Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous annoncer que le groupe socialiste votera en faveur du présent projet de loi. En effet, celui-ci consacre le rôle majeur de la Commission nationale consultative des droits de l'homme qui, en France, est l'autorité chargée d'éclairer le Gouvernement en matière de défense et de promotion des droits de l'homme, des libertés fondamentales et du droit international humanitaire.
Le projet de loi que nous examinons à présent consacre le caractère législatif de cette commission, qui en avait bien besoin. Il célèbre également la mémoire de René Cassin, dont le courage et l'engagement au service des droits de l'homme, durant la Seconde Guerre mondiale, et après celle-ci, doivent nous inspirer et nous guider dans ce combat perpétuel qu'est la défense de ces valeurs universelles.
La CNCDH constitue assurément une arme essentielle pour mener cette bataille. En accordant une valeur législative à l'existence de cette commission, nous permettrons à la France de respecter ses engagements auprès des Nations unies. La CNCDH continuera ainsi d'être le relais du nouveau Conseil des droits de l'homme de Genève.
De même, nous ancrerons plus solidement cette commission dans notre État de droit. En garantissant son indépendance et en confirmant ses pouvoirs et le pluralisme de sa composition, nous la conforterons dans son double rôle de vigie et de force de proposition.
Contrairement à certaines autorités administratives indépendantes - on les multiplie ces derniers temps, comme vous le savez, mes chers collègues -, qui s'apparentent souvent à des coquilles vides, et parfois à des usines à gaz, la CNCDH se trouve investie d'une réelle mission d'intérêt général, et nous devons donc la soutenir.
Notre débat d'aujourd'hui, qui n'a guère attiré nos collègues en séance, ce qui est dommage, compte tenu de l'importance de ce sujet, est consensuel. Je me contenterai donc de formuler deux remarques.
Premièrement, le Gouvernement n'a pas toujours consulté ou saisi la CNCDH lorsque c'était nécessaire. Or il faudrait à tout le moins, me semble-t-il, que cette commission soit systématiquement consultée avant le dépôt au Parlement d'un projet de loi touchant « d'une manière essentielle », selon la formule consacrée, aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales.
Ces dernières années, la CNCDH a souvent dû procéder par autosaisine, en vertu d'une procédure instaurée en 1989. Ce fut le cas, notamment, lors de l'élaboration des projets de loi sur la sécurité intérieure, sur la lutte contre le terrorisme, sur l'immigration, enfin sur la prévention de la délinquance, ce qui est dommage, car je considère, parmi d'autres, qu'il eût été de bonne politique de solliciter l'avis de la commission avant de commencer à débattre de ces textes.
Deuxièmement, la France se glorifie souvent d'être la patrie des droits de l'homme, ce qui n'est pas faux, même si les États-Unis l'ont en partie précédée. Toutefois, cela ne signifie pas que la situation des droits de l'homme soit optimale dans notre pays !
Je le rappelle, le rapport d'Amnesty International pour l'année 2005 évoque un certain nombre de cas de mauvais traitements - peu nombreux, certes, mais cela suffit - et parfois même d'homicides, imputables à telle ou telle personne investie de la force publique. Ce document rappelle également que le système judiciaire français ne parvient pas toujours à faire respecter l'obligation pour les auteurs présumés de tels agissements de rendre compte de leurs actes, ni le droit des victimes à obtenir réparation. En outre, ces observations sont confortées par le rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Par ailleurs, le commissaire européen aux droits de l'homme, M. Alvaro Gil-Robles, dressait lui aussi un bilan quelque peu négatif, mais dans lequel entre une part de vérité, il faut le reconnaître, de la situation de notre pays. Il soulignait ainsi la surpopulation des prisons, dont nous sommes tous conscients, le faible respect des droits des détenus, l'incarcération de mineurs, l'existence de procédures dissuasives pour la régularisation des étrangers, entre autres. Pour ma part, j'y ajouterai une utilisation abusive de la détention provisoire, qui est souvent condamnée, d'ailleurs, mais qui s'est malheureusement généralisée.
Nous devons donc assumer nos responsabilités et balayer devant notre porte.
Madame la ministre, le monde nous regarde. Nous sommes la patrie des droits de l'homme, c'est vrai, ainsi que les inspirateurs des « principes de Paris ». Ce texte, qui accorde une assise législative à la CNCDH, doit s'inscrire dans un mouvement plus large, me semble-t-il, et conduire la France à se conformer au droit international en ratifiant l'ensemble des instruments juridiques condamnant la violation des droits de l'homme. C'est ce que nous ferons en votant ce projet de loi.