Mon intervention s'attachera à vous présenter les grands axes, la méthode et les attendus de ces assises, lancées par le ministre Braun le 29 novembre dernier, en pleine crise des urgences. Les travaux sont en cours, les sujets de fond sont en train d'être examinés. Il s'agit de voir comment vous pouvez, mesdames et messieurs les sénateurs, contribuer à cette réflexion collective, dans les semaines à venir, et sous quelle forme.
L'hiver dernier, notre pays a été confronté à une nouvelle crise des urgences, qui chaque année se répète. Elle fut particulièrement aiguë cette année, à cause d'une triple épidémie - bronchiolite, grippe et covid - associée à une dette immunitaire. Urgences saturées, manque de lits d'hospitalisation conventionnelle, secteur périnatal en difficulté et équipes éprouvées en sont les symptômes. Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg ; le mal-être est plus profond, à l'instar de la PMI, qui est en grande difficulté - les moyens font défaut et les professionnels manquent de temps médical, alors que 75 % à 80 % des médecins de PMI partiront prochainement à la retraite, comme l'indiquait déjà le rapport de Michèle Peyron Pour sauver la PMI. Par ailleurs, avec seulement 800 médecins scolaires dans notre pays, reste-t-il encore une médecine scolaire en France ? Le manque de pédopsychiatres est aussi criant - il n'y en a que quelques centaines. Les délais d'attente dans certains centres médico-psychologiques infanto-juvéniles (CMPIJ) sont de 6 à 12 mois.
Les difficultés sont systémiques. Une refondation est nécessaire. Telle est l'ambition de ces Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant. Leur objectif est de dépasser le constat, déjà dressé depuis dix ans, pour construire le plan d'action pluriannuel de refondation de la santé de l'enfant.
Nous nous intéressons aux enfants de 0 à 18 ans, et portons une attention particulière aux périodes de transition, trop souvent synonymes de rupture. Nous envisageons la santé globale au sens de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) - physique, mentale, sociale, culturelle, environnementale -, avec une approche axée sur le parcours de santé et les besoins de l'enfant et des parents. Nous voulons faire des enfants et des parents des acteurs de leur santé, autour de propositions concrètes, à court et moyen termes, pour inclure des mesures dès le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Notre méthode est celle d'une concertation la plus large possible, en associant tous les professionnels de santé et toutes les parties prenantes, dont les élus locaux. Les assises auront lieu avant l'été, une feuille de route sera annoncée dans la foulée.
Nous avons déterminé 6 axes de travail, animés par 18 copilotes, qui sont coordonnés par les 2 coprésidents.
Notre premier axe est de garantir à tous les enfants un parcours de santé de qualité et sans rupture. Il s'agit ici d'évaluer le droit commun. De 0 à 18 ans, chaque enfant doit avoir un parcours de santé de qualité et sans rupture - les ruptures des parcours de soin sont un trait français trop connu. Se posent les questions de la naissance, de la PMI, de la médecine scolaire et la formation des professionnels de santé. La médecine scolaire fait l'objet d'un rapport prévu dans la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS ; une mission de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) et de l'inspection générale des affaires sociales, l'Igas, est en cours et ses conclusions seront intégrées à la réflexion. L'équipe chargée de cet axe est représentative des domaines de la PMI, de la médecine scolaire, de l'hôpital et de la médecine libérale.
Le second axe est d'améliorer le parcours en santé des enfants les plus fragiles : les enfants qui souffrent de maladies chroniques, rares et complexes, et ceux qui sont en situation de handicap. Pour ces derniers, l'accès aux soins est souvent problématique : par exemple, un enfant autiste, qui craint le rapprochement physique, aura plus de difficulté à subir un rendez-vous dentaire. La formation des professionnels est un enjeu important. Nous devons aussi lutter contre la précarité en santé - la pauvreté est un facteur aggravant - et répondre aux besoins des enfants en outre-mer - des tabous existent, il faudra les briser, comme celui de la prévalence. J'ai sollicité les délégations aux outre-mer du Sénat et de l'Assemblée nationale pour qu'elles contribuent à la réflexion - j'attends une réponse de la part de la délégation sénatoriale. Nous devons également améliorer la santé des enfants protégés au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE), ainsi que mieux soigner et prendre en charge les enfants victimes de violences, sexuelles ou non ; ASE, enfants en situation de handicap, outre-mer, autant de sujets où le Sénat pourra apporter son expertise.
Le troisième axe est de relever le défi de la santé mentale des enfants. Ce sujet de préoccupation majeure impose des réflexions en amont et en aval ; la prévention et une bonne articulation entre pédopsychiatrie et psychiatrie sont essentielles. Des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, en novembre 2021, conclues par le Président de la République, ont permis de faire des annonces, que mon ministère a tenté de mettre en oeuvre ; mais il reste beaucoup à faire.
Le quatrième axe est la prévention, sujet qui rejoint toutes les grandes politiques publiques en santé : addictions, santé physique, lutte contre l'obésité, addiction aux écrans, sommeil et autonomisation, pour faire des enfants des acteurs de leur santé.
Le cinquième axe porte sur la formation professionnelle et les carrières : délégations de compétences, maquettes universitaires, pratique avancée, gradation des soins et rôle du généraliste sont abordés.
Le sixième axe est celui de la recherche et de la promotion des pratiques innovantes, notamment à l'heure du numérique.
J'en viens à la méthode. Le rôle des pilotes est de mener des concertations les plus larges possible. Ils sont assez libres dans leur travail et la méthode employée. Il est possible de faire des contributions écrites, sur le site de la SFP - nous en avons obtenu 600. Nous prenons aussi en compte la parole de l'enfant, potentiellement sur le sujet de l'activité psychique, en faisant travailler le conseil de l'enfance et de l'adolescence du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), selon une méthodologie inspirée par le défenseur des droits auprès des enfants. Nous consultons aussi les parents, via l'Union nationale des associations familiales (Unaf). Enfin, nous partageons l'état d'avancement des travaux devant un comité des parties prenantes, qui se réunit toutes les 6 à 8 semaines.
Le calendrier est le suivant : recueil des contributions de janvier à mi-mars ; mise en cohérence et rédaction du plan d'action en avril et en mai ; tenue des assises entre la mi-mai et la mi-juin.
J'ai sollicité une audition devant votre commission, mais aussi devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et les délégations aux outre-mer des deux assemblées, ainsi que devant l'Assemblée des départements de France (ADF). Régions de France, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et l'Association des maires ruraux de France (AMRF) ont aussi été contactées. Une contribution du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) est attendue et le HCFEA a été sollicité.