Intervention de Nicolas Dufourcq

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 février 2023 à 11h30
Audition de M. Nicolas duFourcq candidat proposé par le président de la république aux fonctions de directeur général de la société anonyme bpifrance

Nicolas Dufourcq, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de la société anonyme Bpifrance :

Je suis devant vous aujourd'hui pour vous présenter ma candidature à un troisième mandat comme directeur général de Bpifrance. Certains d'entre vous se souviennent certainement des prémices de la création de cette banque, avec les débats qui se sont tenus en décembre 2012. Aujourd'hui, nous disposons d'un bel outil pour notre pays, bien plus important qu'il ne l'était à sa création et qui est à la manoeuvre sur les nombreuses missions d'intérêt général qui lui ont été confiées.

Bpifrance est une banque régulée - et très bien notée - par la Banque centrale européenne (BCE) qui fait partie de la Fédération bancaire française (FBF). Elle est profitable puisque son résultat net était de 2,2 milliards d'euros en 2021 et devrait être d'environ 1,5 milliard en 2022. Ses métiers sont les suivants : le crédit, évidemment ; la garantie des banques françaises sur leurs crédits aux entreprises françaises les plus risquées, notamment les très petites entreprises (TPE) ; les fonds propres, par des investissements directs et des investissements indirects dans des fonds privés français ; le financement de l'innovation, puisque nous sommes l'opérateur de près de 80 % des flux de France 2030 ; le conseil et l'accompagnement, qui prennent de plus en plus d'importance, les entrepreneurs ayant besoin de capital non seulement financier, mais également humain, pour rompre avec le risque de solitude ; l'accompagnement à la création d'entreprise, une mission qui nous a été progressivement transférée par la Caisse des dépôts et consignations ; le crédit export, avec les prêts sans garantie aux exportateurs, puisque nous sommes les opérateurs de la garantie publique pour le compte de l'État.

Le bilan de Bpifrance est aujourd'hui de 100 milliards d'euros, contre 50 milliards d'euros à sa création. Les volumes de crédits ont crû d'environ 70 % ; le financement de l'innovation a été multiplié par dix, et les investissements en fonds propres par quatre. Les métiers additionnels se sont multipliés par rapport à ce qui était le périmètre initial de la banque, avec un « point GPS » simple et unique : l'entrepreneur. Nous ne finançons pas des projets d'infrastructures ou dans l'immobilier. Notre seul mandat est de multiplier le nombre d'entrepreneurs et de les « potentialiser » - c'est-à-dire de leur permettre d'atteindre leur potentiel économique -, quelle que soit leur taille - du tout petit jusqu'à Stellantis.

Notre portefeuille de fonds propres sous gestion continue d'augmenter : il est de 55 milliards d'euros et atteindra 65 milliards d'euros dans quatre ans. Bpifrance est notamment une très grande banque de l'industrie, domaine qui représente 65 % de ces sommes.

S'agissant des crédits, l'encours est aujourd'hui d'environ 50 milliards d'euros, dont 25 % pour l'industrie, alors que ce secteur ne représente que 10 % du PIB. Nous sommes donc aussi une grande banque de crédit à l'industrie.

En ce qui concerne l'innovation, grâce à France 2030, le montant que nous y consacrons est aujourd'hui de 7 milliards d'euros par an, contre 700 millions il y a dix ans, dont 70 % vont à l'industrie. Le projet des fondateurs de l'époque, qui était de faire de Bpifrance une banque de la réindustrialisation de la France, a été progressivement accompli.

Nous sommes donc centrés sur l'industrie et les territoires. C'est dans nos cinquante agences de terrain que pratiquement tout se passe. L'entrepreneur n'a qu'à se mettre en contact avec la direction régionale de son territoire pour avoir accès à toute la boîte à outils : depuis la garantie export jusqu'aux fonds propres, en passant par le financement de l'innovation, les obligations convertibles, l'accès aux consultants, etc. Nous avons une culture de vélocité et de « centricité client ». Nous livrons toutes sortes de combats pour simplifier les dispositifs, et pour faire comprendre à notre écosystème administratif qu'il faut se mettre à la place du client final, c'est-à-dire l'entrepreneur dans les territoires. La banque est donc multirégionale et ascendante, bottom up.

