Intervention de Cyril Pellevat

Réunion du 31 janvier 2023 à 14h30
Plui de la communauté de communes du bas-chablais — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Cyril PellevatCyril Pellevat :

Il ne peut donc pas nous être reproché de privilégier la route au détriment du train. À cet égard, je tiens à souligner la pleine mobilisation des élus du Chablais en faveur de l’intermodalité.

Le report modal est évidemment un objectif louable et nécessaire qu’il faut encourager. Toutefois, il convient de ne pas tomber dans la caricature : ce report ne doit pas conduire à empêcher des projets routiers absolument nécessaires. Restons réalistes : certains automobilistes n’ont tout simplement pas la possibilité de prendre les transports en commun, si ceux-ci ne sont pas accessibles ou si leurs horaires ne correspondent pas aux besoins.

Par ailleurs, la liaison Machilly-Thonon est exemplaire d’un point de vue environnemental. Son impact sur la consommation de terrains sera compensé et il est prévu d’intégrer des innovations permettant de réduire les émissions de CO2, telles que le développement de mobilités en flux libre, de mobilités électriques ou du covoiturage.

Ce projet d’autoroute est nécessaire et même urgent, car le Chablais n’est relié que par des routes départementales. Le réseau routier n’est donc pas à la hauteur des enjeux. Il en résulte un enclavement très important du territoire, qui entraîne le passage d’un nombre excessif de voitures et de poids lourds dans les centres-villes, bourgs et hameaux, ce qui conduit à des embouteillages très importants.

Ces passages et engorgements incessants posent de graves problèmes de sécurité et de tranquillité publiques et engendrent une forte pollution. Rendez-vous compte ! Certaines communes du Chablais comptant de 4 000 à 5 000 habitants voient chaque jour passer jusqu’à 22 000 véhicules à proximité des écoles, des commerces et des habitations. Quelques-unes, à l’image de Brenthonne, sont tout bonnement coupées en deux par la départementale, tandis que dans d’autres on s’inquiète du risque d’accident à leurs passages à niveau.

En heure de pointe, un trajet qui devrait durer 40 minutes en prend le double, soit près d’une heure et demie, et consomme bien plus de carburant que dans le cadre d’une circulation fluide.

Dans ce contexte, l’État, les collectivités, mais aussi et surtout les habitants du Chablais, qui soutiennent massivement le projet d’autoroute, ont de longue date souhaité remédier à la situation. C’est ce qui a conduit, dès la fin des années 1980, à étudier la création du tronçon autoroutier qui nous occupe, dans le but de désenclaver le territoire.

Le projet a cependant été perturbé à maintes reprises et ce n’est qu’à partir de 2015 qu’a pu avoir lieu un développement significatif avec la publication du projet.

Chacune des étapes de procédure prescrites par la loi a par la suite été remplie avec diligence, qu’il s’agisse des consultations et enquêtes publiques ou des études environnementales, et ce jusqu’à la déclaration d’utilité publique intervenue fin 2019, mettant en compatibilité les plans locaux d’urbanisme (PLU) des communes concernées par le tracé.

Pourquoi, dès lors, suis-je aujourd’hui devant vous, avec ma collègue Sylviane Noël, pour vous demander d’adopter cette proposition de loi visant à sauver ce projet structurant pour notre département, alors même que l’ensemble des prescriptions ont été suivies à la lettre ?

Concomitamment à la procédure de déclaration d’utilité publique, la communauté de communes du Bas-Chablais a prescrit en 2015 l’élaboration d’un premier PLU intercommunal. Le contenu de ce PLUi a été arrêté définitivement en juillet 2019, soit avant l’intervention de la déclaration d’intérêt public (DUP) qui a eu lieu le 24 décembre de la même année.

De ce fait, même si la future autoroute est prise en compte dans d’autres composantes du PLUi, telles que la stratégie de mobilité et les enjeux environnementaux, les zonages retenus ne font pas apparaître l’emplacement réservé au projet et le règlement ne comporte pas les règles écrites nécessaires à la réalisation des travaux, puisqu’il n’était pas possible d’inclure un projet non encore définitivement arrêté par le biais d’une DUP.

Il en résulte que, malgré le fait que la déclaration d’utilité publique visait justement à mettre en conformité les documents d’urbanisme, l’adoption du PLUi après la publication de la DUP a entraîné une primauté du PLUi, empêchant la réalisation du projet d’autoroute, faute d’y avoir fait figurer les éléments requis.

