Intervention de Georges Patient

Réunion du 31 janvier 2023 à 14h30
Protection des épargnants — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les frais sont encore pointés du doigt. « L’accumulation de frais élevés peut dans certains cas amputer toute espérance de rendement » : ces mots, prononcés au début du mois de décembre par Jean-Paul Faugère, vice-président du collège de supervision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le gendarme des banques et assureurs, indiquent une fois de plus combien la question des frais reste problématique, notamment dans l’assurance vie.

M. Faugère précisait également que la mention des frais appliqués aux plans épargne retraite et assurances vie sur les sites internet des établissements, obligatoire depuis le 1er juin 2022, n’a pas contribué à leur baisse, bien au contraire, si bien qu’une nouvelle recommandation des autorités aux professionnels sur ce point est attendue courant 2023.

C’est dire si la proposition de loi présentée par Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier arrive à point nommé dans cette quête, comme une réponse à cet appel à une plus grande protection des épargnants.

On peut aisément concevoir qu’un consensus se formera autour de cette proposition de loi, qui traduit les principales recommandations législatives du rapport d’information de nos rapporteurs sur la protection des épargnants, d’autant qu’il s’agissait des conclusions d’une mission de contrôle sénatoriale transpartisane.

Les rapporteurs ont mis l’accent sur un certain nombre de problèmes qui pénalisent lourdement les épargnants français : « une concurrence entre acteurs limitée, un nombre élevé d’intermédiaires, ou encore un faible développement de la gestion passive. Cette structuration du marché de l’épargne se traduit ainsi par un niveau de frais élevé qui pèse sur la performance servie aux épargnants », concluent-ils.

Certains des acteurs auditionnés ont tenu un discours particulièrement radical sur l’état du marché de l’épargne. Je pense notamment à la pratique des commissions de mouvement, que l’article 1er vise à interdire, et qui a été vertement dénoncée par plusieurs acteurs. Les épargnants subissent une double facturation à chaque opération, avec les frais de courtage et les commissions de mouvement. Chaque année, 500 millions d’euros sont ainsi prélevés indûment par les sociétés de gestions et les intermédiaires, alors que ces pratiques sont interdites dans les autres juridictions européennes.

Les rapporteurs ont déposé en commission vingt amendements sur leur propre texte, dont tous ses articles ont été réécrits ; certains articles additionnels ont été ajoutés, signe que le dialogue des rapporteurs avec Bercy a été constructif.

Trois articles semblent néanmoins soulever des interrogations au sein de mon groupe.

La première porte sur le droit à l’erreur fiscale en cas de placement de titres non éligibles sur un PEA ou un PEA-PME, inscrit à l’article 5. Ne risque-t-on pas d’inciter l’épargnant à placer des titres non éligibles sur un PEA afin de bénéficier de ses avantages fiscaux, tout en rejetant la faute sur le gestionnaire ?

Notre deuxième interrogation porte sur l’article 7 et la transférabilité, à tout moment, de contrats d’assurance vie entre assureurs. Je doute qu’une telle mesure conduise à une réelle amélioration des tarifs des assurances vie pour les assurés. En revanche, elle pourrait s’avérer défavorable au financement de l’économie en contraignant les assureurs à préférer des placements de très court terme et sans risque afin de pouvoir clôturer à tout moment un contrat.

Enfin, est-il opportun de proposer un nouveau placement d’épargne retraite, à l’article 9, en plein débat sur la réforme des retraites, et ce même si la gestion confiée à la CDC devait être peu chargée en frais ?

Si nous saluons le travail des rapporteurs, qui dans l’ensemble va dans le sens d’une meilleure protection des épargnants, nous espérons que la qualité de nos débats permettra de lever les doutes qui subsistent sur les sujets que je viens d’évoquer.

Je ne saurais terminer mon propos sans faire mention des outre-mer. Tous leurs habitants doivent payer leurs produits financiers plus cher qu’en France métropolitaine. Une étude menée par l’association de consommateurs CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) dévoile que le surcoût que nos compatriotes ultramarins doivent payer à leur banque en comparaison avec l’Hexagone s’élève à 10 % ! Contrairement aux tarifs bancaires, l’opacité des frais appliqués à l’épargne nous empêche encore d’avoir un état des lieux précis.

J’espère que le comparateur officiel des tarifs bancaires tenu par le Comité consultatif du secteur financier sera rapidement enrichi des données publiées pour les PER et assurances vie que je mentionnais au début de mon propos.

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