J'en viens au plan stratégique adopté par le conseil administration de Bpifrance pour les années à venir.

Le premier chapitre est la décarbonation du tissu productif. Dans les quatre prochaines années, grâce à un porte-à-porte massif, 20 000 entrepreneurs seront vus dans tout le territoire par les équipes de Bpifrance - 2 500 l'ont déjà été.

Le deuxième chapitre est la réindustrialisation, qui se fera de trois manières.

D'une part, avec ce que j'appelle les grandes « cathédrales » financées par d'importants tickets publics, via France 2030, et les plans hydrogène, batteries, semi-conducteurs...

Ensuite, avec les PME et les ETI industrielles dont nous finançons l'innovation et dont nous encourageons les ambitions d'augmentation de capacités : extensions d'usines, diversification vers de nouveaux produits, etc.

Enfin, avec les start-up industrielles, dirigées par des entrepreneurs plus jeunes, souvent issus du monde de la recherche et de la Deep Tech, laquelle doit déboucher sur une production, à la différence du digital. Auparavant, il était évident que cette production se ferait à l'étranger, presque toujours en Chine. Aujourd'hui, la nouvelle génération d'entrepreneurs s'interroge sur la possibilité de réimplanter les usines en France. Bpifrance répond à ce mouvement sociétal patriotique, avec des outils de financement en fonds propres - des fonds de capital-risque industriel -, avec des prêts très longs à douze ans - le prêt nouvelle industrie - et avec des outils de conseil.

Notre objectif, ambitieux, est de permettre la création chaque année de 100 usines supplémentaires par rapport au flux naturel.

Le troisième chapitre est la souveraineté, qui passe par l'investissement dans les entreprises jugées nécessaires pour la résilience de notre pays. Cet objectif nous conduit à déployer un important capital, que nous n'avons pas forcément puisque nous ne sommes ni un fonds de pension ni un fonds souverain. Nous levons donc des fonds privés. Sur les 55 milliards d'euros que nous avons sous gestion, 15 milliards le sont pour compte de tiers, pour moitié de l'État, par le programme d'investissements d'avenir, pour moitié du privé, notamment des fonds souverains étrangers, des assureurs, des family offices, des grandes fortunes ou des entreprises françaises. Nous avons ainsi investi cette semaine dans Alstom grâce au fonds LAC, doté de 5,2 milliards d'euros, dans lequel Bpifrance n'a mis que 1 milliard d'euros. Ce fonds permet d'assurer l'ancrage français d'Alstom.

Le quatrième chapitre est France 2030, avec 54 milliards d'euros, dont 17 milliards attribués en direct à Bpifrance, auxquels s'ajoutent les volumes très importants qui financent les « cathédrales » que j'ai évoquées et qui sont aussi gérés par Bpifrance.

Un autre chapitre concerne l'export. Notre boîte à outils comprend la garantie de crédits, les prêts aux exportateurs, le crédit export, etc. Mais tant que l'on n'aura pas réindustrialisé la France, on ne voit pas très bien ce que l'on pourrait exporter. Nous sommes dans un moment difficile, une sorte de « vallée de la mort » : nous n'avons pas encore réindustrialisé notre pays, mais nous achetons énormément de machines à l'étranger pour équiper nos usines... Pour cette mission d'intérêt général de soutien à l'export, il faudrait prévoir des moyens publics plus importants.

Dernier chapitre, le développement de la culture entrepreneuriale en France. Nous finançons 300 associations d'accompagnement à la création d'entreprise. Vous connaissez ces réseaux : Initiative France, France Active, l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie), les boutiques de gestion et toutes les associations affiliées. Nous avons un objectif, celui de doubler le nombre d'entrepreneurs en France. Notre pays est prêt ; nous identifions les signaux faibles de nombre de nos concitoyens, issus de toutes les composantes de la société, qui aimeraient se mettre à leur compte, ne serait-ce que pendant quelques années. Pour atteindre notre objectif, nous avons fait signer en mai dernier à tous les réseaux associatifs français une charte dite « Cap Créa ».

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