L'usage de l'arme est un point essentiel. Quand on entre dans la police, quel que soit le corps d'appartenance - il en va de même dans la gendarmerie -, il n'est pas tout à fait naturel de porter une arme et de savoir s'en servir. Toute la formation initiale vise notamment à l'aptitude au port de l'arme et au fait d'être à l'aise avec celle-ci.
Dans ce cadre, nous testons actuellement, dans les écoles de police, et plus particulièrement à Nîmes, en lien avec la sous-direction qui s'occupe de la formation initiale, des simulateurs de tirs et des simulateurs d'aide à la décision, qui doivent permettre d'acquérir une attitude naturelle vis-à-vis de l'arme, notamment pour ceux qui étaient complètement extérieurs à la police - l'immense majorité des 40 % d'externes n'ont jamais porté d'arme.
Nous pouvons également nous appuyer sur le réseau des psychologues de la police nationale. Depuis deux ans, nous avons fait un effort extrêmement important en matière de recrutement de ces contractuels.
Les formateurs généralistes apportent leurs connaissances juridiques, leurs connaissances de terrain. Les psychologues axent leur propos sur la relation à la personne, apprennent à réagir face à des personnalités différentes.
Au demeurant, la formation initiale, en la matière, n'est sans doute pas le seul élement.
Je veux citer l'exemple dramatique de l'affaire Mickaël Harpon en 2019. Lorsque celui-ci a descendu l'escalier au coin de la préfecture de police, il s'est retrouvé face à un fonctionnaire de police stagiaire, sorti quinze jours plus jours de l'école de Nîmes. J'ai discuté à plusieurs reprises avec ce fonctionnaire, très rapidement après les faits, puis lors des obsèques, puis à l'école de Nîmes, où il vient témoigner parfois de son vécu professionnel. Lors de l'événement, il s'est littéralement remis dans une bulle. Face à un individu qui venait vers lui un couteau à la main, de combien de temps a-t-il disposé pour se remémorer la technique, le cadre juridique ? Je ne suis pas certain qu'un fonctionnaire qui aurait eu quinze ans d'ancienneté aurait eu le même cheminement mental...
Globalement, 60 à 65 % des fonctionnaires font leurs trois tirs à l'année, ce qui est naturellement insuffisant. Un certain nombre de chefs de service considèrent que la formation doit se concentrer sur ces trois tirs. Comme je l'ai déjà dit au directeur général de la police nationale (DGPN) et aux directeurs territoriaux, je considère que c'est le degré zéro de la réflexion en matière de formation !
Il est beaucoup plus important de savoir maîtriser les techniques d'interpellation et d'intervention. J'ai été inspecteur avant d'être commissaire. Je l'ai été durant dix-sept ans dans le département un tantinet agité de la Seine-Saint-Denis, et je n'ai jamais utilisé mon arme ! En revanche, j'ai plusieurs fois dû procéder à des interpellations.
On peut programmer des formations de manière quasi institutionnelle, rien ne remplace le travail qui doit être fait en proximité. Il me semble essentiel, quand on forme les brigadiers-chefs ou les majors, de faire quelques rappels simples sur les gestes ou l'utilisation de la force.
Voilà quelques années, au moment de la mise en place de la police de sécurité du quotidien (PSQ), j'ai discuté avec un préfet de police qui me disait qu'il était essentiel de former les gens en école à la proximité. Je lui ai répondu que cela se faisait déjà. En effet, de très nombreuses heures de formation par des psychologues sont désormais prévues dans les écoles de police, sur le rapport à l'autre, sur la capacité à se maîtriser, avec notamment les « techniques d'optimisation du potentiel », qui sont des techniques de relaxation, de gestion du stress. Mais le plus important, c'est ce qui se passe après : l'utilisation qui va être faite de cette formation et la manière dont elle va être mise en oeuvre dans les services.
Sur l'infocentre Dialogue, la situation s'améliore, mais reste largement perfectible. Je veux être très précis : nous avons une application de formation en distanciel, le « e-campus », et une application, qui s'appelle « Dialogue », où sont enregistrées toutes les informations en matière de ressources humaines et de formation. Actuellement, de petites mains réalisent un travail de fourmi en saisissant dans Dialogue ce qui a déjà été enregistré dans le e-campus, ce qui est n'est tout de même pas très satisfaisant intellectuellement. Dans un monde parfait, les données du e-campus seraient automatiquement basculées sur Dialogue. Nous travaillons à cette connexion directe, et j'ai bon espoir que nous y parviendrons en 2024. Il y va du confort et de l'amélioration des conditions de travail des agents, mais l'objectif est aussi que toutes les formations réalisées soient comptabilisées, ce qui n'est pas le cas pour le moment.
S'agissant de la proximité, le Nord est extrêmement gâté, puisque la majorité des policiers sont issus des Hauts-de-France, zone géographique la plus attractive en termes de recrutement, devant l'Île-de-France, qui, théoriquement, concentre la majorité des postes à la sortie des écoles, surtout de celles de gardiens de la paix. Nous avons développé un certain nombre de dispositifs pour préparer au concours, en lien avec 70 universités partenaires et des écoles. Les directions zonales réalisent un travail de préparation directe avec l'organisation de journées thématiques, où les épreuves des concours sont présentées.
Sur la zone Sud, cela va encore plus loin, avec quasiment une semaine complète d'entraînement pour les candidats externes - beaucoup de choses existent déjà pour l'interne.
Le nombre de candidats est bien plus nombreux qu'en Île-de-France. Je suis complètement d'accord avec vous, la connaissance du territoire est extrêmement importante, voire fondamentale. Nous réalisons un important travail en ce sens avec des universités partenaires.
Je regrette, à titre personnel, que l'Est, notamment l'Alsace, se voie beaucoup moins bien doté. Nous essayons véritablement de remédier à cette situation.