Mes chers collègues, nous sommes réunis afin de poursuivre notre cycle d'auditions consacrées aux menaces que le changement climatique fait peser à la fois sur la gestion et la disponibilité de la ressource en eau dans notre pays. Il s'agit d'un enjeu d'autant plus essentiel qu'une société sans eau n'est pas concevable et que les conditions de vie dans un territoire où l'eau vient à manquer ne peuvent que se dégrader - nous ne le répéterons jamais assez. Cette question vitale mérite que notre commission s'y intéresse au long cours, afin de contribuer au débat public sur la résilience hydrique de nos territoires, en croisant pour cela les approches et les regards, avec l'aide des scientifiques et des experts. Pour y parvenir, nous savons d'ores et déjà que nous devrons faire preuve tout à la fois d'ambition, de créativité et de courage.
Ma longue expérience d'élu de terrain m'incline toutefois à envisager ce sujet avec confiance, car je sais que la force des sociétés démocratiques repose dans leur capacité à résoudre collectivement les défis. Les enjeux hydriques sont devant nous et ils seront ardus à résoudre : ne nous voilons pas la face, il nous faudra retrousser les manches. Le bon sens populaire est visionnaire quand il proclame que « c'est quand le puits est sec que l'eau devient richesse ». Cet été a démontré toute l'actualité de cette sagesse proverbiale : jamais l'expression d'« or bleu » pour qualifier l'eau n'a été plus pertinente.
Je résume rapidement pour nos invités l'état de nos travaux : notre première table ronde a mis en évidence la complexification croissante de l'exercice des compétences eau et assainissement par les communes et leurs groupements. Le constat a également été tiré que la multiplication des instances chargées de la gestion de l'eau nuisait à la cohérence et à la lisibilité des politiques publiques.
La semaine dernière, notre audition sur l'avenir de l'eau, à la suite d'un échange fructueux avec nos collègues de la délégation sénatoriale à la prospective, a dessiné les grandes lignes de l'avenir hydrique de notre pays et tracé des scénarios d'adaptation à cette nouvelle donne, à travers la sobriété, l'investissement dans les réseaux, la conciliation des usages, le pragmatisme et le dialogue pour mobiliser de la ressource, la repolitisation des instances de l'eau, sans oublier la nécessité de moyens financiers accrus, en particulier au bénéfice des agences de l'eau.
Aujourd'hui, place à l'optimisme : parlons solutions ! La France n'est pas sans atout pour préparer dès aujourd'hui son avenir hydrique. Nous pouvons tout d'abord compter sur les scientifiques : ceux-ci simulent à l'aide de modèles et d'observations de terrain les variations probables de la ressource, dans le temps comme à travers l'espace. Les hydrologues élaborent des scénarios sur la disponibilité en eau et donnent des clefs pour évaluer la pertinence des solutions d'adaptation au changement climatique. Je suspends un instant mon propos pour saluer le travail prospectif réalisé par les scientifiques ; sans eux, le politique serait myope.
Au niveau de l'État, la direction de l'eau et de la biodiversité s'est vu confier la noble et grande mission de concevoir, évaluer et mettre en oeuvre les politiques de l'eau. Je connais l'implication de son directeur, que nous avons le plaisir de recevoir à nouveau ce matin, afin de trouver des solutions territorialisées qui tiennent compte des situations propres à chaque bassin et sous-bassin versant. Pour l'assister, il peut s'appuyer sur l'expertise des services du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et la proximité des services déconcentrés.
Enfin, pour relever les défis hydriques, nous pouvons également compter sur les fleurons de l'école française de l'eau, des entreprises ayant acquis depuis plus d'un siècle un savoir-faire incontestable en matière de distribution de l'eau et de traitement des eaux usées, que de nombreux pays nous envient à l'international. Ces entreprises, par leur activité de recherche et développement ainsi que leur volonté d'efficience et de lutte contre le gaspillage, sont des pourvoyeuses de solutions pertinentes pour le petit cycle de l'eau.
Mais je serais ingrat si j'omettais de saluer l'implication constante des élus locaux, au sein de leur commune ou leur EPCI, en assurant au quotidien, avec leurs services techniques, la gestion de l'eau dans leur territoire, au bénéfice de tous les Français.
Afin que notre échange soit le plus transversal possible et que les différentes facettes de la résilience hydrique puissent être abordées, j'ai jugé bon de convier un représentant de chacune des catégories des acteurs chargés d'imaginer et de mettre en oeuvre les solutions d'adaptation à la nouvelle donne aquatique. Nous accueillons ce matin Thierry Caquet, directeur scientifique environnement de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) ; Olivier Thibault, directeur de l'eau et de la biodiversité ; et Tristan Mathieu, directeur des affaires publiques, du développement durable et de la RSE de Veolia eau France. Au nom de la commission, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation.
Avant de passer aux échanges avec mes collègues sénateurs, je propose pour amorcer le dialogue que chaque intervenant présente en cinq minutes ses principaux travaux sur le sujet. M. Caquet nous éclairera sur l'état des recherches scientifiques couvrant les pistes d'économie de la ressource les plus fréquemment évoquées - développement de la réutilisation, sobriété des usages, recharge des nappes, amélioration de la connaissance des espèces végétales cultivées et de leurs besoins en eau - et plus généralement sur les apports de la science que vous entrevoyez pour la résilience hydrique des territoires. M. Thibault abordera les évolutions réglementaires pour éviter et se préparer aux conflits d'usage et les solutions portées par la direction de l'eau et de la biodiversité pour favoriser la résilience hydrique territoriale de notre pays. Peut-être aussi pouvez-vous nous en dire un peu plus, sans trahir de secret, sur les annonces qui seront faites demain par le Gouvernement à l'occasion du Carrefour local des gestions de l'eau ? Enfin, M. Mathieu nous présentera l'action de Veolia eau, en particulier les innovations que la R&D ont permis de déployer au profit des territoires et le progrès technique en matière de gestion du petit cycle de l'eau. Quelles sont, selon vous, les pistes les plus intéressantes à envisager pour favoriser la résilience hydrique en chaque point du territoire ?
Ce cadre étant posé, place aux échanges. Mes collègues sénateurs ne manqueront pas de solliciter l'expertise de chacun, dans le but de verser de l'eau au moulin des bonnes idées !