En réponse à Martin Lévrier, je précise que l'étape qui suivra l'éventuelle adoption de ce texte et qui en permettra la bonne application relève effectivement du domaine réglementaire. Par ailleurs, le Gouvernement pourrait certainement fixer des ratios lui-même, puisque les ratios « sécuritaires » en vigueur aujourd'hui n'ont pas de fondement législatif précis et relèvent d'un renvoi général au décret pour ce qui est des « conditions techniques de fonctionnement ». Cela étant, nous agissons bel et bien dans le cadre de nos compétences : avec ce texte, nous donnons une impulsion politique et montrons à l'exécutif la voie à suivre.
À ceux de nos collègues qui ont fait part de leur interrogations, je tiens à dire que je me suis posé les mêmes questions.
Pour autant, il faut partir de l'existant : la situation continue de se dégrader et les mesures du Ségur de la santé n'ont pas mis fin à la « fuite » des personnels hospitaliers. Il convient de distinguer les médecins des infirmières et des aides-soignantes. Si nous manquons effectivement de médecins, nous avons suffisamment d'infirmières. Ce qui pose problème aujourd'hui, c'est que ces dernières quittent l'hôpital après quelques années, voire abandonnent pendant ou à l'issue de leur formation. L'enjeu est donc de ramener ces professionnels à l'hôpital public.
Le texte que nous examinons est d'autant plus important que le faible nombre de soignants au chevet des patients a des conséquences néfastes sur le niveau de formation des infirmières, qui ne bénéficient plus suffisamment aujourd'hui du tutorat et de l'expérience des seniors.
Beaucoup d'entre vous craignent que les ratios mis en oeuvre ne puissent devenir un instrument conduisant à la fermeture de nouveaux lits. Regardons, là encore, la situation actuelle : si l'on ne fait rien, on continuera comme aujourd'hui à « déshabiller » les services où les ratios ne s'appliquent pas pour « habiller » ceux où ils s'appliquent. Il convient d'agir, d'autant que les services prioritaires ou critiques sont aujourd'hui bien identifiés.
Notre collègue Laurence Cohen a lancé un appel à l'augmentation du budget de l'hôpital. Nous sommes d'accord : personne ne peut imaginer que le dispositif proposé fonctionnera à budget constant.
Plusieurs collègues ont réclamé de la souplesse. Mon amendement répond à leur inquiétude : il tend à créer deux ratios - l'un dit « sécuritaire », l'autre dit « de qualité » -, tout en prévoyant, au cas où un ratio ne serait pas respecté, que l'agence régionale de santé en soit alertée. En creux, cela signifie qu'un ratio peut ne pas être respecté pendant quelques jours. Une telle rédaction garantit donc une forme de souplesse aux établissements de santé.
Autre point, le Conseil constitutionnel a récemment censuré, comme cavalier social, une disposition interdisant le recours à l'intérim pour les jeunes infirmières dans les trois premières années d'exercice de leur métier. Ce texte ne règle certes pas le problème, madame Guidez, mais je trouvais intéressant d'évoquer cet enjeu dans mon propos liminaire et de rappeler que la mesure déclarée irrecevable par le Conseil allait dans le bon sens.
Enfin, je partage le constat dressé par notre collègue Corinne Imbert, à savoir que les cadres infirmiers passent, hélas, trop de temps à faire des plannings et, surtout, à tenter de « boucher les trous ».