L'agriculture a appris au fil des siècles à s'adapter aux conditions météorologiques changeantes. C'est la raison pour laquelle beaucoup d'agriculteurs sont convaincus qu'il est toujours possible de surmonter les mauvaises périodes en modifiant les dates des semis, en changeant les variétés, en gérant l'eau différemment... La nouveauté est que la variabilité entre deux années ou au sein d'une même année est en train d'augmenter sous l'effet du changement climatique. Dans beaucoup de régions, la sécurisation par des leviers d'adaptation incrémentale n'est plus suffisante. Ce qui était un accident survenant une année sur dix survient désormais trois années sur dix voire deux années sur trois.
La sélection génétique a permis d'incontestables progrès pour les animaux et les plantes, tout en augmentant les rendements. Je rappelle que les deux tiers de la production mondiale sont assurés par six espèces végétales (blé, riz, maïs...). C'est une base très faible en termes d'espèces, mais qui présente une grande diversité génétique. S'agissant de la France, les variétés, sélectionnées depuis longtemps, résistent plutôt bien face aux phénomènes de sécheresse. On pourrait donc être tenté de penser que la génétique est la clé et il existe en effet des marges de progrès sur ce sujet. Mais il ne s'agit pas du seul levier et la génétique ne résoudra pas tout. Il ne faut pas oublier que les plantes qui résistent le plus à la sécheresse sont celles qui produisent le moins.
S'agissant de l'utilisation d'eau par les touristes et pour les piscines, nous avons le même débat s'agissant de la montagne et de la neige de culture. La question du partage de l'eau se posera de plus en plus. Certes, nous sommes de plus en plus nombreux. Mais il faut aussi s'interroger sur les consommations d'eau par personne. Comme pour les émissions de gaz à effet de serre, tous les pays ne sont pas équivalents en termes d'utilisation d'eau. L'ordre de grandeur est de 120 à 150 litres par jour par personne en France. Nous devons favoriser la réduction de cette consommation et adopter, dans ce domaine aussi, une certaine sobriété.
En ralentissant les cours d'eau et en restaurant des zones humides, on favorise la rétention de l'eau, limite les risques de crue en aval et permet une auto-épuration de l'eau. Il faut sortir de la vision manichéenne entre drainage et non drainage. Pour l'aménagement d'un paysage, il faut combiner développement d'infrastructures agroécologiques (haies par exemple) avec une vision du cycle de l'eau qui garantit son partage. Le but est de sortir de l'alternative entre se débarrasser de l'eau parce qu'elle gêne ou la stocker parce qu'on en a besoin.
S'agissant de la culture des usagers, je citerai l'exemple de collègues de l'université d'Avignon qui ont réalisé une analyse locale sur les perceptions de la population en matière d'eau. On constate une forte opposition entre les urbains et les agriculteurs, les premiers accusant les seconds de consommer trop d'eau. Pourtant, en examinant les chiffres, dans ce cas précis, ce sont bien les urbains et non les agriculteurs qui en consomment le plus. Il y a donc des idées reçues à dissiper. Par ailleurs, la culture de l'eau est plus développée dans le sud que dans le nord de la France.