Intervention de Brigitte Girardin

Réunion du 21 février 2007 à 15h00
Commission nationale consultative des droits de l'homme — Adoption définitive d'un projet de loi

Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le second conflit mondial a été le théâtre de barbaries sans précédent.

A sa suite, les États, réunis au sein de la nouvelle Organisation des Nations unies, ont voulu proclamer leur idéal de paix. Ils ont adopté, à cet effet, la Charte dans laquelle les Nations unies réaffirment « les droits fondamentaux de l'homme, la dignité et la valeur de la personne humaine ».

Pour faire vivre cet idéal, la France a alors pris plusieurs initiatives.

En premier lieu, dès 1947, René Cassin, juriste du général de Gaulle à Londres, Compagnon de la Libération, a mis à l'étude un projet de déclaration universelle des droits de l'homme. Celle-ci fut finalement adoptée le 10 décembre 1948 par l'Assemblée générale des Nations unies réunie au Palais de Chaillot, à Paris.

Dans le même temps, la France a créé, par un arrêté du ministre des affaires étrangères du 27 mars 1947, « la Commission consultative pour la codification du droit international et la définition des droits et devoirs des États et des droits de l'homme ». Cette commission fut placée sous la présidence de René Cassin. Elle fut vite appelée « Commission consultative des droits de l'homme ».

Cette commission et son président s'engagèrent alors pour que soit créée, au sein des Nations unies, une Commission des droits de l'homme. Tel fut le cas et la commission française en devint immédiatement l'un des premiers relais nationaux.

René Cassin, devenu vice-président du Conseil d'État et prix Nobel de la paix, continua à animer, jusqu'à sa mort en 1976, la Commission consultative des droits de l'homme.

En 1984, elle fut réorganisée afin d'assister le ministère des relations extérieures quant à l'action de la France en faveur des droits de l'homme dans le monde, et particulièrement au sein des organisations internationales.

Un décret du 30 janvier 1984 se substitua aux anciens arrêtés et fixa les compétences ainsi que l'organisation de la commission. Ses compétences au plan national furent étendues en 1986. Enfin, depuis 1989, elle est directement rattachée au Premier ministre.

La Commission nationale consultative des droits de l'homme, ou CNCDH, est aujourd'hui une institution unique dans notre République. C'est un lieu privilégié d'échanges entre des hommes et des femmes d'expériences diverses. Tous ont, comme le souligne le président de la Commission, Joël Thoraval, « l'ambition de faire partager un idéal universel, où chaque citoyen du monde a sa place ». La Commission peut éclairer le droit par les exigences du terrain.

Il est aujourd'hui proposé de consacrer par la loi cette institution et son rôle. Cette place législative fait suite à une évolution du système institutionnel des Nations unies dans son volet consacré à la protection des droits de l'homme, le Conseil des droits de l'homme s'étant en effet substitué à l'ancienne Commission des droits de l'homme.

Dans le même temps, cette organisation internationale souhaite réévaluer les institutions nationales de protection des droits de l'homme, en vue de leur délivrer une accréditation attestant de leur qualité et leur permettant, notamment, de participer aux travaux que conduira le nouveau Conseil des droits de l'homme.

Ce réexamen se fera au regard des principes dits de Paris, affirmés dans la résolution 48/134 adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies, le 20 décembre 1993.

Aux termes desdits principes, l'existence des instances nationales de protection des droits de l'homme et les principales garanties dont elles jouissent doivent être consacrées par un texte de valeur constitutionnelle ou, à tout le moins, de valeur législative.

Le présent projet de loi vise à répondre à ces attentes et à permettre ainsi à la Commission nationale consultative des droits de l'homme de bénéficier, à l'issue du réexamen de sa situation, de l'accréditation déjà évoquée. Pour ce faire, il consacre les garanties de fonctionnement de la Commission, afin d'assurer sa totale indépendance.

La définition de ses missions, l'instauration des principes qui régissent sa composition, ainsi que les garanties essentielles dont bénéficient ses membres dans l'accomplissement de leur tâche s'inspirent de l'économie du décret du 30 janvier 1984.

Le rôle de conseil et de proposition de la Commission est solennellement réaffirmé. À la suite d'un amendement voté à l'Assemblée nationale, il est précisé que ce rôle s'exerce dans le domaine des droits de l'homme, du droit international humanitaire et de l'action humanitaire.

Il est ajouté que le champ de compétences de la Commission s'étend désormais au plan tant national qu'international.

Enfin, il est nouvellement affirmé que la Commission peut se saisir elle-même d'une question ressortissant de ses compétences.

S'agissant de la composition de la Commission, le projet de loi énumère les principales catégories de membres qui assurent sa complète indépendance. Outre un député et un sénateur, il s'agit de représentants des organisations non gouvernementales, d'experts siégeant dans les organisations internationales, de personnalités qualifiées ainsi que de représentants des principales confédérations syndicales.

Pour respecter l'indépendance de la Commission, le projet de loi dispose que les représentants du Premier ministre, ou des ministres intéressés, lorsqu'ils participent aux travaux de la Commission, n'y disposent pas d'une voix délibérative.

Par ailleurs, la loi sera mise en oeuvre grâce à un décret en Conseil d'État. Cette procédure constitue une garantie supplémentaire par rapport à l'actuel décret du 30 janvier 1984, dont le Conseil d'État n'avait pas eu à connaître. Ce nouveau décret précisera la composition et définira les conditions d'organisation et de fonctionnement de la Commission.

Enfin, le projet de loi règle la question des effets de l'entrée en vigueur des dispositions législatives nouvelles sur les mandats des membres en cours. Cette entrée en vigueur n'affectera pas ces mandats, qui se poursuivront jusqu'à leur terme, selon les dispositions réglementaires applicables au moment de la désignation des intéressés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de loi répond aux engagements de la France auprès des Nations unies. Il nous permettra de conserver le rôle moteur qui nous est incontestablement reconnu en matière de défense et de protection des droits de l'homme.

Plus de deux siècles après la Déclaration des droits de l'homme de 1789, près de soixante ans après la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, la France est ainsi fidèle à son idéal et à ses valeurs.

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