Intervention de Daniel Salmon

Réunion du 31 janvier 2023 à 14h30
Plui de la communauté de communes du bas-chablais — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Daniel SalmonDaniel Salmon :

Pardonnez-moi, en Haute-Savoie. Voyez comme je suis déconcerté…

Comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, je suis également élu local ; les règles d’urbanisme auxquelles sont soumises les collectivités territoriales sont les mêmes sur l’ensemble du territoire.

Nous avons toutes et tous déjà été confrontés à la révision ou à la mise en conformité d’un PLU visant à permettre la réalisation d’un projet, quel qu’il soit.

Certes, ces règles sont parfois complexes, fastidieuses, longues et coûteuses, mais elles sont la garantie d’un aménagement du territoire respectueux des principes du développement durable, d’une gestion économe de l’espace et des besoins du développement local, tenant compte des politiques nationales et territoriales d’aménagement autant que des spécificités de chaque territoire.

J’ajoute que ces règles sont aussi la garantie, via les enquêtes publiques, qu’une information éclairée est bien fournie aux citoyens quant aux projets d’aménagement d’un territoire – cela n’est pas négligeable.

Il est d’autant plus difficile de se forger un avis sur ce qui a conduit à la présentation de cette proposition de loi que, d’un côté, les auteurs du texte plaident pour une négligence des élus et que, de l’autre, j’ai été destinataire de plusieurs contre-argumentaires selon lesquels les collectivités concernées étaient pleinement informées des risques encourus.

En m’y penchant de plus près, j’ai découvert un véritable serpent de mer, revenant régulièrement dans l’actualité : ce projet de liaison autoroutière entre Machilly et Thonon-les-Bains fait l’objet d’un combat acharné entre ses opposants et ses partisans depuis plus de trente ans.

Je vais m’attacher à m’interroger sur la forme et sur la procédure. Si l’on nous demande aujourd’hui de faire prévaloir la DUP de ce projet autoroutier sur le PLUi, c’est uniquement parce que le nouveau PLUi créé pour le Bas-Chablais ne mentionne pas ce projet d’autoroute, malgré les demandes formulées par l’autorité environnementale et par la sous-préfecture, demandes dont la satisfaction aurait nécessité la réalisation d’une évaluation environnementale, donc un allongement des délais.

La loi est ainsi faite. On peut se demander pourquoi tout cela n’a pas été pris en compte.

Si nous sommes amenés à étudier cette proposition de loi, c’est donc pour réparer ce qui serait, selon les auteurs du texte, un oubli involontaire de la part des élus locaux…

Vous m’excuserez par avance, mes chers collègues, de penser que le Sénat n’est pas le lieu propice pour s’émanciper des garanties spécifiques prévues par nos règles d’urbanisme, alors même que la présente situation aurait pu être évitée maintes fois, dès 2020 par une intégration du projet d’autoroute au PLUi ou en 2021 lors de sa modification simplifiée.

Si ce texte est nécessaire, indiquent de surcroît ses auteurs, c’est parce que ce projet d’autoroute serait lui-même nécessaire, faute d’alternative. À cet égard, je souhaite vous rappeler l’avis émis dans son dernier rapport par le Conseil d’orientation des infrastructures, qu’évoquait M. le ministre : « ce projet local n’a pas de caractère prioritaire pour le système de transport national » et la desserte du Chablais pourrait être améliorée, en renforçant notamment le service ferroviaire du Léman Express, réseau qui a prouvé son efficacité en transportant plus de 50 000 voyageurs par jour.

Je conclurai mon propos, en soulignant le risque constitutionnel qui pèse sur le présent texte. En effet, la seule justification avancée pour une telle loi de validation est le retard pris dans la conclusion du contrat de concession, donc dans la réalisation du projet. Or la jurisprudence du Conseil constitutionnel est claire : un tel retard ne constitue pas un motif d’intérêt général.

En adoptant ce texte, nous créerions un fâcheux précédent, qui n’honorerait pas le Sénat ni ne rendrait justice à sa conception de ce que sont la loi et l’intérêt général.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera contre ce texte qui lui semble fort incongru.

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