Intervention de Nicolas Dufourcq

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 février 2023 à 11h30
Audition de M. Nicolas duFourcq candidat proposé par le président de la république aux fonctions de directeur général de la société anonyme bpifrance

Nicolas Dufourcq, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de la société anonyme Bpifrance :

Monsieur le rapporteur général, la sinistralité des PGE, que nous avions estimée entre 3 % et 8 %, s'établit aujourd'hui à 5 %. Elle monte, mais très lentement, et reste faible : l'économie française tient incontestablement. Nous attendons une montée du risque, mais rien n'indique que la sinistralité dépassera 8 %. En l'état, Bercy a donc budgété le coût des PGE de manière tout à fait pertinente.

Par définition, l'industrie, c'est de la navigation par gros temps : la météo de la réindustrialisation sera difficile, pour nous comme pour tout le monde. Nous devons garder un mental d'acier et conserver la meilleure boîte à outils. Quant à notre administration, elle doit être aussi proche que possible des préoccupations des entrepreneurs.

La réindustrialisation doit faire l'objet d'une forme de contrat social, sinon, nous n'y arriverons pas. À mon sens, le consensus national autour du « produire en France » s'est reformé - c'est même l'un des rares consensus qui unifient la société française - et les conditions semblent réunies ; mais il va falloir entretenir la flamme.

Ai-je toujours l'énergie nécessaire ? Cette question est totalement légitime et je me la suis posée moi-même. Pour moi, rien n'est plus beau que le mandat qui m'est confié, d'autant que nous sommes en pleine bataille. C'est précisément pourquoi je demande à continuer.

Monsieur Canévet, comment mobiliser plus d'épargne ? À l'évidence, le volume de crédit est là : il n'y a pas de credit crunch en France aujourd'hui. Bpifrance et les banques privées travaillent ensemble - nous intervenons toujours dans le cadre de cofinancements. Il est vrai que les banques privées viennent souvent nous chercher pour parachever les pools ; elles prennent des collatéraux, et, pour notre part, nous consentons des PGE.

Le système bancaire français continue de fonctionner ; le resserrement du crédit reste extrêmement léger et je ne pense pas que les PME des territoires manquent aujourd'hui de fonds propres, car les différents fonds régionaux sont désormais bien financés. Dans les secteurs matures, une entreprise normale présentant de bons résultats ne peut pas dire qu'elle manque de fonds propres. Mais, dans la Tech comme dans les start-up industrielles, on va en manquer, d'autant que les capitaux nécessaires sont considérables. C'est mon inquiétude du moment. Les fonds d'investissement privés ne sont pas encore totalement prêts à déployer de telles sommes.

La fusion entre Business France et Bpifrance a été évoquée lors de la campagne présidentielle de 2017. J'avais alors signalé que je n'y étais pas favorable. Les deux institutions ont deux cultures très différentes ; par ailleurs, qui trop embrasse mal étreint. Nous travaillons très bien ensemble et nous allons continuer avec Laurent Saint-Martin, qui est d'ailleurs un ancien de Bpifrance. Depuis dix ans, Business France délègue dans nos directions régionales, à plein temps, quarante-cinq personnes qui sont nos chargés d'affaires internationaux. Ce n'est pas en changeant l'organisation que l'on réglera le problème du commerce extérieur français. La question est d'abord d'ordre culturel, et nous devons faire face à la désindustrialisation.

Madame Vermeillet, nos actionnaires reçoivent 30 % de dividendes, auxquels s'ajoutent des dividendes exceptionnels. Les dividendes versés à l'État sont recyclés dans les fonds de garantie de Bpifrance pour financer la garantie des petits crédits des banques françaises et les PGE, au travers de notre établissement public à caractère industriel et commercial (Epic). Les dividendes remontant à la Caisse des dépôts sont eux aussi mobilisés, dans une moindre mesure. En effet, la Caisse des dépôts et consignations nous aide à financer nos programmes entrepreneuriaux dans les territoires et a investi dans nos fonds « tourisme ». Elle a également donné un certain nombre de moyens à Bpifrance lors de la crise covid. Ce système fonctionne.

Sur nos 1,5 milliard d'euros de bénéfices de 2022, 500 millions d'euros viennent de STMicroelectronics, que nous consolidons par équivalence, puisque nous en sommes actionnaires stratégiques à hauteur de 14 %. En outre, 800 millions d'euros viennent de notre activité d'investissement : c'est la preuve que, par les fonds propres, nous pouvons exercer nos différentes missions de manière tout à fait profitable.

Depuis que Bpifrance existe, son taux de création de valeur moyen est de 7 % par an, alors que les grands fonds privés sont autour de 15 % : nous ne sommes donc pas aux TRI moyens, mais un taux de 7 % est tout sauf négligeable. Il nous permet de constituer des fonds propres, de grandir et d'accroître notre solidité.

