Intervention de Olivier Thibault

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 25 janvier 2023 à 9h35
Solutions d'adaptation et de résilience hydrique de notre pays — Audition de Mm. Olivier Thibault directeur de l'eau et de la biodiversité au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires thierry caquet directeur scientifique environnement de l'inrae et tristan mathieu directeur des affaires publiques du développement durable et de la rse de veolia eau france

Olivier Thibault, directeur de l'eau et de la biodiversité (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires) :

S'agissant des moyens des agences de l'eau, on peut noter une certaine constance des gouvernements successifs en la matière. Les groupes de travail sur la planification écologique de l'eau démontrent qu'il y a désormais une prise de conscience sur la nécessité de réinvestissements massifs sur le sujet. Après les Assises de l'eau, le Varenne agricole de l'eau, la mise en place des nouveaux SDAGE et la planification écologique de l'eau, nous sommes aujourd'hui mûrs quant aux solutions à mettre en place. Il y a une certaine unanimité sur de nombreux sujets. Il reste à déterminer qui doit investir, comment et selon quelle répartition. Si l'on veut inciter les collectivités territoriales et les autres acteurs à investir, il est certain qu'un renforcement de leur accompagnement est nécessaire. Les agences de l'eau sont de très bons outils d'accompagnement pour l'investissement. Le plafond mordant devient une contrainte pour la bonne mise en oeuvre de la politique de l'eau.

Si la gestion de crises doit être territoriale, nous prévoyons bien un cadre national de gestion structurelle de l'eau ainsi qu'un cadre national de gestion de crises. La gestion structurelle renvoie aux volumes prélevables en périodes de basses eaux ou de hautes eaux. La gestion des crises est encadrée par des arrêtés de bassin-cadre sécheresse départementaux, des comités ressources en eau pour chaque département et un guide sécheresse déployé cette année. Restent des choix politiques sur ce qu'il faut prioriser entre l'arrosage du terrain de football, le remplissage des piscines, l'arrosage des plantes...Vous avez évoqué le lavage des voitures. Pour le citoyen, il paraîtrait évident de suspendre les lavages de voiture quand on manque d'eau. Les laveurs de voitures ne sont cependant pas de cet avis, en arguant du fait qu'ils recyclent l'eau et en insistant sur le risque de pollution avec des voitures non lavées... Les sujets ne sont pas évidents. Nous avons donc besoin de guides nationaux, de visibilité et d'un portage par les territoires.

Je reste persuadé que nous pouvons chacun vivre individuellement aussi bien avec moins d'eau. L'eau n'ayant pas été perçue jusqu'ici comme un sujet d'attention, du fait de la modicité de son prix et de sa quantité qui paraissait indéfinie, nous étions conduits à la gaspiller. Introduire la notion de sobriété n'implique pas de moins bien vivre ou de devoir limiter la population. Au niveau national, nous avons assez d'eau mais pas pour en faire n'importe quoi.

La désalinisation peut être une solution attirante. Il ne faut néanmoins pas oublier qu'elle nécessite de l'énergie (électrique, thermique ou nucléaire). Dans un contexte d'énergies chères, n'oublions pas que la désalinisation est une solution onéreuse. Elle peut atteindre dix euros le mètre cube. L'eau à 4 euros le mètre cube n'est donc pas compatible avec une désalinisation à grande échelle. La désalinisation peut cependant être une solution dans certains cas particuliers, en cas de grande variation de population en bord de mer par exemple.

Plus de 100 réserves de substitution sont autorisées chaque année en France depuis 7 à 8 ans. On ne doit cependant pas faire de grandes réserves pour un mono-usage.

À mon avis, nous ne sommes pas mûrs s'agissant de la possibilité de donner une personnalité juridique aux cours d'eau. Cette disposition impliquerait de pouvoir poursuivre des justiciables à proportion de l'incidence de leurs actes pour un cours d'eau. Or, seuls 40 % de nos cours d'eau sont en bon état et les conflits d'usage entre continuité écologique, hydroélectricité, rejets et prélèvements se multiplient. Dès lors, l'intérêt général conduit plutôt à mettre en place des règles collectives lisibles et comprises par tous, puis de les appliquer. Ce n'est pas nécessairement par des contentieux que nous règlerons ces conflits d'usage.

S'agissant du drainage, il est vrai que nous défaisons aujourd'hui ce que nous promouvions dans les années 1970. La solution ne se réduit pas à l'alternative de drainer partout ou nulle part. Un des enjeux majeurs du changement climatique est la nécessaire recharge de nos nappes en hiver. La sévérité de la sécheresse de l'été se joue dès l'hiver avec la recharge des nappes. L'erreur a été de drainer trop nos terrains afin qu'ils soient plus rapidement utilisables pour l'agriculture, de rectifier les rivières et d'accélérer les cours d'eau. Il faut, au contraire, promouvoir et restaurer les zones humides.

S'agissant du rapport sur la mainmise des acteurs privés sur la ressource en eau, le fait que l'eau soit déléguée ou municipalisée n'est à mon avis pas l'enjeu central, à partir du moment où existe un service qui est contrôlé, avec un prix de l'eau juste. Sur les minéraliers, vous faisiez probablement allusion aux prélèvements du groupe Danone à Volvic. Nous travaillons avec nos collègues de la direction générale de la prévention des risques (DGPR) sur la meilleure répartition dans la durée de la ressource en eau, et notamment sur les aspects de stockage.

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