des matières extrêmement techniques. Il faut bien distinguer ce qui relève de la formation initiale et du coeur de métier, qui a plutôt vocation à être assuré par nos professionnels, de ce qui relève d'une formation plus technique, où nous devons évidemment aller chercher les professionnels de la technicité.
Oui, la cybersécurité est aujourd'hui un domaine extrêmement concurrentiel. On entend souvent des ingénieurs nous dire que, dans le privé, leur salaire afficherait un zéro de plus. Que ce soit vrai ou non, nous essayons de développer les contrats à durée déterminée, les CDI ou même le recrutement spécifique de ce que l'on appelle des « officiers commissionnés », c'est-à-dire des civils qui ont déjà une technicité et que nous recrutons pour combler les lacunes que nous pourrions avoir dans certains domaines.
Bien évidemment, cela ne se fait pas tout seul ! Nous essayons au maximum de développer des partenariats en amont dans ce domaine, surtout avec des écoles d'ingénieurs, de sorte que les élèves puissent, lors de leurs deux dernières années de formation, faire des stages chez nous et découvrir le milieu de la gendarmerie, pour continuer ensuite à servir dans nos services techniques. Au reste, s'il est vrai que l'on peut gagner plus dans le privé, j'observe que de nombreux jeunes ne rechignent pas à travailler plusieurs années dans la gendarmerie pour avoir une carte de visite avant de basculer dans le civil... Certains préfèrent aussi travailler chez nous pour servir le bien commun - il y a encore des gens qui y croient !
Ce problème de tension dans les métiers de la cybersécurité est évidemment partagé, notamment avec les armées, le domaine étant concurrentiel.
Enfin, nous développons les formations à l'étranger. Nous nous efforçons d'envoyer des gendarmes en formation dans de proches pays européens. Nous avons sorti, au mois de juin, une promotion qui a suivi sa scolarité à Madrid, auprès de la Guardia Civil. Nous le faisons avec d'autres pays, comme avec l'Italie, de sorte qu'une culture commune avec des pays frontaliers amis puisse se développer. Bien évidemment, nous avons ensuite des sujets partagés communs sur le plan opérationnel.
Faut-il accroître le niveau juridique aux concours? Je distinguerai les officiers des sous-officiers. Nos sous-officiers étant recrutés au niveau du baccalauréat, nous n'imposons pas d'épreuves juridiques. En revanche, dans les faits, un bon nombre de lauréats ont déjà étudié quelques années en faculté, et souvent en faculté de droit, avant de devenir élèves gendarmes. Cependant, c'est bien pendant leur année de scolarité qu'on leur donne ce bagage juridique. S'agissant des officiers, nous avions ouvert, il y a une vingtaine d'années, un concours dont les épreuves étaient de nature universitaire, et avant tout juridique : 90 % des lauréats étaient des juristes. Nous avons, depuis, souhaité diversifier le recrutement, en ouvrant d'autres voies, plus scientifiques, pour éviter une culture « monochrome » de l'officier de gendarmerie, considérant la multiplicité des enjeux. L'avenir nous a donné raison compte tenu des besoins en matière de cyber et d'ingénierie dans tous les domaines. À ce titre, nous nous efforçons de développer toutes les filières. Aujourd'hui, pour ce concours universitaire au sens large, à peu près la moitié des candidats sont des juristes. Les autres sont plutôt des ingénieurs ou, à tout le moins, des personnes de culture scientifique. Il est important de bien diversifier.
Je vous confirme que, dans la Lopmi, des effectifs supplémentaires sont bien prévus au titre de la formation : il y va de 252 équivalents temps plein (ETP), qui se répartiront entre nos écoles de formation initiale, pour former 12 compagnies supplémentaires, et nos centres régionaux d'instruction, davantage axés sur la formation continue.
Oui, bien sûr, nos gendarmes reçoivent des formations sur l'accompagnement aux violences intrafamiliales (VIF). Il est vrai que, dans les zones rurales, il y a un trou dans la raquette en matière d'associations et de capacité d'hébergement. Le primo-intervenant est seul dans son unité.
Au-delà des formations à l'accueil, nous avons mis en place des unités spécifiques, avec au moins une maison de protection des familles par département, avec des relais, des cellules de protection des familles, jusqu'à l'échelon des compagnies, de sorte que, dès que des dossiers deviennent complexes, des gendarmes un peu plus spécialisés puissent prendre le relais au plus vite, ce qui n'enlève rien à ce qu'a pu faire le premier intervenant.
Nous avons toujours eu, en matière de maintien de l'ordre, le souci de veiller à la désescalade. Ceux qui sont allés au Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier ont pu le constater : le leitmotiv est que les forces de l'ordre ne doivent pas conduire à l'escalade d'une manifestation, et que la riposte doit toujours être graduée et adaptée à la menace. De mon point de vue, l'approche de notre conception du maintien de l'ordre n'a pas beaucoup changé depuis que ce centre existe.
Enfin, l'augmentation du droit d'usage des armes est discutable, parce que bien des mesures de la nouvelle loi figuraient déjà dans le décret du 20 mai 1903 sur l'organisation et le service de la gendarmerie. Il y a eu peu d'évolution en la matière. Nous essayons, autant que faire se peut, de former nos personnels et de les faire réfléchir à des situations qui se présentent assez communément, notamment sur la base de scénarios présentés à des groupes de gendarmes par un moniteur d'intervention professionnelle dont le dénouement comporte un usage des armes. Cependant, la dernière seconde appartient évidemment à chacun.