Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 31 janvier 2023 à 14h30
Protection des épargnants — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons n’a rien à voir avec un PLUi ! Portée par le rapporteur général Jean-François Husson et moi-même, elle est le résultat d’un long processus, engagé dès 2020, sur le thème de la protection des épargnants.

Ce « marathon », si je puis dire, au vu du nombre d’auditions qui ont été menées, je l’ai d’abord entrepris en tant que rapporteur général de la commission des finances dans un contexte de taux bas et de constitution d’une épargne forcée.

Depuis lors, le contexte a changé : l’épargne est certes toujours élevée, mais l’inflation est forte. Néanmoins, les recommandations que nous avions formulées, pour certaines dès le début de notre travail, sont toujours d’actualité.

La proposition de loi que Jean-François Husson et moi-même avons déposée en mars dernier s’inscrit dans le prolongement direct de notre rapport d’information, publié au mois d’octobre 2021, qui avait donné lieu à dix-sept recommandations de niveaux normatifs variés.

Les douze articles initiaux de la proposition de loi sont directement tirés des recommandations de nature législative de ce rapport. Au terme d’une quinzaine d’auditions, ils ont été modifiés, améliorés et complétés lors de nos travaux en commission par vingt amendements, dont huit portant articles additionnels.

Je salue ici, monsieur le ministre, les échanges constructifs que nous avons pu avoir avec votre cabinet, le ministère et les autorités de supervision, que ce soit l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Les constats que nous dressions voilà un an et demi dans notre rapport n’ont pas changé. Le marché de l’épargne français est certes dynamique, mais il se distingue aussi par la prédominance du modèle historique de la « bancassurance », ce qui nuit à la concurrence, et par des frais plus élevés que la moyenne européenne. Ces constats sont d’autant plus d’actualité que, vous le savez, l’inflation, qui a atteint 5, 2 % en moyenne en 2022, devient un facteur supplémentaire d’érosion de l’épargne des Français.

J’évoquais à l’instant l’importance des frais : ceux-ci captent aujourd’hui plus de la moitié des résultats d’une épargne de plus de trente ans. Comment faire, dès lors, pour mieux protéger les épargnants ? La proposition de loi répond à cet objectif au travers de vingt articles, regroupés en quatre chapitres.

Le premier porte sur l’encadrement plus strict de certaines catégories de commissions et prévoit même la suppression des commissions de mouvement – une spécificité française. Le deuxième chapitre vise à permettre aux épargnants de faire un choix plus éclairé dans la sélection de leurs produits. Le troisième chapitre comprend des dispositions destinées à lever les contraintes sur les produits d’épargne et à stimuler la concurrence, tandis que le dernier chapitre regroupe les dispositifs de nature à mieux encadrer les acteurs du marché de l’épargne.

Je concentrerai mon intervention sur les premier et quatrième chapitres et laisserai au rapporteur général le soin de présenter les autres.

La part de la performance captée par les frais est de plus en plus élevée à long terme, au détriment des épargnants. Les articles 1er et 2 de la proposition de loi viennent soutenir un meilleur encadrement de ces frais.

L’article 1er interdit les commissions de mouvement. Les épargnants doivent en effet s’en acquitter en sus des frais de transaction. Ils subissent alors une double charge. Ces commissions comportent également un risque inhérent de conflit d’intérêts : les gestionnaires sont en effet incités à faire tourner les portefeuilles, avec davantage d’achats et de ventes, sans que cela se fasse au seul bénéfice de l’épargnant.

Elles sont surtout, je l’ai dit, une spécificité française, voire une incongruité, et nous nous félicitons que l’AMF ait modifié son règlement général pour les interdire, à compter du 1er janvier 2026, depuis le dépôt de notre texte, lequel a sans doute servi de levier de négociation supplémentaire. C’est parce que nous avons obtenu gain de cause sur ce sujet majeur que la commission vous proposera d’entériner cette modification du règlement général de l’AMF en supprimant l’article 1er.

L’article 2 prévoit, quant à lui, d’introduire une définition de l’arbitrage et du mandat d’arbitrage dans le code des assurances. Pourquoi un article d’apparence si technique ? Deux justifications simples : il faut, d’une part, opérer un rapprochement réglementaire entre les produits assurantiels et les produits financiers et, d’autre part, mettre fin à un certain nombre de pratiques hétérogènes.

Après l’examen du texte en commission, l’article est désormais pleinement conforme au droit européen, mais aussi plus tranchant en ce qu’il interdit la perception de commissions de mouvement par les mandataires.

