Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 31 janvier 2023 à 14h30
Jeux olympiques et paralympiques de 2024 — Vote sur l'ensemble

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, nous avons exprimé de fortes réserves sur un texte qui a davantage pour objet la sécurité que le sport.

Face à des enjeux réels de sécurité, mais aussi de rayonnement international, vous avez subrepticement introduit un florilège de dispositions attentatoires aux libertés et aux droits fondamentaux.

Le problème est bien que ces dispositions sont vouées à être pérennisées. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a tiré la sonnette d’alarme ; pourtant, le Gouvernement a décidé de rester sourd. Nous rappelons que l’exception doit demeurer temporaire ; nous regrettons qu’elle soit, au travers de ce projet de loi, banalisée, entrant finalement dans le droit commun.

Nous refusons d’adhérer à la vision que vous nous proposez des JOP. Sous prétexte de sécuriser l’événement, ce texte ouvre une boîte de Pandore, en portant atteinte aux droits les plus fondamentaux. Avec les nouvelles technologies que vous proposez d’utiliser, l’heure est au détricotage du règlement général sur la protection des données (RGPD) ; nous passons un cap !

Nous sommes devant un laboratoire juridique et sécuritaire que nous rejetons fermement. La question « jusqu’où pouvons-nous aller dans l’atteinte aux libertés individuelles ? » semble être le moteur des expérimentations que vous nous proposez. Les droits fondamentaux sont niés par la vidéosurveillance algorithmique. Nos fortes réserves n’ont pas été prises en considération.

Cela est bien regrettable. La France était jusqu’ici à la pointe dans les domaines couverts par le RGPD. Les droits fondamentaux ne doivent pas s’effacer au profit d’expérimentations sécuritaires.

N’oublions pas que l’utilisation de l’intelligence artificielle est pour l’heure dépourvue de cadre légal, même si un règlement européen est en cours d’élaboration.

N’oublions pas non plus que l’expérimentation ne nous garantit aucun résultat. Comme son nom l’indique, elle revient à tester, à faire des essais, sans connaître l’efficacité du dispositif.

Le droit au respect de la vie privée est ici balayé d’un simple revers de la main. Je suis au regret de vous dire qu’on ne balaie pas ainsi les droits fondamentaux ! En procédant de la sorte, vous entachez la popularité des jeux Olympiques de 2024, cette magnifique compétition porteuse de valeurs universelles.

C’est pourquoi nous nous sommes opposés à votre durcissement sécuritaire tous azimuts, y compris dans le cadre des manifestations sportives. Nous vous avons proposé de mieux proportionner certaines mesures, comme le pointage ; nous vous avons aussi montré méthodiquement comment le tout répressif, notamment en matière d’engins pyrotechniques, en plus d’être inopérant va finalement à l’encontre du but poursuivi, à savoir la sécurité des supporters.

Pour nous, le sport et ses manifestations constituent des moments festifs et de joie spontanée, une communion populaire à l’état pur.

Or votre penchant sécuritaire dans l’encadrement des manifestations sportives, directement inspiré de la gestion des coupes du monde en Russie ou au Qatar, ne fera que saper un élan populaire spontané pour un événement sportif majeur.

De plus, comme nous l’avions dénoncé dans notre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, le recours aux agents de sécurité privée pour encadrer ces JO ne sera pas à la hauteur des enjeux. La sécurité privée ne doit pas être confondue avec la sécurité étatique, au risque de se solder par un cuisant échec tel que celui essuyé par les JO de Londres en 2012. Une telle délégation n’honorera ni l’événement ni les professions de la sécurité publique.

Par ailleurs, ce texte aurait dû traduire un engagement du Gouvernement pour une politique volontariste en faveur du sport. La question de l’héritage économique et social des Jeux fut, au mieux, survolée durant les débats, pour ne pas dire totalement évacuée.

Et pourtant, quel meilleur moment que les Jeux pour casser les barrières sociales et territoriales, ainsi que celles liées aux handicaps !

Le sport, madame la ministre, tant au niveau professionnel qu’amateur, représente un enjeu culturel. Si les Jeux mettent à l’honneur nos athlètes de haut niveau et à travers eux nos fédérations sportives, ne pas réfléchir à l’après en matière d’accessibilité de la pratique sportive pour tous et toutes est du gâchis.

Enfin, au sujet de l’accueil des Jeux, notre groupe a soulevé la question de l’anticipation des besoins en matière d’accès aux soins hospitaliers du fait de la présence de milliers de supporters du monde entier.

L’État doit anticiper l’afflux de patients que nous connaîtrons dans les hôpitaux de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, dont 15 % des lits sont actuellement fermés par manque de personnel paramédical. Les besoins supplémentaires en lits d’hôpitaux et en personnel doivent immédiatement donner lieu à des mesures, notamment des recrutements, pour garantir un niveau d’accès aux soins satisfaisant pour les patients franciliens.

Si ces besoins ne sont pas suffisamment anticipés, l’agence régionale de santé devra déclencher le plan blanc pour mobiliser l’ensemble des personnels hospitaliers. Cela entraînera de facto la suspension de leurs congés, comme cela est d’ailleurs prévu pour les forces de l’ordre.

N’oublions pas que l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques va également avoir de fortes répercussions sur la vie des fonctionnaires, mais également sur celle des salariés, auxquels il sera demandé de travailler les dimanches autour des sites de compétition.

Pourtant, l’évaluation de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, ayant déréglementé le travail le dimanche dans les zones commerciales, les zones touristiques, les zones touristiques internationales et les gares, a démontré que l’ouverture du travail le dimanche n’a entraîné aucune hausse de l’emploi ou de l’activité. La remise en cause du repos dominical des salariés est un geste d’antijeu pour les droits sociaux !

Pour conclure, le groupe CRCE considère que ce projet de loi, libéral et sécuritaire, ne respecte pas le juste équilibre entre sécurité et protection des libertés et droits fondamentaux. Il n’honore pas les jeux Olympiques et leur esprit de fraternité en ce qu’il contient de graves atteintes aux libertés publiques.

Ainsi, vous ne serez pas surprise, madame la ministre : le groupe CRCE votera contre ce projet de loi.

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