Monsieur Arnaud, j'ai commencé ma carrière comme sous-préfet de Briançon : c'est dire si j'aime les Hautes-Alpes. Je crois me souvenir qu'il y a essentiellement des TPE dans ce département. Or l'action de Bpifrance se concentre sur les PME. Les TPE relèvent des banques privées ; cela étant, les prêts de ces dernières sont garantis par nous : vous ne le voyez pas, mais les crédits accordés à ce titre sont automatiquement garantis par nos soins. Au total, cette garantie couvre 10 milliards d'euros de crédits par an. Elle est financée par une ancienne ligne au sein du programme 134 du budget de l'État - il faudra d'ailleurs trouver une solution pour la remplacer -, héritière de la Sofaris, créée par Jacques Delors en 1982.

Monsieur Bilhac, j'avais le sentiment que la France avait fait d'énormes progrès pour faciliter la création d'entreprise. Cela étant - je suis d'accord avec vous -, on vous fait plus confiance lorsque vous fondez une start-up de la Tech que lorsque vous créez une entreprise classique : vous bénéficiez alors des 30 000 euros de la bourse French Tech. C'est un vrai sujet. Restent les prêts d'honneur : nous en proposerons 40 000 en 2023. Ces prêts à taux zéro financés par Bpifrance sont la solution pour les créateurs d'entreprise ne relevant pas de la Tech. Il faut le faire savoir très largement.

Monsieur Cozic, pour le financement de la garantie, la programmation à moyen terme (PMT) ne prévoit rien à partir de 2024 : nous devons trouver une solution d'ici à l'automne prochain. Il nous faut 300 millions d'euros en 2024 et 400 millions d'euros par an à partir de 2025.

Mon comité exécutif a effectivement connu quatre départs non coordonnés à peu près au même moment. Une personne, présente depuis dix-sept ans, est devenue entrepreneur ; une autre, en poste depuis quatorze ans, en a fait autant : c'est formidable. Mon directeur de la communication, présent depuis neuf ans, a changé de fonctions, comme la directrice des ressources humaines, présente depuis douze ans. Ces quatre personnes ont été remplacées, dont trois par le biais de la promotion interne : c'est la vie d'une entreprise.

Mme Paoli-Gagin m'a interrogé au sujet du FNVI, qui est en train de voir le jour : le règlement est signé et nous allons pouvoir commencer à le déployer. Je précise qu'il n'y a pas de carried interest au sein de Bpifrance. Nous menons notre action grâce à la ferveur et à l'esprit d'aventure qui animent nos équipes. Nous avons d'ailleurs eu le plaisir d'être classés huitième au top 25 des entreprises préférées des salariés français.

Quant à la remarque sur le temps, elle est tout à fait judicieuse. Notre institution livre d'ailleurs un combat permanent contre la prolifération des documents administratifs. Il faut se mettre à la place des entrepreneurs : c'est bel et bien notre défaut national.

Monsieur Bocquet, vous avez tout à fait raison de citer cet entretien donné en juillet 2022, lors de la publication de mon livre. Après hésitation, j'ai accepté qu'il soit publié, car il est bon que l'on sache ce que je pense et quelle est l'origine de ma réflexion.

Tout vient de l'époque, très formatrice, où j'ai travaillé auprès de Pierre Bérégovoy et de René Teulade, ministre des affaires sociales et de l'intégration, dont j'étais directeur adjoint de cabinet. En cette qualité, j'étais responsable du financement de la sécurité sociale et j'ai élaboré le grand plan de l'automne 1992. C'était le moment le plus dur jamais vécu par la sécurité sociale depuis 1945, à cause de la guerre du Golfe : le déficit se creusait de plusieurs milliards de francs chaque mois et, en ce temps-là, tout le monde était terrifié par un déficit de la sécurité sociale. Pierre Bérégovoy et René Teulade ne pensaient qu'à cela ; le retour à l'équilibre relevait de l'évidence. Je regrette que cette époque soit révolue pour tout le monde, en particulier pour les Français ; que l'on ait perdu cette sagesse, gage de respect envers l'État providence. C'est précisément ce que pensent les entrepreneurs.

Monsieur Capo-Canellas, notre risque avéré représente 142 millions d'euros au titre des crédits de 2022. Pour 2023, nous avons budgété 250 millions d'euros, soit quelques 100 millions d'euros supplémentaires. En tenant compte du hors bilan, nous gérons en tout et pour tout 300 milliards d'euros : le risque avéré budgété reste donc très faible, ce qui souligne la solidité de l'économie française aujourd'hui.

Monsieur Joly, l'état d'esprit a effectivement changé, car le consensus national revient en faveur du produire en France.

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