Les chapitres II et III seront évoqués par Jean-François Husson. J’aborde donc maintenant le chapitre IV, qui contient les dispositions visant à mieux encadrer les acteurs et les intermédiaires sur le marché de l’épargne.

L’article 10 visait à confier à l’Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (Orias) le contrôle de l’honorabilité des dirigeants, des salariés et des intermédiaires. Les auditions que nous avons menées nous ont convaincus que l’Orias ne disposait pas des moyens nécessaires pour assurer sa mission.

Il n’en reste pas moins que le modèle actuel, basé sur un contrôle par les associations professionnelles et inspiré de la corégulation mise en place pour les conseillers en investissements financiers, n’est pas optimal et suscite des interrogations, notamment sur un risque de complaisance.

J’avais évoqué ces risques devant vous lors de l’examen de la proposition de loi relative à la réforme du courtage en assurance, dont j’étais le rapporteur. Je m’y tiens : pour que ce modèle de corégulation fonctionne, encore faut-il que les associations professionnelles soient contrôlées. C’est le rôle de l’ACPR ; or, jusqu’à présent, elle l’a très peu exercé.

Les travaux que nous avons menés sur l’article 11 nous ont permis d’aboutir à un compromis satisfaisant sur un sujet majeur, celui de l’encadrement des investissements défiscalisés dans le secteur du logement locatif.

Vous le savez, mes chers collègues, en France, on aime les impôts, et on en paye beaucoup, mais on aime également les réductions d’impôts – parfois un peu trop. Tous les ministres du logement, de droite comme de gauche, nous ont expliqué qu’ils allaient résoudre la question de la crise du logement en attachant leur nom à un dispositif fiscal. Aujourd’hui, c’est le Pinel, mais on peut citer le Périssol, le Censi-Bouvard…

Force est de constater qu’un certain nombre d’intermédiaires vendent ces produits d’épargne immobilière défiscalisée en oubliant parfois de rappeler aux investisseurs, aux épargnants, les risques qu’ils comportent. Les publicités vantent les réductions d’impôt, sans dire que l’investissement est de long terme, avec des charges de remboursement… On vous dit que le rendement est garanti et que les risques locatifs sont nuls : bien évidemment, tout cela n’existe pas. Aujourd’hui, ce secteur n’est pas encadré.

Vous avez sans doute vu sur internet des publicités pour investir dans des villes où il n’y a pas besoin de logements ou parfois dans des quartiers inconnus. Je me souviens de l’époque où la présidente de la commission des finances, qui était originaire d’Auvergne, nous avait parlé d’investissements dans les logements étudiants à Riom, qui avaient ensuite difficilement trouvé preneurs, avec des promesses de rendement extraordinaires…

Aujourd’hui, les investisseurs ne sont pas suffisamment avertis des risques et ne savent pas distinguer les offres frauduleuses, qui minorent les risques encourus ou qui en font abstraction. Les vendeurs se concentrent en effet sur l’avantage fiscal, sans mentionner ni le risque pour le patrimoine ni le risque fiscal. Je crois que nous pourrions, monsieur le ministre, ne plus laisser ces pratiques perdurer.

Nous proposons donc, à l’article 11, un encadrement plus strict de ces offres et du travail des intermédiaires. Les exigences en matière de publicité seront renforcées pour indiquer l’ensemble des risques de ces investissements. Une notice d’information devra obligatoirement être remise à l’épargnant. Tout manquement pourrait être sanctionné par les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui pourront infliger des amendes administratives.

Nous souhaitions aller plus loin et nous avons examiné avec l’AMF la possibilité d’accroître le contrôle. Je rappelle que le montant des plans d’épargne est en moyenne de 44 000 euros. En matière d’investissement immobilier, les sommes sont beaucoup plus importantes et les contrôles sont moindres !

Nous avons donc maintenu notre demande de rapport pour évaluer les moyens nécessaires à la mise en place d’un contrôle systématique des offres, des publicités et des documents précontractuels. Cela constituera, je l’espère, une première étape vers un contrôle a priori de ces offres.

Notre tâche est immense : mieux réguler ce secteur pour protéger les épargnants. C’est également le sens de l’article 12, qui vise à s’assurer que les acteurs du financement participatif sont bien soumis à des obligations déclaratives au titre de la lutte contre le blanchiment des capitaux.

Mon temps de parole étant écoulé, je laisse à Jean-François Husson le soin de vous présenter les autres aspects du texte.

J’espère, mes chers collègues, que vous souscrirez à cette proposition de loi, qui vise à mieux protéger les épargnants dans un contexte de hausse des taux et de recherche de rendement, notamment en diminuant les frais.

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