Il était impossible pour l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de corriger le tir une fois la DUP publiée, car le droit de l’urbanisme n’autorise aucune modification du projet de document une fois celui-ci arrêté. Il n’y avait donc pas de moyen d’inclure le projet sans que la communauté de communes commette un vice de forme entachant la procédure d’illégalité.

En l’état, le projet autoroutier est donc irréalisable, alors même que toutes les études et procédures nécessaires ont été mises en œuvre, que les collectivités concernées y sont toutes favorables et ont d’ores et déjà investi pour sa réalisation, que l’ensemble des autres documents d’urbanisme, tels que le schéma de cohérence territoriale (Scot) et le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), prennent en compte le projet et ont mis en œuvre les coûteuses études nécessaires, que tous les documents sont purgés de recours et que 90 % des habitants du territoire sont en faveur de la création de cette autoroute.

Cette situation résulte d’un véritable casse-tête juridique, combiné à un concours de circonstances, et il est tout bonnement impossible de trouver une solution autre que législative sans mettre en danger l’intégralité du projet.

En effet, un nouveau décret portant déclaration d’utilité publique serait considéré comme un détournement de procédure. Une révision du PLUi ou l’adoption du nouveau PLUi de la communauté d’agglomération prendrait environ trois ans. Or une telle échéance n’est pas compatible avec les délais requis pour l’appel d’offres et entraînerait une remise en cause du projet dans sa totalité.

C’est pourquoi la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise tout simplement à appliquer la mise en compatibilité prévue par le décret au PLUi du Bas-Chablais. Elle s’inspire du mécanisme de validation législative, mais elle n’a pas d’effet rétroactif, ce qui la rend bien moins susceptible de porter atteinte à la sécurité juridique. Elle respecte par ailleurs en tout point la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de validation législative, comme je vous le démontrerai par la suite.

Auparavant, je souhaite ouvrir une parenthèse. La problématique rencontrée par les élus du Chablais doit nous conduire plus largement à nous interroger sur la complexité du droit de l’urbanisme et les obligations contradictoires que celui-ci fait peser sur les collectivités. Car si des lois telles que celle que nous étudions aujourd’hui peuvent être admises exceptionnellement, je suis bien évidemment conscient qu’elles ne doivent pas se multiplier. Or c’est ce qui nous attend si nous ne faisons pas en sorte de réduire l’amas de textes législatifs et réglementaires ayant trait à l’urbanisme.

Je referme la parenthèse et reviens sur les raisons pour lesquelles notre proposition de loi respecte la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui prévoit plusieurs critères cumulatifs : la loi doit poursuivre un objectif d’intérêt général ; elle ne doit pas méconnaître de principe à valeur constitutionnelle à moins que l’objectif d’intérêt général soit lui-même de valeur constitutionnelle ; elle doit respecter les décisions de justice ; enfin, la portée de la validation doit être strictement définie.

Premièrement, ce texte répond à des objectifs d’intérêt général, d’abord de préservation de l’ordre public, lequel est lui-même un objectif de valeur constitutionnelle. En effet, la réalisation de l’autoroute permettra de remédier à un problème de sécurité et de tranquillité publiques.

L’objectif d’intérêt général est aussi économique, puisque l’adoption de cette proposition de loi évitera aux collectivités et à l’État d’engager de coûteuses études, qui ont déjà été faites. En outre, un retard dans la réalisation du projet entraînera une forte hausse des coûts.

Enfin, l’objectif est également environnemental et de santé publique, puisque cette liaison permettra de réduire la pollution due aux bouchons et au passage incessant des véhicules. Il n’est en effet pas prévu d’augmentation du trafic, seulement un report hors des centres-villes.

De même, le droit au recours est respecté, puisque tous les recours ont été purgés.

Quant à la portée du texte, elle est strictement définie : la proposition de loi effectue de manière très précise la mise en compatibilité du PLUi sans laisser aucune porte ouverte.

Enfin, aucun objectif de valeur constitutionnel n’est méconnu. D’aucuns argueront que c’est le cas de l’objectif de protection de l’environnement ; or le projet d’autoroute vise au contraire à atteindre cet objectif et la consommation d’espace sera compensée.

Je pense sincèrement que, sur le long terme, il sera plus bénéfique pour l’environnement de réaliser ce projet que de laisser les choses en l’état et je vous prie, mes chers collègues, de ne pas vous y opposer par principe au seul motif qu’il s’agit d’une autoroute.

Je ferai une dernière remarque : mis à part une poignée de locaux – c’est le jeu : on ne peut pas mettre tout le monde absolument d’accord –, je ne vois que des personnes étrangères au Chablais se positionner contre le projet.

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