Intervention de Sylviane Noël

Réunion du 31 janvier 2023 à 14h30
Plui de la communauté de communes du bas-chablais — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Sylviane NoëlSylviane Noël :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le plaisir et l’honneur me reviennent de quasiment clôturer cette discussion générale relative à la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui et dont je suis coauteure avec Cyril Pellevat.

Je tiens tout d’abord à remercier vivement notre rapporteure Martine Berthet pour la qualité de son travail, le sérieux et la rigueur avec lesquels elle a abordé cette proposition de loi.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il me semble important en préambule de vous présenter le contexte particulier dans lequel s’inscrit cette demande de validation législative.

De quel territoire parlons-nous ?

Du Chablais, la région la plus septentrionale des Alpes françaises, un secteur de Haute-Savoie particulièrement dynamique d’un point de vue démographique – la population de Thonon Agglomération a crû de 16, 5 % en onze ans –, regroupant des lieux touristiques de renommée internationale – Évian, Thonon-les-Bains, Morzine, Avoriaz, Châtel et bien d’autres stations, ce qui représente 207 000 lits touristiques –, et des activités économiques de premier plan, avec notamment les eaux minérales d’Évian. Cette usine d’embouteillage, qui est la plus importante de France et l’une des trois plus grandes du monde, compte 1 200 salariés ; 6 millions de bouteilles quittent chaque jour ce site : une partie est distribuée via le réseau ferroviaire, une autre par la route.

Ce territoire se caractérise également par des échanges internationaux de premier ordre, le Chablais se situant à l’interconnexion avec Genève, le canton de Vaud et le Valais.

Sur le plan politique, il fut l’un des derniers de France à être couvert par l’intercommunalité. Vous allez comprendre, mes chers collègues, que cette précision et la chronologie des événements ont toute leur importance dans le dépôt de ce texte et dans les raisons qui ont conduit à cette incohérence dans les documents d’urbanisme – le sujet qui nous occupe aujourd’hui.

Il s’agit en effet du dernier territoire de France à être couvert en totalité par un EPCI à fiscalité propre : une intercommunalité née sous la contrainte, au prix de nombreux débats, parfois violents, au sein de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI).

La ville de Thonon-les-Bains est ainsi restée dépourvue de tout rattachement intercommunal jusqu’au 1er janvier 2017, date à laquelle est née Thonon Agglomération du regroupement des communautés de communes du Bas-Chablais et des Collines du Léman et de la ville de Thonon-les-Bains.

Avant l’avènement de cette communauté d’agglomération, la communauté de communes du Bas-Chablais, concernée par le tracé de l’autoroute, avait, le 17 décembre 2015, prescrit l’élaboration du PLUi sur l’intégralité de son territoire. En 2017, cette communauté de communes a disparu au profit de Thonon Agglomération, qui reprit alors la main sur cette procédure.

Le 22 octobre 2019, le conseil communautaire de Thonon Agglomération arrêta le projet de PLUi du Bas-Chablais avant de l’approuver définitivement le 25 février 2020.

Dans cet intervalle, deux mois auparavant – le 24 décembre 2019 – fut signé le décret du Premier ministre déclarant d’utilité publique le projet de voie nouvelle entre Machilly et Thonon, décret portant mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme des communes concernées.

Cette chronologie révèle parfaitement que l’absence du tracé de cette autoroute dans le PLUi du Bas-Chablais est incontestablement liée à un défaut de vigilance de l’ensemble des services, dans un contexte d’enchevêtrement de procédures complexes menées concomitamment et de construction d’intercommunalité. Or il s’agit d’une infrastructure absolument vitale pour désenclaver le territoire chablaisien, l’un des derniers barreaux autoroutiers manquants du département.

Il convient par ailleurs de souligner que des 2x2 voies existent déjà aux extrémités de ce projet autoroutier : en amont, la 2x2 voies entre Machilly et le Carrefour des Chasseurs, qui sera complétée très prochainement par une liaison « A40-Chasseurs » portée par le département de Haute-Savoie ; en aval, le contournement de Thonon-les-Bains, également en 2x2 voies.

Au milieu se trouve ce goulot d’étranglement, source de bouchons interminables aux heures de pointe, ces 16 kilomètres qui ne sont pas mis au gabarit et qui supportent un trafic routier très soutenu traversant plusieurs communes, y compris rurales – on a enregistré jusqu’à 22 000 véhicules traversant quotidiennement certaines d’entre elles.

Cette situation a conduit l’État à prendre la décision de transformer en 2x2 voies ce tronçon sous concession autoroutière.

Il est en effet inconcevable de laisser persister un tel trafic sur le réseau routier secondaire avec tous les risques que cela comporte. L’actualité de notre département l’a tristement rappelé il y a quelques jours seulement : l’explosion d’un camion-citerne circulant en zone agglomérée a causé deux blessés graves et des dégâts matériels très importants.

Il est de bon sens de terminer ce projet porté par l’État. Je rappelle que l’ensemble des procédures ont été validées et tous les recours purgés, le Conseil d’État ayant confirmé il y a un an le rejet des recours des opposants.

La procédure de validation législative, parfaitement encadrée, est incontestablement adaptée à ce type de situation, puisqu’elle vise à réparer une pure erreur matérielle de procédure, comme c’est le cas en l’espèce.

Notons qu’une vingtaine de procédures de ce type sont examinées en moyenne chaque année par le Parlement français, pour des cas spécifiques. Il nous est ainsi arrivé de légiférer sur des questions très particulières concernant la Clairette de Die, des règles spécifiques pour l’aménagement des jeux Olympiques et du Grand Paris ou encore des délais supplémentaires accordés pour l’élaboration de PLUi métropolitains.

Mes chers collègues, nous avons été, pour bon nombre d’entre nous, élus locaux avant d’être sénateurs et nous connaissons les lourdeurs administratives immenses liées à ces procédures d’élaboration des documents d’urbanisme, a fortiori au stade intercommunal, et à la conduite de ce type d’infrastructures structurantes.

En l’occurrence, ce projet est attendu depuis près de trente ans et fortement soutenu par l’immense majorité des collectivités locales, des entreprises et des citoyens souffrant de cet enclavement et des difficultés de circulation qui s’aggravent avec le temps.

Nous ne sommes jamais à l’abri d’une erreur ou d’un oubli, qui ne peut en aucun cas remettre en cause le bien-fondé et le sérieux d’un projet porté durant une dizaine d’années de concertations, d’études et de procédures parfaitement menées à bien et tout à fait transparentes : l’ensemble des documents de Thonon Agglomération prennent en compte, dans leurs équilibres et orientations, le projet de liaison autoroutière.

Les élus de nos territoires et nos concitoyens déplorent chaque jour notre complexité administrative, source d’erreurs et de contentieux. Dans sa grande sagesse, le législateur a permis par le biais de ces validations législatives une résolution rapide et efficace des erreurs et omissions dont nous pouvons tous être responsables un jour ou l’autre. Ne nous privons pas de cette solution et servons-nous de cet exemple pour tenter de simplifier davantage ce type de démarche, source de contentieux !

Le Sénat, chambre des territoires, doit faire montre de son pragmatisme, en permettant une résolution rapide de ce type de problématique. Les élus locaux n’attendent rien de moins de ceux qui ont le privilège et l’honneur de les représenter au sein de cet hémicycle.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter massivement en faveur de ce texte.

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