Intervention de Flora Mattei

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 12 janvier 2023 à 10h00
Continuité territoriale entre l'hexagone et l'outre-mer : table ronde sur le dispositif applicable à la corse

Flora Mattei, conseillère exécutive de Corse, présidente de l'Office des transports de la Corse :

La question de la continuité des services publics est fondamentale pour un territoire insulaire : il y va de la réduction de la dépendance aux importations et des contraintes liées à l'insularité, du point de vue du développement économique notamment ; l'organisation de la desserte aérienne et maritime doit prendre en compte cette spécificité.

Le contexte actuel est particulièrement complexe : crise sanitaire, crise économique, crise sociale, crise géopolitique. Ajoutons que le droit européen de la concurrence s'applique de façon particulièrement stricte, l'harmonisation du droit communautaire nous permettant de consolider les différentes dessertes de service public, aussi bien pour les passagers que pour les marchandises, sachant qu'une île, par définition, dépend beaucoup des importations, donc du fret.

Quelques mots sur les objectifs et les principes du conseil exécutif de Corse en matière de continuité territoriale : nous sommes une autorité délégante, organisatrice de la liaison maritime et aérienne entre la Corse et le continent via la dotation de continuité territoriale (DCT) et les délégations de service public (DSP).

L'enjeu est de définir un périmètre de service public correspondant aux besoins et aux intérêts de la Corse, ce territoire insulaire métropolitain : service de qualité, coût maîtrisé autant que possible, système économiquement et socialement vertueux, prise en compte des enjeux de la transition écologique et du développement durable, le tout dans un cadre juridique sécurisé.

En tant qu'autorité délégante, nous percevons de l'État une dotation de continuité territoriale qui se répartit comme suit en 2023 : 107 millions d'euros de compensation pour les cinq routes maritimes entre la Corse et le continent, 90 millions d'euros pour les quatre aéroports et les douze routes aériennes, comprenant le « bord à bord », c'est-à-dire les liaisons vers Nice et Marseille et les lignes desservant la Corse depuis Paris.

Le nombre important de nos infrastructures aéroportuaires et portuaires s'explique par les spécificités géographiques de notre territoire, reconnues via le statut d'île-montagne. En particulier, il est plus facile de desservir la Corse par la mer que par la circulation à partir d'un port principal vers les différentes villes et microrégions. Les infrastructures aéroportuaires sont au nombre de quatre, deux aéroports principaux, deux complémentaires, ce qui nous permet d'absorber un certain flux.

La Cour des comptes a diligenté récemment un contrôle mené par la chambre régionale des comptes, qui nous conforte dans notre volonté de sanctuarisation de ces quatre infrastructures. Malgré le chamboulement des secteurs des transports et de la logistique consécutif à la crise du covid, il nous paraissait impensable que l'existence de l'un de ces aéroports soit remise en cause. Le rapport de la Cour des comptes atteste qu'ils ont très bien su réagir et rebondir face à la crise.

J'en viens à la maîtrise des paramètres : pour identifier précisément le besoin de service public applicable aux délégations de service public pour le transport maritime et aérien au départ et à destination de la Corse concernant la période 2023-2029, nous avons dû diligenter des tests de marché spécifiques et particulièrement rigoureux, conformes au droit européen, très inspirés des questionnaires réalisés pour la desserte d'autres territoires de Méditerranée occidentale. Les consultations des usagers et des compagnies ont été faites dans les règles de l'art. Nous prenons en compte les problématiques de saturation, de fréquence de la desserte et de sécurité, notamment pour le fret ; tout cela est désormais objectivé.

La maîtrise de cet enjeu stratégique des transports nous permet de stabiliser un certain nombre de paramètres à destination des résidents corses. Ainsi la tarification du fret est-elle désormais maîtrisée en dépit de l'inflation, sans indexation sur les cours - très fluctuants - des carburants. Des contrats de couverture carburant à vingt-quatre mois permettent de fixer une compensation tout en améliorant la qualité du service et en palliant la flambée des prix. Dans le cadre des conventions de délégation de service public, le tarif du fret a été défini selon la méthode de l'équivalent routier, consistant à faire comme s'il existait une autoroute entre le quai continental, à Marseille, et les quais corses : c'est la traduction opérationnelle de l'objectif de continuité territoriale, qui nous permet de garantir tant la stabilité des tarifs que la sécurité juridique des contrats de délégation du point de vue du droit de la concurrence.

Jusqu'à une date récente, nous n'avions pas statué sur ces points précis ; c'est désormais chose faite.

Toujours à destination des résidents, nous avons mis en place des tarifs export préférentiels, qui permettent d'inciter les entreprises corses à produire davantage sur place et à exporter, en lieu et place du « tout import » dont nous avions l'habitude.

J'évoquerai enfin la tarification relative aux passagers résidents corses dans le transport aérien. Voilà quelques années, nous avons pu réaliser des économies grâce à une très importante rationalisation de l'utilisation de la dotation de continuité territoriale. Le reliquat ainsi dégagé a été mis à profit pour instaurer certaines tarifications spécifiques et préférentielles, permettant notamment aux résidents corses de voyager et d'aller étudier, travailler ou se faire soigner sur le continent, sachant, par exemple, qu'il n'y a pas de centre hospitalier universitaire (CHU) en Corse. Les principes de continuité et de qualité du service public exigent une fréquence hebdomadaire pour certains vols, et même une fréquence journalière pour les vols vers Paris et le bord à bord. Je précise d'ailleurs que les conventions de délégation de service public sont contraignantes pour nos délégataires, en matière de fréquence des liaisons, d'horaires, mais aussi de verdissement des flottes.

Tout cela, j'y insiste, passe par un dialogue permanent avec les instances étatiques et européennes, le secrétariat général des affaires européennes, la représentation permanente de la France à Bruxelles, le ministère des transports, les directions générales de la concurrence et de la mobilité et des transports de la Commission européenne.

Voilà le panorama rapide que je peux dresser sur ces délégations de service public.

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